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Jean-Georges Klein & Paul Stradner – Interview d’un Français Farfelu et d’un Autrichien qui met tout au carré !

22 août 2019  0  Non classé
 

signature-food-and-sens Jean-Georges Klein & Paul Stradner – Interview d’un Français Farfelu et d’un Autrichien qui met tout au carré !

Voici une interview comme on les aime, sans langue de bois avec de nombreux fous rires et sourires ! Autour de la table Jean-Georges Klein et Paul Stradner, deux chefs discrets aux valeurs communes et à la vision complémentaire. Au cours de cette Interview, Jean-George Klein nous parle de cette relation qu’il entretient avec Paul Stradner et de sa vision actuelle du métier au travers de son prisme personnel ! Deux « grands chefs » qui se détachent par leur humilité et leur amour du métier dans l’un des cadres les plus prestigieux de France.

Vous vous connaissiez déjà, mais cela fait 2 ans que vous travaillez à nouveau ensemble à la Villa René Lalique. Vous avez des valeurs et une vision commune, mais vous avez aussi deux profils totalement différents bien que complémentaires. Comment voyez-vous cette relation ?

Le Français est un peu le farfelu de l’histoire et l’Allemand ou plutôt l’Autrichien celui qui met tout au carré… – Rires… Nous sommes sur de bonnes bases et aujourd’hui Paul apporte du sang neuf alors que moi, je suis déjà un peu plus âgé. Paul a une autre façon de voir et de faire les choses, mais le tout est complémentaire dans une cuisine commune. Par exemple, lorsque nous faisons un changement de carte, nous réunissons nos idées communes puis nous travaillons sur cette base et lorsqu’une décision est à prendre nous essayons d’alterner les rôles. 

À un moment ou à un autre, je ne serai plus présent et Paul sera alors totalement indépendant et aura sa propre identité. Je crois que ce passage de Jean-Georges à Paul se fait et doit se faire doucement par un échange de sensibilités pour lui permettre un moment donné s’envoler de ses propres ailes ! Cela fait maintenant 2 ans, il faudra peut-être encore un an et Paul volera de ses propres ailes !…  Il y aura un jour un après Jean-Georges !…

Paul a auparavant travaillé quelques années avec moi à l’Arnsbourg ce qui l’avait bien imprégné de mon esprit culinaire et ce n’est pas par hasard qu’il est revenu. Très souvent, j’ai des doutes sur une réalisation et je me tourne alors vers Paul Stradner qui a un excellent palais pour lui demander son avis et Paul fait de même s’il a un doute. Si nous n’avions pas de doutes, nous n’avancerions pas !D‘ailleurs comme le souligne Paul Stradner, le fait d’avoir collaboré avant est un réel plus qui permet d’avoir une relation fluide et une cohérence par rapport à un fil rouge commun.

Comment pourriez-vous définir le style Klein ?

Le style Klein, c’est avant tout une cuisine évolutive ou l’élément le plus important est le goût ! Nous essayons de sortir du classique et créer des associations de saveurs qui sortent des sentiers battus. 

À l’âge de 40 ans, quand je suis parti en cuisine, je n’ai pas eu de maître pour me diriger et je me tâtonnait à gauche à droite avec des pipettes et avec tout ce que j’ai pu trouver de nouveau et c’est un peu comme ça que j’ai trouvé mon style aux alentours de 50 ans. Je suis à cette époque-ci beaucoup plus sorti des sentiers battus qu’aujourd’hui, car avec l’âge, on a tendance à revenir vers l’essentiel tout en conservant une présentation minutieuse.

Comment le déménagement de l’Arnsbourg à la Villa René Lalique a t-il fait évoluer votre cuisine ? 

L’Arnsbourg a été pour moi une vraie découverte lorsque je suis passé en cuisine, car je me cherchais et je partais un peu dans tous les sens et ce sont des gens comme Pierre Gagnaire et Ferran Adria qui m’ont dissuadés de faire une cuisine classique voir régionale m’encourageant à faire une cuisine qui me plaisait à moi avant tout ! J’ai ainsi pu faire gouter à nos clients de l’Arnsbourg ma cuisine à côté de la cuisine de ma mère qui était une cuisine bourgeoise classique. C’était une cuisine très très créative pour l’époque et totalement décalée par rapport à ce qui se faisait dans la région, mais qui aujourd’hui est plus ou moins rentré dans les mœurs…

Il ya  quelques années lorsque je découvrais un produit du bout du monde qui me plaisait, je l’achetais de suite peut importe le coût, mais aujourd’hui, je suis devenu locavore et je travaille énormément et de plus en plus avec les artisans et des producteurs locaux. Paul Stradner souhaite même créer un jardin potager à la Villa René Lalique, il verra normalement le jour l’année prochaine. Vous savez, lorsque vous allez découvrir les producteurs et les artisans votre approche et votre relation au produit change du tout au tout…

Le locavore et le fait d’avoir une jardin est-il une étape pour l’obtention de la 3ème étoile au Guide Michelin ?

Le Guide Michelin ne demande pas d’avoir son potager, mais est très sensible au locavore, à titre personnel, je trouve que c’est une démarche intéressante et je me prends au jeu. Et si Paul souhaite faire créer un jardin, c’est pour justement aller plus loin dans cette démarche même si ce jardin ne nous permettra pas d’être autonomes en produit.

Vous avez connu la cuisine au travers de la cuisine de votre grand-mère. Avec un peu de recul, que vous apporte t-elle aujourd’hui comme émotions ? 

Avec l’âge, la mémoire des goûts de notre enfance revient et on souhaite les retrouver ! Je fais de plus en plus de remarques du style : « Tiens ma grand-mère faisait cela comme ça ou comme ça… » J’explique donc comment ma grand-mère faisait. Mais il est vrai que je recherche de plus en plus ce goût d’enfance et ce n’est pas toujours évident d’expliquer clairement ce que je souhaite à Paul, car nous n’avons plus les mêmes produits, les mêmes techniques,… 

J’ai un seul regret – quand je me suis rendu compte que ma grand-mère faisait des choses merveilleuses et que j’aurais pu lui demander une recette, une technique il était déjà trop tard…

La jeunesse vous a t-elle dirigé vers un style culinaire fougueux et qu’aujourd’hui cela vous ramène vers vos racines ?

Oui, totalement. Pierre Gagnaire et Ferran Adria m’ont donnée cette folie d’aller un peu partout  et lorsque j’ai commencé la cuisine, je pensais à tout sauf à la cuisine de ma grand-mère et je n’aurais jamais cru que cette mémoire me reviendrait. 

Vous avez passé 20 ans de votre vie en salle. Quel regard portez-vous aujourd’hui sur les métiers de salle et leur relation avec la cuisine ? 

La relation salle/cuisine n’est de loin plus la même que dans le temps et je me souviens avoir vécu des moments très difficiles lorsque j’étais en salle. Mais ce frottement salle/cuisine était dû au fait que la cuisine était en quelque sorte l’arrière-cour et que la salle qui était face au client se croyait supérieur à la cuisine ce qui créait certaines tensions alors qu’à l’heure actuelle, le phénomène est presque inversé. 

Lorsque je suis parti en cuisine, les choses avaient plus ou moins déjà changées. Je me souviens de cuisiniers qui ralaient sur le travail du personnel de salle et je leur disais alors – « pas de problème, la semaine prochaine, je te fais passer quelques jours en salle pour que tu comprennes leur travail… » – Ils ont vite compris qu’il faut mieux s’accorder que de se tirer dans les pattes, car il n’est au final pas si facile que cela de se retrouver entre la cuisine et le client, entre le marteau et l’enclume, entre le client qui est Roi et le cuisinier qui veut marquer son terrain et qui est en quelque sorte aussi Roi…

Trouver du personnel qualifié en salle est aujourd’hui beaucoup plus difficile que de trouver du personnel en cuisine et cela va devenir de plus en plus difficile. Et pourtant, la salle est un magnifique métier qui offre le contact avec une grande diversité de clientèle, de tous les niveaux ce qui est une formation à la vie ! Je pense d’ailleurs que d’avoir fait 20 ans de salle m’a beaucoup appris, car il faut savoir parler aux clients et être cultivé pour pouvoir avoir des sujets de discussion avec chaque client ! 

Les métiers de salle, ne sont-ils pas considérés aujourd’hui comme des métiers de passage ? 

Lorsque j’étais encore à l’Arnsbourg, j’allais dans les écoles et je disais que cela était un apprentissage de la vie et d’ailleurs combien de jeune font aujourd’hui le même métier toute leur vie ? En moyenne, on change d’orientation deux voir trois fois au cours d’une carrière… Donc pourquoi pas commencer par ce métier, apprendre, voyager ?… 

Les métiers de la restauration, ne sont-ils pas d’ailleurs des métiers de passage ? 

L’âge fait les choses. Nous étions en Suède il y a quelques jours et dans un restaurant nous avons vu un homme de salle de plus de 60 ans habillé en costume queue de pie. Nous n’avons plus l’habitude de voir cela chez nous… Aujourd’hui, commence sa carrière dans la restauration, mais peu vont la finir dans la restauration…

Et pourtant nous avions une culture du maître de maison ! Les clients qui allaient dans ce restaurant de Suède connaissaient tous cet homme de salle comme nous à l’époque lorsque nous allions à la Tour d’Argent, connaissions tous Monsieur Serge ! C’était plus le directeur de salle qui était la personne clé alors qu’aujourd’hui, c’est plus le chef.

Comment faites-vous pour revaloriser les métiers de salle ? 

Avant il y avait beaucoup de travail en salle à l’image des découpes et des flambages, ce qu’on ne fait presque plus aujourd’hui. Il faut dire qu’à un certain moment les chefs ne faisaient plus que des dressages sur assiettes mais nous essayons pour animer cette salle d’apporter des gestes, des manipulations, de créer des moments de service. Comme je disais récemment à mon responsable de salle, pourquoi ne pas refaire une crêpe suzette en salle ?

Une salle de restaurant est une pièce de théatre et il faut essayer de l’animer par autre chose que par le fait de poser des assiettes sur table. Je me souviens d’une expérience chez Alain Ducasse ou les serveurs sont en perpétuel mouvement en salle et se refusent à garder une position statique comme pour aimer la salle à l’image d’un ballet…

Comment Jean-Georges passe t-il ses WE ? Quel est votre péché mignon ?

Il y a quelques années nous sortions chaque WE pour rencontrer un tel ou un tel mais aujourd’hui j‘essaye de m’évader le plus possible du milieu. Je ne vais par exemple presque jamais dans des restaurants ou je peux être reconnu, car on me rajoute toujours un ou deux plats en plus et, car au début au milieu et à la fin, on rediscute toujours des mêmes choses…

Sinon, je WE j‘aime plutôt manger des choses simples et je pars de temps en temps me cacher dans un bistrot tout simple pour me changer les idées. Mon péché mignon serait peut-être les abats, ris de veau, foie de veau, tête de veau, rognons,…

Si vos petits enfants vous disent un jour qu’ils veulent travailler dans la restauration que leur donneriez-vous comme conseil ?

Si cela est pour eux une vocation je leur dirais de foncer sinon, je leur dirais de faire leurs études  avant et de choisir ce qu’ils veulent faire ensuite…

Copyright Food&Sens / Guillaume Erblang

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