Magda Gegenava fait un khachapuri pour Food & Sens
Dimanche soir, c’était la grande soirée géorgienne à Ground Control (Paris). La magnifique chef Magda Gegenava, qui participe au Refugee Food Festival et tient une gargote géorgienne sur le site plusieurs jours par semaine, a régalé quelques grandes tablées de gourmands au cours d’un événement très vite sold out. La cuisine était sublime et nous guettons avidement le moment où Magda ouvrira un restaurant. On ne te quitte pas du regard, Madga.
Nous avons pu apprécier son talent et sa maîtrise dans tous les registres de la cuisine de son pays, qu’elle exécute avec une rigueur parfaite en même temps qu’elle y apporte ses inspirations personnelles : rouleaux d’aubergine aux noix, quenelle d’épinards aux épices, borstch plein de saveur, poulet en sauce aux noix, chakapuli de veau aux herbes et au tkemali (condiment aux prunes)… Ça ne se mangeait pas, ça se dévorait.
« Ma cuisine, dit-elle, je la change comme je veux. Il y en a qui me disent : c’est pas la tradition, je réponds que c’est ma cuisine. » Et pourtant, c’est ça, la vraie tradition, et rien d’autre : des cuisinières et des cuisiniers qui, de tout temps, n’en ont toujours fait qu’à leur tête, sur la base d’une transmission sans faille et d’une fidélité absolue au style d’un pays, d’une région, d’une culture.
Magda et son fils, qui l’aide en cuisine. Futur chef ? En tout cas, il aime ça.
De temps à autre, des khachapuri (pains au fromage) fumants sortaient de la cuisine pour être portés sur les tables. Non que mon expérience en khachapuri soit très étendue, mais je n’en avais jamais mangé d’aussi bon. J’ai donc demandé à Magda de me laisser photographier la confection de deux de ces pains célestes. Reportage à petite cuillère pour Food & Sens.
Magda utilise une pâte levée qui doit certainement être un secret de cuisine : légère, beurrée, croustillante. Je ne lui ai pas demandé la recette (je suppose qu’elle contient du lait, de l’huile et de l’œuf), mais il y a un petit truc que je vous dirai plus tard. En tout cas, cela commence par un pâton que Magda abaisse finement au rouleau.
Magda dépose deux rangées parallèles de fromage sur les bords longs de l’abaisse, sur presque toute la longueur. Le fromage que l’on utilise en Géorgie s’appelle suluguni, et on le fait souvent à la maison. C’est un fromage de vache crémeux, semi-frais, qui offre une légère élasticité à la cuisson. En France, il n’y a pas de suluguni, alors il faut ruser : mélange de feta et de mozzarella.
Il existe plusieurs types de khachapuri selon les régions : le plus courant est le khachapuri imeruli, c’est-à-dire de la région d’Iméréthie : tourte ronde à pâte fine fourrée au fromage. On peut déguster ce type de khachapuri au restaurant Colchide. Il y a aussi le khachapuri megruli, de la région de Samegrelo : la même chose en mode double cheese, fromage dedans et dessus. Le khachapuri que faisait Magda ce soir-là, peut-être pas le plus courant mais le plus spectaculaire, était l’adjaruli, le style d’Adjarie. L’Adjarie est la seule région littorale de Géorgie, sur la mer Noire.
Magda, du bout des doigts, enroule la pâte autour du bord droit afin d’enfermer complètement le fromage.
Puis elle enroule la pâte du côté opposé. « C’est très important, dit-elle, de bien mettre du fromage jusqu’au bord, sinon les côtés seront pâteux et difficiles à manger. Il faut que ce soit riche partout. » C’est cela, le petit truc : aucun centimètre carré du khachapuri ne doit être moins gourmand qu’un autre.
Il ne s’agit pas de joindre les deux bords mais de pratiquer une cuvette oblongue où l’on mettra — devinez — encore du fromage. Les deux extrémités sont pincées pour former une barquette.
Deux khachapuri ajdaruli prêts à enfourner.
Avant de les enfourner, il a fallu sortir du four deux autres khachapuri : les mêmes avec un œuf au milieu. C’est une variante traditionnelle.
Magda mélange le fromage et l’œuf avec une fourchette.
Voilà, bon appétit. Scandale ! Quelqu’un a grignoté un quignon de khachapuri. C’est pas moi, je vous jure.
À la petite cuillère
Textes et photos : Sophie Brissaud