Olivier Roellinger : » si nous les chefs, nous ne sauvegardons pas le garde-manger de l’humanité… qui va le faire ?
La prise de conscience doit être collective, et les chefs qui sont maintenant les nouveaux héros des médias doivent sans cesse marteler le message : » nous avons reprendre la main sur nos cultures, et cesser de laisser notre alimentation manipulée par les multinationales ! « . Le chef Olivier Roellinger pousse un coup de gueule dans l’émission – Cash Investigation –
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Ce grand nom de la gastronomie est parti en guerre contre les légumes industrialisés qui se ressemblent tous. Selon Olivier Roellinger, il y a urgence : en cent ans, 75% des légumes et fruits cultivés ont disparu. Pour faire face à cette perte de la biodiversité, il cultive ses propres semences… Extrait de « Multinationales : hold-up sur nos fruits et légumes », un documentaire de Linda Bendali, diffusé mardi 18 juin 2019 sur France 2.
« En quoi est-ce important pour vous de cultiver vos propres semences et de favoriser la semence paysanne ? » demande Elise Lucet à l’ex-chef triplement étoilé Olivier Roellinger. « Cuisiner, c’est nourrir, mais pour nourrir, il nous faut un garde-manger. Et en un siècle, nous avons perdu trois quarts des plantes cultivés, répond-il au magazine « Cash Investigation » (Facebook,Twitter, #cashinvestigati). Si ‘nous’, les cuisiniers les plus connus, nous ne sauvegardons pas le garde-manger de l’humanité… Mais qui va le faire, qui va le faire ? Ce n’est pas la grande surface ni ses semenciers qui vont le faire. »
« Ce qui était dans la nature et que tout le monde pouvait prendre, c’est maintenant presque privatisé. On peut dire ça ? » interroge la journaliste. « C’est totalement privatisé. Cela veut dire que le vivant devient artificiel. Ils se sont appropriés le vivant végétal », s’insurge celui qui a volontairement abandonné ses trois étoiles en 2008 et fermé son restaurant à Cancale, en Ille-et-Vilaine. Cette mainmise sur le vivant est, pour lui, liée au catalogue officiel qui favorise les géants de l’agro-industrie.
« Est-ce que nous nous ressemblons les uns et les autres ? »
« Ce catalogue officiel a verrouillé le végétal vivant, les cultivateurs et les consommateurs, que je préfère appeler les ‘mangeurs’, explique Olivier Roellinger. Si vous n’êtes pas dans ce catalogue, vous ne pouvez pas vendre la semence, et donc vous ne pouvez pas produire le légume, la plante ou l’herbe qui en sont issus. » Les critères pour entrer dans ce catalogue officiel ? « Deux choses : des plantes homogènes et stables. Cela veut dire qu’on va les planter toujours à la même date, qu’elles vont toutes pousser de façon identique. On veut des tomates parfaitement calibrées qui vont rentrer dans une petite barquette. »
Ce critère d’homogénéité empêche donc ces semences paysannes d’être inscrites dans le catalogue officiel, car elles donnent des tomates qui ne se ressemblent pas ? « Mais pourquoi voulez-vous qu’elles se ressemblent ? Est-ce que nous nous ressemblons les uns et les autres ? Voudrait-on que tout le monde soit stéréotypé dans une famille, une population ? La biodiversité est en danger ! Je n’arrive pas à comprendre comment on a pu se faire spolier ce droit, notamment les cultivateurs et les maraîchers, de planter ce que la nature a donné. Il faut défendre cette chose-là pour nos enfants », alerte Olivier Roellinger.
Extrait de « Multinationales : hold-up sur nos fruits et légumes » (replay), une enquête de Linda Bendali diffusée mardi 18 juin 2019 sur France 2.