Arnaud Donckele –  » Pour moi, la cuisine, ce n’est pas des recettes « 

25 juillet 2019  0  Non classé
 

signature-food-and-sens Le quotidien régional Nice Matin, consacrait aujourd’hui un portait au chef du Cheval Blanc à Saint-Tropez. Pour tout savoir ou presque sur un chef pas comme les autres ! 

à lire ci-dessous  –

Trois étoiles depuis 2013 et bientôt une cuisine dédoublée entre Saint-Tropez et Paris. Ce jeune prodige, élu l’an passé « plus grand chef étoilé du monde » par ses pairs, met du cœur à l’ouvrage

Le temps presse. Pris entre deux feux qu’il éteint rarement et trois rendez-vous un peu vite accordés. Arnaud Donckele pourrait passer pour un hyperactif, perpétuellement en mouvement. À la réflexion, on le classerait plutôt parmi les contemplatifs contrariés. Répugner à dire non. S’enhardir et se mettre en danger quand il suffirait de profiter. Relever d’autres défis pour se prémunir contre les premiers signes de l’ennui…

Quarante-deux ans. À l’âge où l’on commence à se connaître un peu mieux, Donckele prend le parti de bousculer son ordre établi. Saint-Tropez, l’hôtel Cheval Blanc et son restaurant La Vague d’Or, où il a décroché sa troisième étoile en 2013, ne sont pas près de sortir de sa vie. Mais vient de se dresser sur sa route une montagne qu’il n’a pas peur de gravir : un autre Cheval Blanc que le groupe LVMH ouvre cet hiver à Paris, sur le site de la Samaritaine. Avec l’ambition, qui n’étonnera personne, de s’élever au firmament de la gastronomie mondiale.

Avec son compère le chef Mauro Colagreco de Menton

Arnaud Donckele l’a déclaré dans une interview : dans le film Les Uns et les autres, de Lelouch, le solo de Jorge Donn dans le Boléro de Ravel l’émeut jusqu’aux larmes. Un grand cuisinier ne tiendrait-il pas du danseur étoile ? « Je ne sais pas, mais la chose la plus importante, c’est la sensibilité », dit celui qui déteste se faire appeler « chef ». Esprit martial aux abonnés absents et technique en sourdine, il esquisse un pas de deux où l’émotion doit effacer tout effort. Adepte d’un « juste équilibre » dans le jus de cuisson, le filet d’huile d’olive ou le bouillon de légumes. Mais surgit, impromptu, ce constat : « Il y a, chez les cuisiniers, beaucoup d’anxiété. »

On devine que la sienne ne le quitte pas. « Chaque service est une remise en question. Notre difficulté, par rapport à un peintre, c’est que la réussite du tableau est aussi entre les mains des cuisiniers qui nous entourent. » Tous, avec leur perception propre, étant invités à faire preuve de la plus grande attention et même d’une immense affection dans l’exercice de leur art. Un travail d’atelier. « Tout, sauf de la mécanique. Pour moi, la cuisine, ce n’est pas des recettes. Rien n’est d’ailleurs plus irrégulier qu’une recette. » Pour preuve, la sucrosité d’une orange selon la récolte. Ou la salinité d’un mollusque au gré de l’arrivage. « Je ne vois rien de plus fiable que le palais humain », martèle Donckele.

« UNE VRAIE CONVICTION DE VIE »

Arrivé à vingt-sept ans, le jeune homme s’est construit à Saint-Tropez. Où, tous les soirs après le service, il s’émerveille encore de faire partie du croquis, dans cet écrin bordé par la mer et ombré par les pins. Paris ? « Un beau challenge, dans le bâtiment Sauvage, du nom de l’architecte qui l’a dessiné sur les quais de Seine, avec vue sur le Pont Neuf. » La capitale où tout a commencé. « Je crois que je comble une frustration qui s’amplifiait. Mon métier, ce n’est pas un amour, c’est une vraie conviction de vie. Six mois et demi de fermeture par an, sur le plan psychologique, ça devenait compliqué. La cuisine me manque terriblement. » Cette longue période de carence lui a permis, au cours de la dernière décennie, de bâtir une véritable chaîne de production avec des éleveurs et agriculteurs qui, dans son processus de création, sont déterminants. Chez Yann Ménard, à Cogolin, il fait son marché deux à trois fois par semaine. Autour d’une idée de partage : « Un potager pour tout le golfe, où Vincent Maillard et Eric Santalucia viennent aussi se servir. » Un demi-hectare au départ. Six aujourd’hui, et six cents variétés. « Merci la Safer qui protège le foncier. »

PUR PRODUIT DE LA FERME

L’agriculture, Arnaud connaît bien. « Je suis né dans une ferme en autarcie, en Normandie. Je suis vraiment un gamin de la terre. » Blé, maïs, bovins, ses grands-parents faisaient tout. « Cidre, goutte, beurre, fromage, œufs, farine, récolte de pommes de terre à l’année, conservées dans le noir pour éviter qu’elles ne germent. Je sais ce que c’est que de sortir une carotte, plumer une volaille, dépecer un lapin, traire une vache. » Dans ce trou normand, le passage de la camionnette du poissonnier le vendredi et la visite de l’épicier le mercredi étaient les rares événements notables.

Mais cette ferme n’était pas sans confort : « Mon grand-père construisait en été une piscine avec des bottes de paille et une bâche. Qu’il remplissait avec l’eau de la ‘‘tonne’’, une citerne pour les abreuvoirs. » À cinq ans, il conduisait le tracteur…

Qu’en reste-t-il ? « On croit qu’ici, c’est très différent. Mais pas forcément. » Derrière le bling-bling, des « gens de la terre, simples, comme vous et moi. Dont certains ont sûrement des axes financiers, mais avec des valeurs écolos et l’envie de bien se nourrir. »

Pas davantage de place, entre chefs triplement étoilés de la région, pour la rivalité. « Entre nous, il n’y a que fraternité et honnêteté. » Mauro Colagreco ? « Un très bon copain. Et un personnage absolument délicieux, humainement extraordinaire. Numéro un mondial de la gentillesse. »

Ses pairs ont récemment élu Arnaud Donckele « plus grand chef étoilé du monde ». Ce qu’il prend comme « un geste d’affection ». Son père, de son côté, lui a transmis cette leçon : « Ne surtout pas croire que l’on est arrivé. Considérer plutôt que l’on n’est pas bon. Pas assez, en tout cas. » Sous peine de verser dans la médiocrité et de laminer ses capacités. Raison de plus pour ne jamais s’arrêter.

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