Reffetorio Paris Madeleine – » Nous allons lancer un camion, à la fin de l’année, qui va distribuer une centaine de repas par soir dans les camps de migrants «
Pour en savoir plus sur le fonctionnement du restaurant dédié aux plus démunis Reffetorio de la Madeleine à Paris lancé en début d’année par le chef Massimo Bottura et l’artiste @JR, lisez ci-dessous l’article du Figaro de ce Week-end.
Alors qu’Emmanuel Macron a présenté son plan pauvreté jeudi, une récente enquête Ipsos-Secours populaire fait état des difficultés de certains Français à se procurer de l’alimentation saine. Nous sommes allés voir comment fonctionnait le Refettorio Paris, qui propose des repas gratuits aux personnes en situation d’exclusion.
18h au Refettorio, place de la Madeleine à Paris. C’est l’effervescence. Les bénévoles s’affairent en cuisine d’où s’échappent des odeurs d’épices. Dans la salle, on dresse les tables, tout doit être prêt pour l’ouverture à 18h30, pour accueillir les invités. Tous les soirs, une quinzaine de bénévoles sert un repas gastronomique aux plus démunis. L’objectif: «leur redonner de la dignité».
À l’origine du concept, le chef italien Massimo Bottura, trois étoiles au Guide Michelin qui l’a d’abord lancé à Milan en 2015, puis à Rio et Londres. Il souhaite ainsi proposer un repas de qualité aux plus démunis, dans un cadre agréable et en utilisant les invendus pour lutter contre le gaspillage.
Ce soir, tout le monde est sous les ordres de Cora qui fait le lien entre cuisine et serveurs. Et certaines règles doivent être respectées: c’est à elle qu’il faut passer commande et récupérer les plats. Car les bénévoles du Refettorio (qui ne compte qu’une poignée de salariés) ne sont pas des professionnels, sauf en cuisine où certains partagent leur savoir-faire gratuitement. «Trois fois par semaine nous avons des chefs extérieurs, explique Jean-François Rial, président du Refettorio Paris, venu donner un coup de main ce soir. Jean Imbert vient régulièrement par exemple».
«Le repas, c’est sacré»
Quand les portes s’ouvrent, une petite foule attend déjà impatiemment. Les bénévoles à l’accueil récupèrent les cartes avant de diriger les invités vers une table. Tous ont été envoyés par des ONG ou associations, seules habilitées à fournir les cartons d’invitation. «En juillet, on a fait jusqu’à 140 couverts parce qu’on prenait des gens en plus même sans carte, précise Margaux, salariée chargée de tout organiser sur le terrain. Ça a créé beaucoup de frustration pour tout le monde, parce que c’était ingérable, et surtout on ne veut pas refuser des personnes ou demander des feuilles de RSA». Parmi les partenaires, on trouve les associations Aurore, le Secours catholique, le Secours populaire ou encore Emmaüs.
Certains «invités» ont déjà leurs petites habitudes et s’installent à leur table préférée. L’ambiance est feutrée, dans cette petite crypte située sous l’église de la Madeleine, décorée par l’artiste JR. La plupart viennent accompagnés et si ce n’est pas le cas, ils discutent avec leurs voisins.
En cuisine, on s’active. Au menu: tomates mozzarella et aubergines frites en entrée, médaillon de trois viandes – toujours halal – avec sa poêlée de légumes et enfin crumble banane chocolat, glace citron vert et meringue pour le dessert.
«Ce sont des moments de partage, de convivialité, raconte Saskia, bénévole régulière. Le repas, c’est sacré, à table il y a toujours quelque chose qui se passe, c’est familial. Un lien se crée, on leur redonne le goût des bonnes choses et ils commencent à s’ouvrir!». Si l’équipe dirigeante du Refettorio préfère travailler avec des associations, c’est aussi pour assurer un véritable suivi. «Il y a un effet levier, les personnes s’habituent à un horaire, discutent et finalement se recréent une vie sociale, sourit Margaux. Cela les pousse à se remettre dans les démarches administratives. Une personne nous a dit avoir retrouvé un logement».
400 000€ par an pour faire vivre le projet
La soirée est plutôt calme par rapport à juillet, soixante-huit personnes sont venues dîner: «C’est parce que tous les restaurants solidaires ont rouvert», indique Margaux. Le restaurant préfère se cantonner à 110 couverts maximum, pour prendre le temps de découvrir les hôtes. Et de leur préparer des petites surprises, comme le concert privé de U2 quelques jours plus tôt, invités par JR. C’est grâce à ce réseau que le projet peut fonctionner. «On a pu se lancer grâce au mécénat et les grosses sommes d’argent données par nos partenaires comme Carrefour, détaille le directeur du Refettorio Paris. Le lancement a coûté 400 000 euros et c’est la même somme que nous allons dépenser par an». À terme, le PDG espère développer d’autres systèmes de financement, notamment des opérations privées. Une tâche à laquelle s’attelle à temps plein Déborah, nouvelle manager du restaurant.
Pour récupérer les invendus, l’équipe se repose sur ses partenaires ou la Banque alimentaire. «Travailler avec ces restaurants, ça nous permet d’obtenir des denrées alimentaires que nous ne sommes pas autorisés à distribuer nous directement. Mais comme ils vont les transformer et les préparer en plats cuisinés c’est possible», explicite Nicole Farlotti, présidente de la Banque alimentaire en île de France.
Distribution dans les camps de réfugiés
Si le Refettorio a trouvé son public, le concept avait essuyé des critiques au moment de son lancement. «Plusieurs associations nous ont signifié qu’il était difficile pour certaines personnes de venir, notamment les migrants, reconnaît Jean-François Rial. Nous allons lancer un camion, à la fin de l’année, qui va distribuer une centaine de repas par soir dans les camps».
Les projets autour de la cuisine fleurissent: les Restos du cœur ont par exemple lancé des ateliers cuisine pour redonner le goût et l’envie de se préparer des petits plats, pour lutter contre l’exclusion. En octobre, un restaurant éphémère sera créé à Arras par l’association le Recho. Petite particularité, les réfugiés seront aux fourneaux avec les bénévoles, pour que la cuisine soit un prétexte aux rencontres.