Paris Coffee Show – La tendance du « slow coffee » s’installe petit à petit en France – concevoir de boire un café autrement, réinventer les gestes
Le monde du café est entrain de vivre une nouvelle révolution, une tendance qui finalement est un peu un retour en arrière dans la méthode, mais innovante dans le fond car entre l’origine, la torréfaction, la mouture et la technique on se rend compte que tout est encore à réinventer.
Le café intéresse de plus en plus un public avisé, à tel point que se déroulait la semaine dernière le premier week-end » Paris Coffee Show « , l’occasion pour les acteurs du secteur de montrer leur savoir faire.
Source Afp
Prendre un café en terrasse à Paris fait partie des fantasmes touristiques, même si le breuvage y est réputé souvent mauvais. Cette image change pourtant progressivement, à la faveur d’un engouement pour les terroirs et de la mode du « slow coffee »
Le nombre de coffee shops explose à Paris mais aussi dans d’autres grandes villes dont Bordeaux, tout comme les ventes des robots à grains: les consommateurs redécouvrent les méthodes « douces« , inventées en France mais oubliées au profit de l’expresso à l’italienne. « Il se passe une chose formidable : les consommateurs savent qu’aujourd’hui on peut boire du café de qualité, de différentes façons, à différents moments et sous différentes formes« , explique à l’AFP Hippolyte Courty, historien, torréfacteur et auteur du livre « Café ».
Signe de ce dynamisme, la France a organisé pour la première fois un salon dédié au café, « Paris Coffee show« , qui s’est achevé lundi, avec concours de baristas, dégustations de cafés accompagnés de pâtisseries de Pierre Hermé ou de cocktails à base de café.
La torréfactrice brésilienne Daniela Capuano, qui détient le prestigieux titre de « Meilleur ouvrier de France« , parle d’un « changement incroyable ». « Il y a sept ans, quand je suis arrivée en France, l’expresso dans les bistrots était plus mauvais (qu’aujourd’hui). Les chefs découvrent un produit qui peut être travaillé, avoir les caractéristiques d’un terroir, comme le vin ou le fromage », souligne-t-elle.
En France, près de la moitié du café est consommé en capsules, mais c’est « un marché qui stagne », souligne David Serruys, président de la filière café française. « En revanche, on voit une progression énorme des robots à grains, de +55% » sur les quatre premiers mois de l’année.
Chocolaté le matin, acidulé à midi – Pour Hippolyte Courty, « les dosettes c’est le monde d’hier : plus de 40.000 tonnes de déchets par an ! « – Les Français ont inventé « énormément de machines à café, comme la cafetière à piston appelée « french press » dans le monde, ou le filtre avec chaussette en coton qu’on utilisait beaucoup en Amérique centrale », rappelle-t-il. « Pour nous, cela a donné le « jus de chaussette », ce qui a dévalorisé le filtre. La cafetière siphon, considérée comme une invention japonaise, a été conçue en France au début du 19e siècle ».
L’expert conseille de varier goûts et intensités en fonction des moments. « Un café brésilien extrêmement chocolaté convient parfaitement pour le matin – en filtre et en expresso. A 10 heures, pause café, il faut quelque chose de dynamique, parfois d’exubérant: un café d’Ethiopie ou de Panama. Pour le repas, avec un colombien ou un péruvien, l’acidité nous permet de repartir. Et pour le soir, le bourbon pointu de la Réunion est remarquable en termes de goût et arômes ».
Le café, c’est aussi « une nouvelle tendance dans la mixologie », assure Victor Delpierre, primé pour son cocktail café-cognac-cigare (sirop de tabac). « Je cuisine les liquides pour dépasser les frontières du goût et créer de nouvelles associations de saveurs, et le café peut amener de l’intensité, de l’acidité, des notes florales… »
Cet expert en cocktails haut de gamme propose même de marier café et champagne pour l’apéritif dans des restaurants gastronomiques. « On vous accueille, on vous parle du terroir pour le champagne et du terroir pour le café! »
Agriculture ancestrale – La prise de conscience autour de l’alimentation durable joue aussi en faveur du bon café. Importateur, Alexandre Bellangé explique avoir voulu il y a six ans « casser les codes de la filière » en allant à la rencontre de producteurs de café en Ethiopie. « C’est une agriculture ancestrale qui est saine, parce qu’ils n’ont pas accès à des produits chimiques », explique-t-il. « Ils font du café dans la forêt, ils combinent différents types d’arbres. Ils pensaient être en retard alors qu’ils sont en avance (…) On est en train de revenir à ces modèles d’agriculture. »
Pour apprécier la finesse de la boisson, il conseille de la boire en filtre, comme un thé: « Au fur et à mesure qu’on déguste, on découvre des notes d’agrumes, d’épices, de fruits ».
Ce retour au rituel du café filtre, lent, plus coûteux aussi, a d’abord convaincu les jeunes urbains. Une population qui aime l’idée de « fabriquer ses propres aliments », note le géohistorien Christian Grataloup: « on ne fait pas ses pommes mais on fait son café! »