Depuis la Cliveden House en Angleterre, Relais & Châteaux rappelle les fondamentaux de la pêche durable
C’est à une heure de Londres environ, dans l’envoûtante demeure historique de Cliveden House, que Relais & Châteaux organisait dernièrement son dîner de gala célébrant la Journée mondiale de l’Océan. L’occasion de faire le point sur une question d’importance : comment acheter son poisson de façon éco-responsable ? Qu’entend-t-on exactement par durable, dès lors que cette notion concerne les produits de la mer ? Justement, c’est ce sur quoi l’événement Relais & Châteaux revenait ; le tout en marge d’un dîner signé par six chefs, dont le Français Alexandre Gauthier. On fait le point sur les bonnes pratiques à retenir, et sur un dîner d’exception.
À la Cliveden House, demeure historique au charme entêtant, le dîner de gala signé Relais & Châteaux avait pour thème l’éco-responsabilité appliquée au poisson. Une notion que l’association hôtelière avait à coeur de préciser ; car si l’on sait qu’acheter ses fruits et légumes de manière éco-consciente signifie acheter local et de saison, les choses sont moins évidentes dès lors qu’il s’agit de poisson. Aussi, l’organisation avait-elle convié à son événement l’association Ethic Ocean, pour revenir sur les bonnes pratiques liées aux produits de la mer. Elisabeth Vallet, la directrice d’Ethic Ocean, a ainsi pu rappeler qu’en matière de poisson, acheter ‘durable’ signifie d’abord acheter en fonction de l’état du stock de l’espèce. En effet, a-t-elle souligné, si le stock de l’espèce du poisson choisi est bas, en acheter ne sera pas éco-responsable, même si le poisson est d’origine locale. En outre, s’il y a bien une ‘saison’ du poisson, comme par exemple pour les coquilles Saint-Jacques, ce qu’on entend en réalité par ‘saison’ fait en fait référence à la période d’ouverture de la saison de la pêche, et/ou de la saison de reproduction. Autrement dit, local et de saison ne sont pas synonymes de ‘durable’ lorsque cela s’applique aux produits de la mer.
Outre le bon état des stocks, Elisabeth Vallet a également rappelé l’autre critère à avoir en tête lorsqu’on achète des produits de la mer. Il concerne cette fois la technique selon laquelle le poisson a été pêché. En effet, « ce qui impacte le plus les océans en terme d’empreinte carbone, c’est la façon dont le poisson a été pêché », a ainsi souligné Mme Vallet, qui a rappelé que la pêche issue « des chaluts de grand fond est à éviter », puisque très polluante. Elle est aussi revenue sur le troisième critère à considérer pour acheter du poisson de façon responsable ; à savoir, la taille du poisson. « Il faudrait n’acheter que des poissons qui ont eu le temps de se reproduire », a-t-elle expliqué – soit des poissons suffisamment grands selon les dimensions de leur espèce. Outre ces trois critères, Mme Vallet a ajouté que pour consommer durable, il faut aussi « apprendre à diversifier notre consommation de poisson, en allant vers d’autres espèces que celles que l’on consomme habituellement. Et bien sûr, consommer toujours avec modération ».
Pour aider chefs et consommateurs à s’y retrouver, Ethic Ocean (qui travaille « main dans la main avec les scientifiques », parmi lesquels le CIEM, Conseil international pour l’exploration de la mer, et l’Ifremer), a créé une carte, recensant les zones de pêche selon un code couleur. La carte indique notamment les zones de provenance à éviter selon les espèces. Une application mobile est également disponible, pour seconder qui veut pendant ses achats. Car si « le mouvement vers la seasonnalité est lancé, il faut accélérer cette prise de conscience, et le changement des mentalités », a conclu Mme Vallet. D’autant que certaines espèces, comme l’anguille, sont actuellement menacées d’extinction.
Quant à Relais & Châteaux, cela fait plusieurs années que l’association hôtelière s’est engagée en faveur des océans ; sous l’impulsion de Philippe Gombert (son précédent président), et du chef Olivier Rœllinger, elle a produit un manifeste (qui sera réédité et mis à jour en 2024) présenté à l’Unesco, et dont l’un des engagements consiste notamment à protéger les ressources de la planète. « Olivier est un chef très engagé sur tous ces sujets », nous a confirmé par ailleurs l’actuel et nouveau président de Relais & Châteaux, Laurent Gardinier. « À l’époque, si Olivier a accepté de prendre la vice-présidence en charge de la table pour Relais & Châteaux, c’était parce qu’il avait ce souci en lui, cet engagement personnel » vis-à-vis de l’éco-responsabilité, a-t-il ajouté. Un engagement partagé par l’actuel vice-président de la table, Mauro Colagreco – dont le restaurant Mirazur a été le premier au monde certifié sans plastique.
Pour encourager ses membres à davantage de SEAsonnalité (comprendre : à faire preuve d’une éco-conscience appliquée à la consommation des produits de la mer), Relais & Châteaux s’applique à leur fournir un ensemble de bonnes pratiques. « On essaie d’être concret ; on apporte un service, des conseils, un accompagnement, pour faire en sorte que le développement durable ne soit pas un élément de communication, mais réellement mis en place dans nos maisons », a précisé Laurent Gardinier. Le dîner de gala à la Cliveden House, en tout cas, témoignait de son effort envers la SEAsonnalité. Les plats, signés respectivement par Yannick Noack (Purs), Danni Barry (Ballynahinch Castle), Adriano Venturini (Eden Roc Cap Cana), Alexandre Gauthier (La Grenouillère), Jordan Denning (Lympstone Manor) et Chris Hannon (Cliveden House), trustaient tous des poissons aux origines durables. Au terme de ce dîner, le chef exécutif de la Cliveden House a d’ailleurs estimé que cette Journée de l’Océan avait eu son impact ; permettant de « mettre en avant notre responsabilité en tant que chefs de sourcer et de préparer des poissons de façon écoresponsable. »