Pourquoi les chefs ont tout intérêt à assurer leur propre com’
Le magazine Glamour s’est penché sur les nouveaux créneaux de communication qui s’offrent aux chefs, n’en plaise aux journalistes, constat évident que la presse papier est de moins en moins influente pour la réputation des restaurants. D’ailleurs les belles plumes comme Emmanuel Rubin, FR Gaudry, Gille Pudlowski ou Camille Labro s’essayent eux aussi aux autres médias, comme la radio, la télé, les blogs, ou la presse en ligne… Le digital et le net remporte tout les suffrages du public, les réseaux sociaux aidant les chefs sont en direct avec leur public, leurs fans, leurs futurs clients, et de plus en plus de chef l’ont bien compris ayant passé le cap en s’engouffrant dans la communication en ligne…
à lire ci-dessous où en cliquant sur le LINK pour retrouver l’article original.
À l’heure où n’importe qui peut s’improviser influenceur food sur instagram, et où les guides gastronomiques semblent en perte de vitesse, Glamour a passé les prescripteurs du bien manger au gril pour aiguiller votre fourchette.
Qu’on soit accro au foodporn (« Tu veux voir mon burger dégoulinant ?« ), au clean eating (« Coucou, mon poke bowl au soja mariné ») ou en pâmoison devant la dernière tendance culinaire, manger est devenu l’obsession n°1 de l’époque. Vos amis qui, il y a peu, buvaient encore du mousseux, font à présent leurs courses chez Terroirs d’avenir (temple branché de la nourriture AOP), et c’est tant mieux. Mais à force de scroller des photos d’assiettes et des articles du genre « Le top 10 des adresses pour déguster un œuf cuit à basse température« , on frôle l’indigestion. Alors, à qui se fier pour bien manger ?
PARTIS PRIS ET VRAIS PALAIS
Depuis plusieurs années, les sites comme Tripadvisor (15 millions d’avis postés sur 178 000 restaurants en France) ont permis au gourmand lambda de se prendre pour Anton Ego, le tout-puissant critique gastronomique de Ratatouille. « Que des restos minables y vantent eux-mêmes leurs croque-monsieur décongelés, c’est une chose, mais que des cuisiniers qui font bien leur taf se prennent des claques type “La betterave, j’aime pas ça”…Mais on s’en fout, Michel ! » s’agace Raphaële Marchal (@enrangdoignons), jeune journaliste culinaire hyperactive qui officie, entre autres, chez Fou de cuisine, C8 et BFM, et organise des événements avec la crème des pâtissiers (Cédric Grolet ou Mori Yoshida).
Elle continue d’accorder sans ciller sa confiance à ses aînés, ces critiques avec un vrai palais et des partis pris, qui arrivent sans être annoncés et qui payent leur addition : François-Régis Gaudry, pape incontesté de la profession (critique pour L’Express et les émissions On va déguster sur France Inter et Très Très Bon sur Paris Première) mais aussi Luc Dubanchet (Omnivore), Emmanuel Rubin (Le Figaro), Camille Labro (Le Monde) ou encore le légendaire François Simon (Simonsays.fr). « Un article de ces journalistes peut encore remplir ou vider un restaurant du jour au lendemain », constate le chef tatoué Guillaume Sanchez. « Une responsabilité énorme sur le milieu de la restauration qui est le miroir direct de la société et qui se retrouve déjà très impacté à la moindre baisse du pouvoir d’achat ou de la fréquentation touristique », souligne-t-il. Les influenceurs d’Instagram pensaient leur avoir damé le pion mais que nenni. « Eux n’ont aucune légitimité en termes de bouffe. Avec leurs milliers d’abonnés ils amènent au mieux dix clampins. On fait des captures d’écran de leurs demandes d’invitation pour rigoler », nous confie l’ancien candidat de Top Chef, qui, huit mois seulement après l’ouverture de NE/SO, a décroché en janvier, à 28 ans, sa première étoile au Michelin.
Cette reconnaissance, elle, change tout: « Depuis, on a des listes d’attente, même le midi, et ça met l’entreprise et les salariés en sécurité. » Malgré les polémiques – déchu de sa troisième étoile, Marc Veyrat demande à sortir du guide – et sa très timide ouverture à la jeune garde comme Julia Sedefdjian (Baieta), Simone Tondo (Racines) ou Greg Marchand (Frenchie), le Bibendum reste une valeur sûre.
COOLISER LA GASTRONOMIE
Mais ces critères de qualité à l’ancienne n’attireraient plus que les touristes et une clientèle de quinquas célébrant leur anniversaire de mariage. Les tables qui souhaitent allécher les trentenaires urbains se tournent aujourd’hui vers de nouveaux canaux. « On travaille par cercles, nous explique Clarisse Ferreres-Frechon, directrice de Melchior, agence de communication spécialisée dans l’art de vivre. Avant une ouverture, on commence toujours par alerter les médias web les plus puissants. » Les plus prescripteurs actuellement ? Le guide Fooding (450 000 visiteurs uniques mensuels), le premier à avoir coolisé la gastronomie en montrant que le plaisir ne se trouvait pas que dans les étoiles, et My Little Paris, dont les « adresses secrètes » séduisent 4 millions de fans. Pour faire monter la sauce, on « informe ensuite la presse ayant le plus d’affinités avec le style du restaurant et on active parfois, en troisième vague, les influenceurs, pour étaler les articles sur six à huit mois », poursuit Clarisse, qui vient de frapper fort avec l’ouverture du Cheval d’Or (75019), la cantine franco-asiatique du chef Taku Sekine,à l’origine de l’institution Dersou. Le bouche-à-oreille autour de ses exquises associations Saint-Jacques-yuzu ou coques-xiao shin (à la citronnelle, ndlr) à prix accessibles devrait faire le reste.
STORYTELLING, APPLIS ET SLOW FOOD
Pour être prescripteur aujourd’hui, filtrer les bonnes adresses ne suffit plus. « La cuisine fait partie d’une réflexion globale sur la société. On s’empare de sujets importants, comme ce qu’on met dans notre corps, l’environnement ou la violence en cuisine« , explique Marine Bidaud, cofondatrice du Fooding. Avec sa rubrique « Cheffes de bande », elle met ainsi en lumière les initiatives food 100 % féminines. Dans son sillage, une toute nouvelle génération réinvente la presse culinaire à l’heure des nouveaux médias. Avec Saumon, son magazine « à contre-courant » et son podcast Casseroles, Zazie Tavitian interroge avec humour nos crispations autour de l’identité des plats (de la crème dans les carbonaras ?) ou se pose la question de savoir comment font les critiques pour ne pas être obèses. La très stylée revue gratuite Mint s’adonne elle au « slow journalism ». « Nos portraits de chefs, de producteurs comme de céramistes prennent le temps et on préfère les bouis-bouis aux derniers lieux à la mode », précise sa créatrice Deborah Pham.
Mangeur écolo ? Testez Regain, trimestriel qui promeut la paysannerie et l’élevage pérenne, ou l’appli Raisin, qui recense les lieux qui proposent du vin naturel. Fan de Chef’s Table sur Netflix, la cuisine est pour vous une émotion pure ? Écoutez À poêle, le foodcast de Julie Gerbet qui dévoile l’histoire intime des chefs (Manon Fleury du Mermoz ou Raquel Carena du Baratin). « Ici, on n’est pas diverti par l’image qui a pris une importance folle chez les vingtenaires », explique la journaliste, qui s’attriste que la photogénie d’un avocado toast l’emporte sur la qualité ».
Et nombreux sont les chefs qui s’en agacent. Même Alexandre Gauthier, qui affichait un appareil photo barré sur le menu de La Grenouillère, a fini par ouvrir un compte Instagram, tout comme le Septime : hissés au rang de rock stars, les chefs ont tout intérêt à assurer leur propre com’. Pour Julien Pham, fondateur de l’agence Phamily First qui a piloté le Food Court des Galeries Lafayette Champs-Élysées et donne le pouls du cool culinaire, « les seules personnes qu’il faille suivre ce sont les chefs eux-mêmes. Si je vois qu’Eseu Lee de CAM va dans une petite cantine chinoise, je le suis. Si l’équipe du Servan fait la fête au Clarence, c’est qu’il s’y passe quelque chose. Le succès du livre Where Chefs Eat n’est pas du tout anodin ». La vraie influence restant, une fois la porte du restaurant refermée, de prendre la décision d’y retourner.