Serge et le Phoque à Londres : une table à suivre de près
C’est à Hong-Kong que l’aventure Serge et le Phoque a débuté, où le restaurant a gagné une étoile Michelin. Forte de ce succès, cette table en vogue a ouvert en septembre un pendant à Londres, toujours signé par le restaurateur Frédéric Peneau et le designer Charles Pelletier. Hébergée dans un boutique hôtel glamour, la version britannique de Serge et le Phoque nous a tout autant convaincu que sa maison mère. Food&Sens l’a testé pour vous.
Une poignée d’heureux globetrotteurs passés par Hong-Kong m’avaient rapporté de leur voyage des bribes de souvenirs culinaires enthousiastes, issus d’une table au nom curieux ; des récits qui avaient pour vedettes un certain Serge et son phoque. Insolite, me disais-je à part moi. Quelques recherches plus tard, j’apprenais que de phoque, il n’y avait point, et qu’en réalité officiaient derrière ce nom Frédéric Peneau et Charles Pelletier, par ailleurs co-auteurs du néo-bistrot parisien Le Chateaubriand. Quant au Serge et au phoque annoncés, le premier est le fils de Peneau, et le second figure dans le nom du restaurant sur demande de Serge (qui trouvait qu’après Le Dauphin, précédent restaurant de son père, un nom incluant un phoque était une suite logique.) Phoque ou pas, j’étais intriguée par les échos bonhommes qu’on me faisait de cette table. Restait à la tester. L’ouverture en septembre d’un nouvel opus à Londres fut l’occasion adéquate. Je trouvais, dans l’hôtel abritant la table, quelques figures animales (une autruche notamment) – mais toujours pas de phoque. Qu’importe : le déjeuner fut gourmand, de bout en bout. Récit d’une expérience culinaire adoubée.
Samedi 3 mars. Des mètres de neige entravent la rue la plus commerçante de Londres : Oxford Street. Dans l’une de ses perpendiculaires, s’expose la devanture cossue mais mystérieuse de Serge et le Phoque. Dans la vitrine tamisée, une autruche grandeur nature donne le ton du lieu à venir, tout en fantasmagorie. Un couloir sombre (façon entrée de boîte de nuit) vous entraîne vers un autre monde, jusqu’à une porte s’ouvrant sur le Mandrake, nouveau boutique hôtel branché de la capitale, à l’esprit un brin confidentiel. C’est là qu’est savamment lové Serge et le Phoque.
Avant de rallier le restaurant, on se laisse porter par le décor du bar, où la taxidermie a gagné là aussi, avec une antilope revêtue d’une robe de paon. Aux murs du lobby, des tableaux psychédéliques ou surréalistes se partagent l’ambiance, entre onirisme et étrangeté, selon la perception du regardant. Au centre du bâtiment, un patio couvert de végétation murale fait rêver à des jours meilleurs (météorologiquement parlant).
Le restaurant s’étire sous des tons plus normatifs, tout de pastel et de rose poudré vêtu. Cocon à la fois simple et soigné, on s’y installe contre la vitre donnant sur le patio, en vis-à-vis du bar et de son antilope-paon. Un menu déjeuner et une carte attractive présentent leurs suggestions. Pour 25 pounds (hors service et boissons), un intéressant trio de plats vous sera servi. J’opte pour cette formule, qui cumule tarif et contenu avenants. L’entrée ouvre le bal avec réussite, présentant poivrons rôtis et fior di latte composant avec de la roquette surmontée d’anchois. Légère, parfois sucrée grâce au poivron, rehaussée par la ferme douceur de la fior di latte, l’entrée a le goût des jolis moments.
Le plat prolonge le niveau de l’entrée, qui décline cette fois une épaule de porc Iberico, accompagnée d’une aubergine rôtie dont le fondant me reste en mémoire. Une purée de chicorée et sa petite pomme de terre ajoutent de l’équilibre au tout.
Les desserts sont le point final que pour ma part j’attends avec toujours beaucoup d’espoir. Il arrive parfois (hélas) qu’à un plat et à une entrée réussis, succède un dessert qui l’est moins, selon une arythmie décroissante aussi soudaine qu’inexplicable. La « tarte au chocolat et orange sanguine » qu’on m’apporte échappe heureusement à cette chute, maintenant au contraire le niveau jusqu’à la fin. Sa rondeur chocolatée présente une fine croûte qui tremblote, telle une réminiscence de la chaleur du four dont elle a tout juste été extraite. Tandis que les effluves gourmandes du chocolat gagnent tout mon environnement, je me dis que la composition visuelle du dessert fait presque office de tableau. Une égratignure faite à dessein sur la croûte, et voici que le chocolat liquide se déverse hors des intérieurs de la tarte (qu’on aurait plutôt appelée fondant). Le granité à l’orange sanguine fond doucement sous la chaleur auquel le voilà soumis, se mariant au chocolat. (Attention à l’effet chaud-froid entre le chocolat chaud et le froid du granité, attendez que le second ait fondu.)
Frédéric Peneau étant en France pour quelques jours, c’est avec le sous-chef exécutif, Amador Parada, que j’échange sur la carte, au terme du déjeuner conclu par une dacquoise (toute en délicatesse). Nous discutons différences et points communs entre la maison mère à Hong-Kong, et son pendant londonien. L’esprit est le même : une carte changeant régulièrement, du nomadisme dans les mélanges, de bons produits.
Le bilan sera celui de la conviction : sans retenue, allez chez Serge et le Phoque Londres pour un beau moment gustatif. Excellent rapport qualité-prix, décor novateur, bande-son travaillée (contenant nombre de morceaux français, une tendance croissante dans les restaurants branchés de Londres). Un bémol ? L’accueil, un poil snob (comme souvent dans les lieux à la mode.) Mais le service en salle est très bien.
Par Anastasia Chelini
20-21 Newman Street / www.themandrake.com
Très attractif et fortement original
On adore…