Autour de chef Dabniel Boulud, un collectif de chefs français font vivre maraîchers et éleveurs en leur garantissant des commandes importantes et régulières
Ce Lyonnais d’origine a quitté la France il y a quarante ans. A New York, où son tout premier restaurant fête ses 25 ans, le chef doublement étoilé a trouvé toutes sortes de parades pour continuer à cuisiner français avec des produits locaux.
Le Daniel, deux étoiles Michelin du très chic Upper East Side à New York, fête ses 25 ans cette année. À sa tête, le chef Daniel Boulud, né à Lyon en 1955, mais exilé outre-Atlantique depuis le début des années 80. Chef de cuisine, et aussi d’entreprise… En 2018, son Dinex Group opère une quinzaine d’enseignes à son nom dans le monde, dont sept restaurants et trois épiceries rien qu’à New York. Mais toujours aucune en France.
L’Hexagone, Boulud le sert dans sa cuisine « aux saveurs françaises familières influencées d’exotisme ». Au menu ce printemps: crabe au gingembre et aux épices méditerranéennes, purée de betteraves à l’aïoli de ciboulette et mulet à la japonaise, puis steak de bœuf Waygu et ses pommes « Pont Neuf ». Des mets dont les ingrédients viennent principalement des environs de New York. Une région qui, comme la France, connaît quatre saisons bien marquées, sur lesquelles s’axe la cuisine Boulud.
Du foie gras américain
Les grenouilles viennent du Vermont, les Langouste de Louisiane, les pigeons, les pintades et les dindes fermières de la verte Long Island. « Autour de New York, c’est un grand jardin », raconte Daniel Boulud. Et sinon, il va chercher plus loin: « les ormeaux et les cœurs de palmiers viennent d’Hawaï, les champignons et les truffes d’Oregon », à l’autre bout du pays, sur la côte ouest.
Confronté aux très strictes règles américaines en matière d’importation de produits alimentaires frais, Daniel Boulud doit se décarcasser pour ne pas priver ses clients des ingrédients phare de la gastronomie française. Il a obtenu l’autorisation de faire venir du jambon de Bayonne, mais le foie gras, il l’achète aux États-Unis, auprès d’un fermier qui gave ses canards au soja plutôt qu’au grain. « Il est très bon », assure le chef.
Daniel Boulud a dû se démener pour trouver ses fournisseurs, demandant aux meilleurs d’entre eux de le mettre en contact avec d’autres paysans qui font du « bon ». Avec d’autres chefs français venus tenter leur chance en Amérique à la même période que lui, ils se sont réunis en collectif. Ils font vivre maraîchers et éleveurs en leur garantissant des commandes importantes et régulières.
Deux semaines, la nuit, avec un filet de soie
Parfois, trouver le pendant local idéal relève du miracle. Son compatriote, feu Jean-Louis Palladin a mis des années à trouver des pibales, ces alevins d’anguille qui font la réputation de la cuisine basque et dont les prix -jusqu’à 1000 euros le kilo- talonnent ceux du caviar. Pendant des années, il a étudié les rivières américaines, déniché celles susceptibles de figurer sur le trajet migratoire des alevins d’anguilles. Ayant trouvé un site où elles ne passaient que deux semaines par an, il a fallu s’y rendre de nuit, pêcher au filet de soie ce délicat poisson.
Reste que tout n’est pas « mondialisable ». Les asperges blanches de Provence, dont Boulud ne saurait se passer au printemps, « on a tout essayé pour en faire grandir dans le sol américain. Rien n’y fait, elles sont plus amères », explique-t-il. Même problème pour les fraises des bois. Elles viennent donc de l’Hexagone. Comme un savoir-faire qui manque encore parfois. Pour la charcuterie, c’est la maison d’excellence parisienne Vérot qui envoie chaque année à Daniel Boulud un de ses artisans préparer ses pâtés et saucisses.