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 Yoann Conte : Rencontre sensible en bord de Lac

29 juillet 2019  0  Non classé
 

signature-food-and-sens  Yoann Conte : Rencontre sensible en bord de Lac

©Texte et photos – Julie Limont

Le chef Yoann Conte

Ecrire n’est pas mon métier. Je ne suis ni critique ni journaliste, et d’aucuns penseront sans doute que j’ai bien peu de légitimité à rédiger ces papiers.
Mais j’aime les mots, j’aime leur phrasé, leur justesse, leur délicatesse, leur poésie, j’aime surtout quand ils permettent de (res)susciter des émotions, quelles qu’elles soient.

Danseuse, je ne montais sur scène que pour cela, toucher ne serait-ce qu’une personne dans le noir de la salle, et aujourd’hui encore, par une image ou quelques phrases, j’espère toujours atteindre le sensible.
Alors ici, pour témoigner de mon passage chez Yoann Conte, l’entreprise prend plus que jamais sens, et je vais, une fois de plus, m’atteler à tenter d’être fidèle aux dires et intentions à défendre.

Germain Bailly, chef exécutif

J’avoue. Ne le connaissant pas, et m’attachant souvent à lire le moins possible sur les personnes à la rencontre desquelles le vent me porte, je n’avais pas d’idées sur l’homme, sinon une vague impression de personnage plutôt distant et réservé.
J’étais bien loin du compte, et cette entrevue, je le reconnais également, m’a foncièrement remuée.

Je suis arrivée à la Maison Bleue avec un peu d’avance, un peu en vrac aussi, bercée par la douce symphonie de névralgies dentaires, et en ai profité pour réaliser quelques clichés du lieu, sublime et idyllique écrin en bord de Lac, dans son calme d’avant coup de feu. Pour autant, vous n’en verrez aucun. Je pourrais même ajouter, comble de l’histoire, que les photos du service qui vont suivre ne sont qu’anecdotiques, tant le message qu’il me faudrait porter est essentiel et teinté d’urgence.

Pour démarrer, gîte de boeuf travaillé en tartare…

… accompagné d’oeufs de caille pochés au sucre, moutarde, estragon

Mais Yoann Conte arrive. Je perçois d’emblée une agitation latente, déroutante, une inquiétude viscérale, de celle qui mordille les orteils, la nuit, parce qu’elle semble nourrie d’impuissance.
Son mètre quatre-vingt-trois s’assoie, s’excusant du retard, de sa voix cassée par un coup de froid et de devoir répondre à un appel, puis il commence à me conter son parcours, sa vie, son enfance, à me narrer ce qui le meut, l’émeut.

A son écoute, je sens le difficile, l’injustice parfois, le mal-être souvent, de ne jamais entrer dans les cases ni les cadres, le besoin de prouver, de se prouver, d’éprouver, de se rassurer dans le regard des autres, par ego dérouté qui marque les timides et peu sûrs d’eux. Je me retrouve face à un homme dont l’hypersensibilité fait chanceler la mienne, et dont je connais si bien le besoin de dépassement, d’acharnement jusqu’au-delà de l’épuisement, de se remettre en piste envers et contre tout, de faire mentir les statistiques, dans cette prise de risques permanente, ce jusqu’au-boutisme fou, effronté face au danger et dans l’intuition de servir un jour une cause plus grande et plus noble que soi, toujours à fleur de peau.

Chou coleslaw, oeufs de truite de lac

Ce grand gaillard, dont la voix s’étouffe quand il me parle de ses jeunes années, me raconte en détails ses 13 ans. C’est à cet âge qu’il commence à « travailler » pour financer un voyage en Floride, afin de retrouver une jeune femme qui avait officié pour ses parents et dont il s’était pris d’amitié, pour quelques semaines de vacances volées par an.

Non loin de son père, il fait alors ses premiers pas en cuisine, apprenant la valeur du travail, du mérite, de la persévérance, de l’argent, et comprenant également que pour parvenir à ses fins, il faut être malin. Il m’explique, avec une pointe de culpabilité un peu honteuse inhérente à son éducation judéo-chrétienne qu’il a rusé, parfois menti, comme le font les débrouillards, pour obtenir ce qu’il désirait, pour s’en sortir, aussi, encombré d’un corps qui ne reflétait en rien ce qu’il était : trop grand, trop fort, trop baraqué, cheval d’arçon aidant, d’apparence plus âgé, plus mature et plus solide surtout, qu’il ne l’était en réalité.
Ses complexes sont alors devenus outils, lui permettant de nourrir ses envies, ses plaisirs, toujours teintés de sport et surtout en pleine nature.

Randonnée, course à pieds, vélo, la montagne est son terrain de jeu, et le sport de haut niveau, à l’image de sa participation à l’UTMB (Ultra Trail du Mont-Blanc), ce qui lui permet de tenir aujourd’hui, et de ne rien lâcher.

Après un parcours de cuisinier heurté et besogneux, ponctué d’expériences parfois douloureuses, cet acharné de travail a pris la barre de la Maison Bleue, à Veyrier-du-Lac « en bon père de famille », comme la formule est d’usage, et mène son navire dans un sentiment de responsabilité à élever (porter plus haut) et transmettre l’essentiel, dans les notions de mérite et de respect qui font de lui ce qu’il est, tout en s’attachant à susciter l’envie incessante de sortir de sa zone de confort, pour avancer, de manière ultime et vitale.

Ci-dessus : Féra fumée du lac Léman, strates de pommes de terre, acha des montagnes

et 

Ci-dessous : L’huître Cadoret affinée en rivière de Belon, servie en salle

Par cette Maison, il construit aussi son équilibre, recrée ses fondamentaux, perdus à ses 10 ans, en prenant soin de ne jamais tomber dans les excès : il est homme qui se justifie voire s’excuse des quelques marques de confort qu’il s’est offert, comme sa piscine « qui se remplit toute seule, à l’eau de pluie », me rappelant bien vite qu’il aime aussi se faire veilleur de nuit, pour quelques jours, au sous-sol de son établissement, afin de ne jamais risquer perdre pied avec la réalité.

Yoann est un homme sans filtre, et aujourd’hui, cette réalité, précisément, l’attriste, le bouleverse, profondément. Etre témoin des agissements insensés de l’Homme, pour l’enrichissement et la soif de pouvoir de quelques uns, le révolte. La disparition des ressources, si visible dans sa belle région, avec notamment la fonte du Glacier de Sarenne, la fuite en avant des uns et l’attentisme du plus grand nombre, dans un constat et un soupir d’inéluctable, le heurtent de plein fouet. L’urgence est dépassée, la décroissance seule issue possible, pour notre civilisation qui se mène à sa propre perte. « On a perdu le chemin », pêcher n’est plus possible, faire du feu, interdit, l’ancestral et le fondamental ne peuvent plus exister. Alors il réfléchit, agit, lance les projets pour bâtir ou retrouver un mieux manger global et durable, pour recréer des cercles vertueux, et revenir à ce que la cuisine n’aurait jamais dû cesser d’être, nourricière.

Ici un champ qui pourrait devenir source pour la cantine scolaire de la ville, là une barre énergétique qui nourrit intelligemment les sportifs de haut niveau, les contributions sont diverses mais l’engagement reste le même.

Langoustines, toutes en gourmandise

Yoann Conte continuera de ne rien lâcher. Par revanche sur la vie, par devoir, également, pour ses enfants qu’il ne voit que trop peu grandir, par responsabilité envers les personnes qui ont embarqué dans l’aventure à ses côtés, par engagement à faire entendre son message. Et même si les étoiles, les sacres, les récompenses, ne sont l’essentiel de la vie, il est bien conscient qu’elles sont une reconnaissance qui nourrit les âmes et la santé financière des entreprises, et qu’elles permettent aussi de donner plus d’écho au discours.

Son abandon sur l’aventure de l’UTMB demeure une déchirure, et restera son seul faux pas, il s’en est fait la promesse. Il reprendra d’ailleurs le chemin du Trail, malgré les blessures et sa jambe qu’il aurait bien pu perdre, pour conjurer ce sombre souvenir, et prouver à tous qu’au bout du compte, d’où que l’on parte, vivre ses rêves est possible.

Plat signature, la carotte dans tous ses états, version

Chipirons « comme une charcuterie lyonnaise »

Broco vert, jus de légumes confits, le brocolis à l’honneur, des fleurettes au pied

La recette de la soupe de poissons..

Ormeau Haliotis de Sylvain Huchette, servi avec le bouillon d’une barigoule

Le céleri, cuit à la ficelle, par Germain Bailly

L’artichaut version 2019, presque comme une barigoule

Saint-Pierre poché à l’huile de Kalamata, blancquette de coquillages et wakamé au Chignin Bergeron

Ci-dessous : Rouget grondin « sans arêtes »

Ci-dessous : Pigeon fondant croquant

Ris de veau paumé

Agneau fermier de 100 jours, complètement dans son élément, ail, cresson de fontaine

Veau de lait « fou d’herbes du jardin »

Max Martin, chef pâtissier

En guise de pré-dessert, « Rubus sarriette, safrané et citronné »

 

Rhubarbe de Mathieu Vermes, parfaitement pochée

Préparation de l’abricot « croque en sucre » à la sauge du jardin

L’orange, « le dessert de Max à fort potentiel »

Mano a mano, chocolat et Porto

Maison Yoann CONTE 

RELAIS & CHÂTEAUX 

13, vieille route des Pensières – 74290 Veyrier-du-lac

contact@yoann-conte.com

Tel +33 (0)4 50 09 97 49

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