Marc Veyrat repart dans la course aux étoiles Michelin, fini l’esprit table d’hôte de montagne…
Retrouvez ci-dessous l’interview du chef Marc Veyrat qui à Manigod dans sa Maison des bois repart dans la course aux étoiles Michelin. C’est auprès du journaliste Alain Giroud pour la Tribune de Genève qu’il se confie.
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Marc Veyrat change de cap et se lance à la reconquête de ses étoiles Michelin
Manigod – Il a rouvert sa Maison des Bois, détruite dans un incendie l’an passé, et sa cuisine créative éclate de saveurs.
Marc Veyrat n’a jamais été aussi volubile ! Un gamin qui retrouve son jouet ne serait pas plus démonstratif. Sa Maison des Bois, à Manigod, a rouvert ses portes après l’incendie qui l’a détruite l’an passé. Elle se présente encore plus grande, encore plus belle, encore plus fascinante.
Le chef savoyard a profité de ce malheur pour changer de cap. Oubliés la table d’hôte et l’esprit «ferme de montagne». La passion de la belle gastronomie a ressurgi avec tout le décorum nécessaire pour retrouver les trois étoiles Michelin qui éclairaient ses anciennes tables de Veyrier-du-Lac ou de Megève.
«En disparaissant volontairement des guides, je me suis senti orphelin, raconte Veyrat. Alors l’incendie m’a permis de revoir ma copie, de revenir dans le système en profitant de l’expérience unique vécue pendant deux ans. Elle guide désormais mes pas vers une philosophie culinaire basée sur la nature.»
Quelles modifications ont été apportées à la Maison des Bois d’origine?
Elle a été considérablement agrandie. La cuisine a doublé de surface, comme la salle à manger qui compte désormais une trentaine de couverts contre quinze auparavant. Les tables sont nappées, l’argenterie a réapparu, nous avons créé une terrasse, installé un ascenseur pour faciliter l’accès aux personnes à mobilité réduite. Nous avons construit quatre suites supplémentaires et les autres ont été agrandies.
De nouvelles brigades de cuisine et de salle?
Oui, j’ai reformé une équipe, qui est encore en rodage. Nous sommes dans une période de pré-ouverture jusqu’en septembre. Aux fourneaux, le chef est Italien. Bruno Melatti a travaillé dans plusieurs restaurants trois étoiles et il est arrivé avec six cuisiniers transalpins. Ils sont formidables. Le nouveau chef sommelier, Sylvain Bergonhe, a recréé une cave somptueuse. Nous avions perdu 70% des vins dans l’incendie…
L’esprit de la cuisine évolue-t-il?
Bien entendu. J’ai écarté les additifs utilisés dans la cuisine moléculaire. Je continue toutefois à utiliser l’azote, car ce gaz est précieux pour de nombreux usages. Pour conserver, par exemple, les plantes. Je me suis attaché les services d’un jeune botaniste talentueux, Christopher Aguettand. Il est originaire de Manigod et s’occupe avec passion du jardin. La saison des plantes ne durant que trois mois, …/…
Marc Veyrat reste donc fidèle à sa philosophie?
Bien entendu ! Nos vaches et nos chèvres nous fournissent le lait, les œufs sont pondus par nos poules et le jardin est généreux. Nous allons d’ailleurs installer des serres pour en profiter même l’hiver. Nous faisons notre marché dans la nature. Ce matin, mes gars sont allés cueillir du chénopode bon-Henri, de la berce, de l’épiaire, des reines-des-prés. Techniques régressives
Les techniques culinaires évoluent-elles?
Non, elles régressent! Nous avions oublié les gestes du passé, une faute impardonnable ! On ne peut pas s’écarter des bases fondamentales. J’ai par exemple supprimé toutes les cuissons sous vide. Les plus grands chefs étoilés les utilisent pourtant. La pièce de viande est juste dorée, enfermée dans une gangue en plastique et jetée dans un bain chaud tourbillonnant à température constante (ndlr: un thermoplongeur). Avec ce processus, les fibres sont compressées, donc compactes à la dégustation. Alors qu’une cuisson classique au four, dans une cocotte lutée, leur permet de se relâcher. Lorsqu’on tranche la viande, cela fait «chit-chit» et non «chouf-chouf» pour une pièce sous vide. Et c’est tellement meilleur!
Marc Veyrat réhabilite-t-il la cuisine de sa grand-mère?
Bien sûr! Ses confitures, par exemple. Je me souviens des myrtilles cueillies par mon grand-père et versées dans un chaudron posé sur un feu de bois. Grand-mère y ajoutait 300 g de sucre au kilo et une mousseline dans laquelle elle avait enfermé des quartiers de crœsons, pommes sauvages très riches en pectine (ndlr: variété croison blanc). Cela permet de gélifier la masse sans ajout de sucre.
Gamin, lors de la mise en pots, je découpais des rondelles de papier que je trempais dans la gnôle avant de les poser sur les myrtilles pour mieux les protéger des moisissures. Nous avons conservé cette technique pour toutes nos confitures. On a beaucoup à apprendre de nos anciens…
Vous inaugurez une nouvelle entrée dans la Maison des Bois?
Oui, nos hôtes passeront désormais par le Conservatoire alimentaire, un long couloir dans lequel ils découvriront nos trésors comestibles. Des carottes bio préservées dans le sable, des pommes de terre cultivées en Haute-Savoie, un aquarium d’écrevisses, …/…
Cette période de travaux n’a-t-elle pas été marquée par un épisode judiciaire?
C’est vrai, mais nous avons été relaxés pour la plupart des griefs. Comme celui de ne pas avoir demandé d’autorisation pour construire un poulailler… Toutefois, le tribunal m’a infligé 100 000 euros d’amende pour l’abattage de sapins atteints par le botrytis! Cette somme est bloquée sur un compte et mon avocat suit l’affaire. Car nous venons de recevoir l’ordre d’abattre plusieurs autres épicéas souffrant de la même maladie ! L’incohérence de l’administration française !
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