À Menton, Mauro Colagreco lie étroitement le destin de la ville à la gastronomie.
À Menton, ville côtière située entre Roquebrune-Cap-Martin et l’Italie, le dynamisme culinaire s’associe désormais au nom de Mauro Colagreco. Et pour cause : le triple étoilé y tient en effet plusieurs établissements, dont le bien connu Mirazur. Mais pas seulement ! Nous sommes allés découvrir l’une des autres tables que le chef tient dans cette commune solaire, ainsi que les jardins potagers qu’il y exploite. Visite guidée.
Ah, le soleil rutilant de Menton… Cette petite ville de la Côte d’Azur, avec son centre historique médiéval, ses jardins botaniques envoûtants, et sa marina où fleure bon une certaine simplicité, donne à voir un art de vivre joyeux, empreint de sérénité. C’est là que depuis 2005, Mauro Colagreco vit à flanc de collines, dans la partie de la ville qui tutoie l’Italie. S’il est au cœur du rayonnement culinaire de Menton, c’est que le chef argentin y a développé, outre le Mirazur, un joli consortium d’adresses. Le chef y tient en effet une pizzeria napolitaine, Pecora Negra ; un grill argentin, Casa Fuego ; une boulangerie, Mitron Bakery ; et un comptoir à pain dans les halles marchandes. Le tout donne une certaine idée de l’univers culinaire du chef, au-delà de son gastronomique ultra-fameux, et de ses autres adresses situées dans les villes voisines et d’ailleurs ; dessinant, en creux, un homme aux goûts simples, attaché avant tout aux beaux produits, au bio-dynamisme, au respect du terroir et de la nature. C’est à Menton également, dans les collines accidentées surplombant la mer, que le chef exploite plusieurs hectares de potagers. Ces espaces préservés, qu’il fait volontiers visiter, lui permettent de produire 60% des produits utilisés dans ses restaurants. Et donnent à voir sa philosophie culinaire, mais aussi environnementale.
De fait, si ces jardins potagers « dictent la cuisine de nos restaurants, selon les saisons et la météo », confie Mauro Colagreco, ils ont aussi pour rôle d’être « un laboratoire à ciel ouvert », où les équipes « mènent un véritable travail de recherche ; sur les variétés anciennes, sur les variétés locales, et sur les variétés que le climat de Menton permet d’introduire », explique-t-il. Aussi, l’équipe (composée notamment d’une ingénieure-agronomie et d’un ethnobotaniste) cultive-t-elle bananes, fruits de la passion, avocats et autres tomates d’arbres dans ces fameux jardins – qui sont au nombre de cinq. Petite victoire, et non des moindres : pour la première fois cette année, le jardin a produit sa « première mangue ! », raconte le chef. Effectivement, lorsqu’on se promène à travers le Rosmarino (le jardin potager situé presque au-dessus du Mirazur), une partie attire l’attention ; celle réservée aux fruits tropicaux. On y distingue papayes, fruits de la passion, et autres tamarillos (ces tomates d’arbre précités). Ainsi que, ô surprise, un caféier. Avec leur vue plongeante sur la Méditerranée, et les espèces qu’ils s’emploient à préserver, on comprend l’engouement du chef pour ces lieux précieux.
Plus que de simples potagers, ces vastes espaces plantés d’une multitude d’espèces sont « aussi un lieu de préservation de la biodiversité locale », précise Mauro Colagreco ; c’est d’ailleurs là que le chef et ses équipes ont notamment « participé à la préservation de l’oignon rose de Menton, une variété qui était amenée à disparaître. Ce rôle de préservation a toujours été important pour moi, et c’est désormais une mission que j’embrasse avec le soutien de l’UNESCO », détaille-t-il. Les lieux, enfin, ont en outre une mission pédagogique, puisque « collaborateurs, amis et clients ont la possibilité de visiter les potagers avec les équipes. Des formations sont régulièrement organisées sur le fonctionnement des jardins, les produits, la philosophie et le compost pour les personnes en salle, en cuisine et dans les bureaux. Les cuisiniers, eux, sont incités à y passer du temps, et à cultiver eux aussi les produits, pour mieux les comprendre et ainsi mieux transmettre cette philosophie et ce respect de la nature dans nos plats ».
Un peu plus loin dans Menton, sur la marina précisément, se trouve la pizzeria du chef, ouverte en 2019. Pecora Negra est un établissement au décor sobre, tout simple, où la plupart des clients s’attablent sans savoir que les lieux ont à voir avec l’étoilé Mauro Colagreco. C’est ainsi que le chef l’a souhaité ; il voulait une adresse tranquille, où les bons produits seraient les seules vraies stars – « je voulais un lieu convivial et familial, autour d’une cuisine gourmande et qui me ressemble », confirme Mauro Colagreco. La vue, elle, enchante ; donnant directement sur la marina, et le clapotis plus ou moins tranquille des vagues. On conseillera d’y opter pour la pizza du jour, propice aux ingrédients inattendus ; qu’il faudra faire suivre par le tiramisu, lui-même accompagné d’un café aux saveurs tenaces. Puis, de nouveau, la promenade reprendra, au gré de la vieille ville et de ses entrelacs colorés de ruelles, de places, de clochers et de promontoires. Il faudra gagner, avant de repartir, la boulangerie artisanale – toute simple, là encore- du chef Colagreco, ouverte en 2020, où « tous les produits sont faits avec notre propre farine, qui provient de notre moulin en pierre, situé à 10 minutes de la boulangerie », précise le chef. Là, une brioche d’exception côtoie des tartes au citron mémorables. Dans cette échoppe bourrée d’authenticité, la difficulté persiste : quoi choisir, puisque tout est bon ?
Photos : ©Matteo Carassale – ©Jovani Demetrie – ©Colines CS –