Dominique Bouchet

Dominique Bouchet (Paris) : sérénité

31 mai 2019  2  À la petite cuillère
 

signature-food-and-sensDominique Bouchet, j’y suis venue tard, avec le regret de ne l’avoir pas connu avant. Pourtant, son curriculum vitae criblé d’étoiles inspire le respect : chez Robuchon au Concorde-Lafayette dès 1974, chef de cuisine du légendaire Jamin en 1978, chef de La Tour d’Argent de 1981 à 1988, deux macarons Michelin au Moulin de Marcouze (Monsac, Charente-Maritime) jusqu’en 1997, chef du Crillon de 1997 à 2004 et enfin rue Treilhard, dans un cadre apaisant et intime où il est chez lui. Sa réputation est venue me tirer par la manche plus d’une fois : mon ami John Talbott fait très grand cas de lui. Mais je n’ai été initiée qu’au cours d’un dîner de presse l’hiver dernier, et récemment, pour découvrir le nouveau menu. Résultat de cette initiation, récapitulatif du parcours : on a affaire à un monstre sacré de la carrure des Robuchon, des Peyrot, des Pacaud (Bernard, évidemment) ; un grand chef parmi les grands, que son amour de la sincérité et de la discrétion met en retrait du buzz médiatique. Position assumée et sereine.

Dominique Bouchet

Dominique est une star au Japon. De nombreux liens, y compris son épouse japonaise, l’unissent à l’archipel. Trois restaurants dont deux doublement étoilés à Ginza (Tokyo), un grill à Kanazawa, une collaboration avec une maison de saké entre 2006 et 2014.

Dominique Bouchet

Et, rue Treilhard, un chef japonais, Masayoshi Haraguchi, dont la sensibilité vibre avec la sienne. Voilà le décor planté, reste à parler de la cuisine.

Dominique Bouchet

Amuse-bouche épatants qui donnent une folle envie de découvrir le reste.

C’est une grande cuisine facile à manger. Un style classique vivant qui, loin d’ennuyer, incite à entrer dans le plat. Aucun formalisme, de la rigueur sans la moindre raideur, beaucoup de douceur. Un sens de l’équilibre et de la finesse que l’on évoque souvent en présence de cuisine française exécutée par des chefs japonais, mais que l’on peut aussi voir chez un chef français qui s’est imprégné du Japon, l’a rencontré dans sa chair. Parce qu’ici, les deux phénomènes sont présents.

Dominique Bouchet

Tout au long du repas, Michel, manager-sommelier, nous proposera des accords, principalement de blancs, tout en justesse.
Par exemple ce très beau graves.

Dominique Bouchet

Un velouté de carottes à l’umami puissant, mais léger comme un nuage, ouvre le dîner.

Dominique Bouchet

Il est suivi d’une truite marinée au sanshô, purée d’avocat, coulis de mangue.

De toute évidence, le Japon attendait Dominique Bouchet et son cursus déjà impressionnant pour apposer la touche finale : un brin de zen, une étincelle, une source de vie et d’âme qui, aujourd’hui, distingue cette cuisine des flonflons gastronomiques et lui donne une place à part.

Dominique Bouchet

Cœur d’artichaut fondant au miso, joli jeu sur l’amertume et la sapidité.

Quand on va rue Treilhard, on ne fait pas qu’aller au restaurant. On se dit que la vie y continue, discrète, imperturbable, pendant qu’ailleurs ça sonne le clairon et ça fait courir les chiens. Il y a une dimension no nonsense, no poudre aux yeux, qui nous ramène au gastro festif, émerveillé des maîtres français de naguère. À leur aura, à leur rayonnement qui n’aurait jamais dû s’éteindre, et non pas à des temps révolus.  Il se passe ici quelque chose qui nous fait tenir la fourchette ou la cuillère en suspens pendant de longues secondes avant d’entrer sensuellement, avec curiosité et délice, dans l’assiette.

Dominique Bouchet

Macaronis de homard, fondant d’aubergine, bisque de carapaces.
La bisque est puissante et concentrée, le plat est magnifique.

Il y a beaucoup de chefs étoilés, mais parmi eux combien de grands chefs proprement dits ? Je veux dire des chefs qui savent transmettre la splendeur du classicisme avec une légèreté de matière et d’esprit ? De chefs dont la cuisine a l’air de sourire tout le temps ? Je n’en fais pas ici la liste, mais Dominique Bouchet en fait partie.

Dominique Bouchet

Sole et mousseline de saint-jacques, croûte de noix, émulsion au jus de coquillages.

Dominique Bouchet

Filet d’agneau rôti, semoule de blé, aubergine farcie à la ratatouille.

Dominique Bouchet – 11, rue Treilhard, Paris VIIIe. Tél. : 01 45 61 09 46. Fermé le week-end. Menu affaires 58€ (entrée, plat, dessert) ; menu découverte (7 services) 128€. Carte environ 110€.

Dominique Bouchet

Le dessert : omelette norvégienne revisitée ; le cœur est une sublime glace vanille et le look est joliment art-déco.

À la petite cuillère
Textes et photos : Sophie Brissaud

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2 réflexions sur « Dominique Bouchet (Paris) : sérénité »

  1. Ciron Monique

    Je suis tellement d’accord avec cet article! Dominique BOUCHET a un talent immense et je prends un grand plaisir d’aller déjeuner ou dîner chez lui, au DB chaque fois que je « monte « à Paris. Bravo à lui, à son Chef et à toute son équipe. On est si bien reçu rue Treillhard!!!!

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