Michel Sarran :  » je suis un cuisinier urbain, raconter des histoires de terroir ne m’intéresse pas. « 

25 février 2017  0  Chefs & Actualités DÉNICHÉ SUR LE WEB
 

signature-food-and-sens Libé s’est rendu à Toulouse à la rencontre du Michel Sarran, un chef qui a su garder les pieds sur terre, conscient de ce qu’il est, sans jamais chercher à trop en faire, sans faire de cinéma, il ne s’invente pas une vie. Il le dit lui même  » je suis un cuisinier urbain « . Raconter des histoires ( inventées ) ne l’intéresse pas… c’est en tout cas une réalité qui ressort de son personnage dans TOP CHEF, il vit son succès comme une étape de sa vie, pas plus.

C’est la journaliste Elvire Van Bardeleben qui lui a rendu visite dans son deux étoiles toulousain.

EXTRAITS… cliquez sur le LINK pour retrouver l’article original

Membre du jury de «Top Chef», le cuisinier y brille par sa sensibilité. Rencontre en son fief avec le Toulousain décoré de deux étoiles qui porte un regard sans complaisance sur le milieu.

Récemment, on lui a demandé d’optimiser le menu du TGV, de participer au jury de Miss Ronde Limousin, de tourner une pub pour le Centre européen de formation, de cuisiner pour des Suisses pleins aux as, de s’engager pour les autistes alsaciens, d’être l’invité d’honneur d’un raout culinaire en Nouvelle-Calédonie… «Je ne suis pas structuré pour répondre à tout ça…» admet Michel Sarran. Le chef de 55 ans croule sous les sollicitations plus ou moins fantaisistes et lucratives, mais n’a pas d’assistant pour les gérer. Il faut dire qu’il y a trois ans, il n’était pas un personnage public. Seulement un bon chef, enraciné à Toulouse depuis 1995, couronné de deux étoiles. Désormais, il fait partie des cuisiniers les plus connus de France : «Les douaniers ne m’arrêtent plus pour me demander si j’ai quelque chose à déclarer mais pour faire un selfie.»

C’est évidemment la télévision qui a un tel pouvoir de métamorphose. Depuis trois ans, environ trois millions de téléspectateurs observent chaque semaine Michel Sarran dans l’émission Top Chef sur M6. Aux côtés de Philippe Etchebest et d’Hélène Darroze, il fait partie du jury qui fouette et cajole tour à tour les jeunes ambitieux des fourneaux. Dans le jeu caricatural des personnalités télévisées, où chacun doit, à défaut de jouer un rôle, avoir un caractère identifiable, il fait office de gentil par opposition à Etchebest le butor, qui secoue fort les prétendants – Darroze, elle, est souvent réduite à sa «féminité», comme si son genre était un trait de personnalité. A l’écran, Sarran n’est pas seulement plus doux, il semble aussi imperméable à la niaiserie et la brutalité, deux tares de la télé-réalité cuisinée.

Mini-chope. Dans son restaurant de Toulouse qui porte son nom, Michel Sarran fait le même effet que sur petit écran. «Je n’ai pas fait le cours Florent», observe-t-il. Cordial, franc, disponible, il fait visiter son enseigne qu’il a rénovée récemment, sobre, avec une cuisine confortable, toute en courbes et sans gaz pour éviter de surchauffer l’été. Son second travaille avec lui depuis vingt ans, son plongeur aussi. Il se félicite de cette longévité. La célébrité n’a pas fait enfler ses chevilles : «Je n’ai pas de grandes prétentions.» «Je ne suis pas ultratechnique.» «Je n’ai pas une cuisine hypercréative.» «J’avais l’estomac percé par les aigreurs la veille du Michelin…» A l’entendre, on ferait presque mieux de passer son chemin devant son restaurant. «Ma cuisine exprime ce que je suis. Et si ça peut créer quelques émotions, c’est bien», dit-il.

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«J’ai d’excellentes tomates qui poussent à côté, en Espagne. Et puis je suis un cuisinier urbain, raconter des histoires de terroir ne m’intéresse pas. Une ville, aujourd’hui, c’est un bouillonnement pluriethnique avec des influences africaines, asiatiques…» tranche Sarran. Pas de cassoulet, on n’est pas dans les clichés de la télé.

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Michel Sarran redoute l’ennui, et ça se sent dans sa cuisine, qui évite l’évidence. …/… La profusion empêche parfois les produits de briller, même s’ils sont bons et bien préparés.

Il y a une logique : le parcours de Sarran a été sinueux. Né dans une petite ville du Gers, il a rejoint Toulouse pour ses «deux premières années de tourisme étudiant» – une référence à ses études de médecine ratées. Il loupe tous ses concours, dont celui de sage-femme, ne sait pas quoi faire. Rejoint alors sans conviction sa mère, qui tient une auberge, «parce qu’il faut un métier pour avoir femme et enfants, enfin c’est ce qu’on m’avait dit» (il a aujourd’hui deux filles). Sa mère, qui a de l’énergie pour deux, aborde un jour Alain Ducasse dans son restaurant Juana et le convainc, au culot, de prendre son fils. «Ça ne représentait rien pour moi, se souvient Sarran. Juan-les-Pins, c’était la pinède, le festival de jazz et la mer. Je n’avais aucune culture culinaire. D’ailleurs, j’étais tellement mauvais que je n’ai même pas pensé à vider les poissons la première fois que j’ai fait une bouillabaisse.»

Le novice pleure tous les jours chez Ducasse, mais «la passion vient en même temps que les larmes». Une entrée que Sarran sert aujourd’hui dans son restaurant est un souvenir de cette époque. Dans sa soupe de foie gras, une huître en embuscade envoie une décharge iodée : c’est «le coup de pied au cul qu’il a reçu» du Gascon. Mais enfin, pas en vain. Sous son influence, le jeune Sarran s’améliore. Ducasse, qui aime prêter ses poulains (à condition de les récupérer), le juge digne d’être envoyé chez Michel Guérard, star du Sud-Ouest, qui lui montre une autre facette de la cuisine, orientée minceur, et lui apprend la «diversification». C’est-à-dire ? «Profiter de son savoir-faire et de sa reconnaissance pour gagner des ronds ailleurs.»

Malentendu.Rares sont les chefs qui acceptent de parler de leurs à-côtés, mais Sarran en fait partie. Même avec un taux de remplissage idéal (à 70 % avant Top Chef, à 90 % maintenant), il ne tire que peu de bénéfices de son restaurant. Pas de quoi payer par exemple les 600 000 euros de réfection de sa cuisine. Alors, «il faut trouver l’oxygène ailleurs». Installé à son compte dès 1995, il a pu se diversifier grâce à l’aura de ses deux étoiles, gagnées en 1996 et 2003. Il fait maintenant du conseil culinaire auprès d’Elior, dirige un bistro à Barcelone. Il a aussi accepté des projets casse-gueule, comme l’amélioration de la carte du TGV.

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Quel que soit le résultat, cette expérience de restauration industrielle a le mérite d’extraire Michel Sarran de la monotonie des journées qu’il juge «dramatique pour sa vie pro et perso». «Quand je sens que le rythme se ralentit, je me pose de nouveaux challenges.» Il s’est mis au pilotage d’avion et aux courses automobiles, qui offrent des possibilités d’évasion immédiate puisqu’on «ne peut penser à rien d’autre dans ces moments-là». Top Chef relève de la même logique. Lui qui déteste les concours et qui n’aurait jamais candidaté pour l’émission («pas plus que pour le MOF», meilleur ouvrier de France) craignait de ne pas savoir juger. Il a d’ailleurs été surpris d’avoir été choisi, suppose qu’il y a eu un malentendu. Lors du casting, il fait pleurer une candidate. «La production pensait sans doute que j’étais un peu dur. Alors que ça m’a traumatisé de la faire pleurer.»

«Il s’est énervé à la Sarran, c’est-à-dire pas très fort. Il a été ultrapédagogue, hypergentil, l’a prise dans les bras et l’a remise en selle», dément Florence Duhayot. La directrice générale de Studio 89, qui produit Top Chef, a tout de suite vu son potentiel. Elle cherchait une nouvelle équipe pour être plus proche des candidats. «Michel est précis dans son jugement, s’exprime clairement, a la larme facile et oublie les caméras. Pour nous, c’est une bénédiction.» Et pour Sarran, une juste consécration.

Copyright : M6 – DR

Restaurant Michel Sarran, 21 boulevard Armand-Duportal, 31 000 Toulouse. Menus à 55 € (le midi), 100 € et 132 €. Rens. : www.michel-sarran.com

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