Atabula grand entretien avec les frères Pourcel : » Notre réussite est justement de ne s’être jamais coupé du vivier local et régional. «
Atabula consacre une longue interview aux frères Pourcel… à deux mois de la fermeture de leur Jardin des Sens, Franck Pinay-Rabaroust est allé rencontrer les deux chefs à Montpellier. Les jumeaux s’expriment sur leur vie professionnelle bien remplie, leurs projets, leurs envies d’entreprendre et de continuer à bousculer les codes. Les pieds sur terre, bien dans leurs baskets, les frères continuent à avancer vers ce qui les a toujours fait vibrer – la création de nouveaux lieux qui ont une âme -.
A quoi ressemble aujourd’hui l’univers des Pourcel ?
Laurent – Cet univers se concentre à Montpellier, avec deux locomotives. D’une part le Jardin des Sens et la Plage Carré Mer qui est ouverte dès les premiers beaux jours. Deux endroits, deux atmosphères différentes. Avec la fermeture prochaine du Jardin des Sens, nous ouvrons un pop-up restaurant pour perpétuer l’expérience « Pourcel » dans notre ville.
Jacques – Ce pop-up va se faire dans un bâtiment à l’extérieur de Montpellier, dans les nouveaux quartiers de la Route de la Mer. C’est un quartier en pleine évolution dans lequel notre pop-up va parfaitement s’intégrer. Il est prévu pour exister pendant deux ans, jusqu’à la réouverture du Jardin des Sens.
Il n’y a plus d’autres lieux estampillés Pourcel à Montpellier ou ailleurs ?
Jacques – Depuis deux ans, nous avons la volonté de nous recentrer sur notre ville et sur nos deux établissements, le Jardin des Sens et la plage. Du coup, nous nous sommes libérés d’autres adresses pour tenir cet engagement.
Laurent – On a eu plusieurs vies Jacques et moi, avec toujours cette envie de mener différents projets de front. Le désir d’évoluer, d’essayer, de tester fait partie de notre ADN. Mais là, il y a devant nous un formidable projet : faire revivre le Jardin des Sens dans un futur lieu qui s’annonce exceptionnel.
Le Jardin des Sens va donc déménager dans le centre de Montpellier, place de la Canourgue. Pourquoi ?
Laurent – Notre maison fonctionne bien depuis son ouverture il y a 27 ans. Mais nous avions envie d’autre chose. Soit nous cassions tout ici pour faire naitre un nouveau Jardin, soit nous déménagions. C’est ce dernier choix qui a été retenu.
Jacques – Le quartier n’a pas évolué comme nous l’imaginions. Rapidement, nous avons compris qu’il fallait déménager en centre-ville. Les habitudes ont changé à Montpellier : pendant des années, les habitants voulaient s’extraire de la ville pour faire la fête, aller au restaurant, etc. Désormais, c’est le contraire. D’où notre future installation place de la Canourgue, qui est probablement l’un des plus bel espace de la ville, dans le bâtiment qui abritait la mairie historique de Montpellier. Nous allons créer 18 chambres, des appartements et un restaurant gastronomique. En s’installant là, nous rapportons pas moins de 65 emplois en coeur de ville.
Vous avez obtenu trois étoiles au Jardin des Sens, avant de redescendre rapidement à une étoile. Avez-vous l’ambition de repartir à la quête des étoiles avec ce nouveau Jardin ?
Jacques – L’envie de repartir à la conquête des étoiles est forte bien sûr. Nous sommes positionnés depuis longtemps comme la grande table du Sud ; nous souhaitons relancer cet élan avec le nouveau Jardin.
Laurent – Dans l’ancien Jardin, nous tournons entre 150 et 200 couverts par jour. Dans le futur restaurant, nous visons plutôt un maximum de 40 couverts par service. Forcément, nos ambitions seront revues à la hausse. A savoir également que le restaurant gastronomique se doublera d’une offre plus simple, servie dans un espace à part.
Jacques – Nous avons demandé au guide Michelin de nous sortir du guide 2016 puisque le restaurant fermera ses portes en mars. De la même façon que nous avons suspendu notre présence au sein des Relais & Châteaux. Les responsables du guide Michelin nous ont bien sûr prévenu qu’ils nous suivrons de près lors de l’ouverture.
Si votre ascension à trois étoiles a été rapide, votre chute de trois à une l’a été tout autant. Comment avez-vous fait pour résister à ce yoyo étoilé ?
Laurent – Depuis 27 ans, notre force est l’ancrage régional. Notre clientèle couvre plusieurs générations et elle s’étend jusqu’à Nimes, Perpignan et au-delà. Malgré la perte des étoiles, cette clientèle est revenue et nous avons su maintenir notre chiffre d’affaires.
Jacques – Par delà la cuisine, les clients retrouvent chez nous une ambiance, une proximité avec les équipes. Le Jardin est un restaurant et un lieu de vie : c’est une maison familiale au sens fort du terme.
Vous êtes passés de trois étoiles à une étoile en six ans, ce qui doit tenir quasiment du record. Comment expliquez-vous cela ?
Jacques – Quand nous avons obtenu la troisième étoile en 1998, un journaliste a écrit : « Le Jardin des Sens, c’est le trois étoiles populaire. » Nous étions effectivement positionnés sur ce créneau, un lieu où l’on mange bien, avec un service proche du client, un lieu qui vit. A l’époque, nous faisions partie d’un mouvement où la haute gastronomie se démocratisait. Puis il y a eu un changement complet de paradigme : le trois étoiles s’est rapproché du laboratoire, avec peu de couverts, une cuisine signature revendiquée. C’était l’affirmation d’une haute cuisine élitiste contre une haute gastronomie populaire. Forcément, cela a joué contre nous.
Laurent – Nous, nous voulions une cuisine lisible, avec du goût. Ce fil conducteur, nous l’avons gardé en dépit des modes. Bien sûr, nous avons évolué, mais sans perdre nos bases. Concernant les étoiles et leur perte rapide, je tiens aussi à dire que nous ne faisons partie d’aucune école. Nous nous sommes faits tout seul ou presque.
Jacques – Nous avons toujours revendiqué cette liberté de ton et d’esprit. Probable que nous en avons payé le prix. Jacques Decoret peut aussi probablement être mis dans cette case, avec des conséquences identiques.
Comment avez-vous vécu l’arrivée de la troisième étoile en 1998 ?
Laurent – Une vraie surprise ! A l’époque, avoir une étoile était déjà très bien, cela avait été notre objectif de départ. D’emblée, on nous a regardé de travers, certains nous ont fait sentir que nous étions une erreur dans le groupe des trois étoiles. A ce niveau, c’est une caste et il n’est pas évident de s’y sentir à l’aise quand on n’est pas du sérail.
Jacques – Nous n’avons jamais fait la course aux médailles et aux concours. Et nous n’appartenons à aucun clan, si ce n’est le nôtre. Avec un peu de recul, nous nous apercevons que nous avons formé pas mal de chefs. Il y a une petite famille Pourcel dans les cuisines de France et au-delà.
Par delà la « famille » Pourcel, il y a la « marque » Pourcel ?
Jacques – Nous avons voulu effectivement créer une marque avec notre nom. Nous avions trente ans lorsque la troisième étoile est arrivée. La question s’est posée de nous développer ou pas. Notre choix a été d’avancer dans différents projets. Il y a eu l’exposition universelle de Shanghai, une ouverture à Tokyo, la Maison Blanche à Paris, etc. Notre nom a été propulsé partout, notamment dans les médias. Logiquement, des personnes sont venues nous chercher pour monter des projets. A ce moment-là, la marque « Pourcel » a vraiment pris forme.
Et cela n’a pas vraiment été apprécié par le « milieu » ?
Laurent – Nous avons été critiqués, ça c’est sûr. Mais les gens ont oublié que nous étions deux. Moi, je suis quasiment toujours en cuisine et si ce n’est moi, c’est Jacques. C’est un avantage d’être deux ! Mais cela n’a pas empêché que l’on nous reproche une trop grande dispersion dans nos activités. C’était injuste je pense.
Jacques – Nous avons toujours eu envie de vivre plusieurs aventures professionnelles. Nous avons eu des opportunités, nous les avons saisies. Les récompenses, elles, c’était un plus dans notre vie. Et il faut bien dire que nous ne sommes pas les seuls à mener plusieurs projets de front. Mais quand vous êtes en province, et indépendant, c’est beaucoup plus dur.
Laurent – Avec les trois étoiles, nous avons eu peur de rentrer dans une routine qui ne nous correspond pas. Le restaurant était complet, nous étions calés, l’envie de faire autre chose était forte.
Jacques – Il faut préciser que nous avons obtenu ces trois étoiles avant Michel Bras ou Michel Trama, chez qui nous avons travaillé. A nos yeux, cette récompense était presque illégitime. Certes, on nous les donne ces étoiles, on les prend, mais il ne faut pas croire que cela a été facile
En quoi cela a été compliqué ?
Jacques – La récompense, le guide vous la donne, mais c’est à vous de devenir un trois étoiles. Du jour au lendemain, tout change ou presque. Quand votre cahier de réservations se remplit pour une année en seulement un mois, vous saisissez immédiatement le changement de dimension. Il a fallu s’adapter, à tous les niveaux.
Laurent – Je me suis posé beaucoup de questions sur les créations. Etait-ce vraiment au niveau trois étoiles ? Pas facile de répondre à ça quand vous êtes en cuisine. Et il y a eu les questions sur les produits : puis-je encore laisser du lapin et de la sardine à la carte ? Est-ce que la clientèle va comprendre cela ou dois-je privilégier la truffe et le caviar ? Nous avons fait le choix de garder notre identité et de maintenir les mêmes produits du terroir à la carte.
Etait-ce plus compliqué d’avoir trois étoiles en 1998 qu’en 2016 ?
Jacques – Je pense que c’est moins complexe aujourd’hui à gérer car l’époque a évolué, la haute gastronomie accepte d’autres codes, on le voit au Plaza Athénée. Mais il faut bien comprendre l’économie d’un trois étoiles. Ce serait une erreur de proposer des menus à 350 euros à Montpellier, il n’y a pas la clientèle pour cela. Notre réussite est justement de ne s’être jamais coupé du vivier local et régional.
Laurent – Proposer une maison trois étoiles en province va être de plus en plus compliqué. Disposer d’une armada en cuisine et en salle, ça coûte une fortune. Le client cherche surtout la bonne affaire de nos jours. Selon moi, à terme, il y aura le palace parisien et le reste.
Vos relations avec le guide Michelin n’ont pas toujours été simples. Vous qui connaissez bien ce petit monde, comment jugez-vous ce guide aujourd’hui ?
Jacques – Le Michelin a beaucoup évolué, dans le bon sens. Il y a eu la période très secrète avec Derek Brown et Bernard Naegelen, puis la parenthèse bling-bling avec Jean-Luc Naret. Maintenant, avec Michael Ellis, on sent une volonté d’ouverture et d’échanges avec les chefs. Michael Ellis a un discours très censé : « L’étoile, c’est le plus. Si votre restaurant ne fonctionne pas, n’attendez pas l’étoile pour avoir des clients. » On le sent proche du terrain. Le dialogue est aujourd’hui possible avec le Michelin.
… Pour retrouver la suite et l’intégralité de l’interview cliquez sur le Link de Atabula
Très heureux et vous soutien
Trés bonne décision de vous consentrer sur Montpellier
Vous avez suffisamment donné sur l’étranger
Gardez votre savoir faire pour votre règion et pour la France elle en a besoin
notre renommée gastronomique est en perte de vitesse Nous nous sommes trop
Éloignés de nos affaires et de nos régions , travaillez avec vos producteurs
Laissons venir chez nous les cuisiniers étrangers , c’est à eux de se déplacer
la France doit redevenir la capitale Mondiale de la Gastronomie Française
personnellement j’en suis un peu responsable avec mes 46 années de Japon !
Le Guide Michelin en est aussi en sortant des guides aux centaines d’ étoiles et Bib Gourmands
En faisant du Japon la Capitale Mondiale de la Gastronomie
défendons notre savoir faire et restons Français dans nos produits , ne tendons pas le Baton pour nous faire battre , le Japon a pour ambition de devenir entre autre l’école de notre gastronomie ,et de voir dans le futur
Les jeunes apprentis Français venir apprendre au Japon notre cuisine !
Cela paraît impossible mais Attention !
Très intéressant sur le fond, un petit bémol pour cette malheureuse faute d’orthographe dans le 1er le titre… le 1er que l’on voit.. 🙁
Superbe interview… toujours aussi bon les jumeaux.
j’ai hâte de revenir à Montpellier pour le Carré Mer et les nouveaux projets des frères Pourcel.
ps : le blog est super 😉