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Olivier Roellinger : les industriels  » mettent en danger le garde-manger de l’humanité « 

29 septembre 2018  0  Non classé
 

signature-food-and-sens Retrouvez un article au retour du chef Roellinger de Turin ou se tenait le Salon annuel du Slow Food.  » Ne vous laissez pas prendre en otage par l’industrie !  » s’exclame le chef Breton … suivez ses déclarations ci-dessous sur Challenges.fr.

Au salon du goût de Turin, organisé avec le mouvement Slow Food, le célèbre cuisinier Olivier Roellinger s’est violemment exprimé contre les industriels qui «mettent en danger le garde-manger de l’humanité».

Dans la poche de sa veste, en guise de pochette, il a mis une fourchette. Pour le chef des Maisons de Bricourt à Cancale, né à Saint-Malo et expert en « cuisine corsaire », cette fourchette est un sabre d’abordage. Ce premier jour d’automne, à Turin, Olivier Roellinger part à l’assaut des ennemis de la biodiversité qui tuent le goût et menacent la planète : les multinationales de l’industrie agroalimentaire. « Le garde-manger de l’humanité est en danger ! », alerte le cuisinier. « Ne vous laissez pas prendre en otage par l’industrie !, tonne-t-il en brandissant sa fourchette. Jardiner et cuisiner, c’est être révolutionnaire aujourd’hui ! »

olivier roellinger

Au côté d’une restauratrice mexicaine et d’un chef sénégalais de New York, Olivier Roellinger est l’invité d’une conférence consacrée au rôle des chefs… dans la lutte contre le changement climatique. Le débat se tient dans le cadre du Salone del Gusto « Terra Madre » (« la terre-mère »). Tous les deux ans, fin septembre, pendant cinq jours, la capitale du Piémont vit au rythme de cet incroyable « salon du goût » qui rassemblait cette année 900 producteurs venus de plus de 140 pays. On y déguste toutes sortes d’excellents produits, de la charcuterie des Abruzzes, des piments de Calabre mais aussi de la conserve de bonite au sel japonaise ou des fromages de chèvre du Cap-Vert. On y débat aussi sur l’avenir de la planète. Terra Madre est l’événement phare d’un mouvement militant mondialisé : Slow Food. Créé en 1986 en réaction à l’implantation d’un McDonald dans le centre de Rome, Slow Food est devenu au fil du temps un immense réseau de 100.000 membres – cuisiniers, paysans, universitaires, journalistes. Leur combat : protéger la biodiversité, valoriser les traditions locales, rémunérer les producteurs au juste prix.

Appel à un « soulèvement alimentaire »

Ces valeurs, Olivier Roellinger les défend aussi au sein de l’association Relais & Châteaux dont il est le vice-président depuis 2009. Regroupant 550 hôtels et restaurants dans une soixantaine de pays, l’association a présenté en 2014 un Manifeste à l’Unesco comprenant vingt engagements pour contribuer à « un monde meilleur par la table et par l’hospitalité ». Roellinger en est le principal ambassadeur. « Les chefs ont un rôle capital à jouer, explique-t-il. Ils sont les premiers prescripteurs : dans le monde, plus de la moitié des repas sont pris hors foyer. Mais que se passe-t-il dans la réalité ? Dans les cantines des écoles, des hôpitaux et des EHPAD, les cuisiniers doivent se débrouiller avec un budget quasiment nul. La petite restauration indépendante, elle, pour réduire ses coûts salariaux, se fournit dans les grandes surfaces de la restauration. Résultat: on retrouve les mêmes goûts partout, la même blanquette de veau, la même crème anglaise. Quant aux cuisiniers étoilés, beaucoup restent dans les mêmes obsessions, par exemple savoir s’ils auront l’année prochaine une étoile en plus ou en moins. Il faut que les chefs de renom fassent entendre leur voix, qu’ils s’expriment sur l’alimentation. Le bien-manger doit être partagé par tous. »

Douze ans après avoir rendu les trois étoiles de sa maison de Cancale pour lancer les Epices Roellinger, le Breton s’est transformé en infatigable apôtre de ce « bien-manger » en péril. Et il ne mâche pas ses mots. « Les multinationales se sont approprié la nourriture du plus grand nombre, explique-t-il. Nourrir est traditionnellement un acte de bienveillance mais, avec l’industrie, cette bienveillance a disparu. Les pesticides, les fongicides, les perturbateurs endocriniens ont entraîné une multiplication des maladies cardiovasculaires, des allergies, de l’obésité. La nourriture est en train de devenir un poison. Les aliments industriels, trop gras, trop sucrés, trop salés, nous ont aussi fait perdre le sens du goût. » Et le cuisinier de dénoncer derrière ce désastre une « complicité entre l’agriculture intensive, l’industrie agrolimentaire et les grandes surfaces ». Sans oublier la transformation de l’élevage en « usines de production de protéines animales » ! Conclusion ? L’orateur en appelle à un « soulèvement alimentaire ». Gourmets de tous les pays, unissez-vous ! Allez chercher les bons produits, ne gaspillez pas, cuisinez vous-mêmes, « soyez un contre-pouvoir contre ces multinationales qui veulent s’approprier la nature » !

Une « révolution délicieuse »

Les méchantes langues ironiseront sur les accents « révolutionnaires » du vice-président de Relais & Châteaux, un réseau d’établissements qui ne ciblent pas précisément une clientèle prolétarienne. Les gourmands « responsables », eux, ne pourront que s’en réjouir. Relais & Châteaux s’est engagé au côté de Slow Food dans la campagne #foodforchange contre le réchauffement climatique, avec quelques préconisations simples rappelées par Olivier Roellinger: « cuisiner des produits locaux et de saison » ou « réduire sa consommation de viande ». L’association proposera aussi dans ses restaurants les produits de « l’Arche du goût », un catalogue établi par Slow Food de produits alimentaires menacés de disparition : l’haricot rouge de Lucques, le psalmiste rouge de la Réunion ou le porc celte… Faire la révolution, certes, mais comme le proclame Roellinger, la fourchette brandie, en reprenant l’expression de la cheffe Alice Waters : « la révolution délicieuse » !

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