Épicuriales de Liège 2018 : rencontres de chefs
Il a lieu chaque printemps, pendant le week-end de la Pentecôte, à Liège, au parc de la Boverie. C’est un rendez-vous que je ne manque jamais. De même, Stéphane Jégo, chef de Chez l’Ami Jean (Paris), n’en rate aucune édition depuis plusieurs années. Pour être exacte, il a tout de même séché l’année dernière, retenu par quelque événement en Bretagne, mais c’était à son corps défendant. À 3 heures du matin, le staff des Épicuriales avait reçu de lui ce SMS : « Vous me manquez, j’arrive. » Ils me l’avaient montré, tout joyeux : « Stéphane vient ! », mais c’était un faux espoir. Stéphane ne parvint pas à se libérer. Heureusement, il s’est bien rattrapé à ces Épicuriales de Liège 2018, illuminant l’événement de sa présence flamboyante sous le regard attentif de deux futurs chefs.
Conquis par Liège, son punch, sa passion, sa convivialité, son ambiance unique, son ardente gourmandise aussi, Stéphane au fil des années a attiré d’autres chefs dans son sillage : Flora Mikula, Alexandre Morin, et, depuis deux ans, Jean-Marc Notelet, chef de Caïus (Paris), et cette année Alessandra Montagne (Le Tempero, Paris), talentueuse Carioca qui s’est mesurée avec lui en une battle de chefs mémorable.
Chaque participant à la battle avait son bras droit, sélectionné parmi les espoirs de la cuisine liégeoise. Je n’ai pas retenu le nom de la jeune assistante, mais Stéphane a bénéficié du concours d’Andrea. Chez lui, c’est de famille, apparemment, car il n’est autre que le neveu de Lorenzo Barracato, très jeune chef (à peine la vingtaine) du Grand Café de la Gare de Liège.
Jean-Philippe Watteyne a toujours la banane, même armé jusqu’aux dents. Il est chef du restaurant iCook, à Mons, et brandit ici un superbe couteau forgé par Cédric Henry de Frahan, créateur de la Forge Ferdinand. Sa tente aux Épicuriales s’appelle Rebelge ; je sais, moi aussi j’aurais aimé y penser, mais c’est lui qui l’a fait. Quand il ne grille pas des contre-filets entiers sur un barbecue Ofyr, Jean-Phi bataille aussi avec Stéphane.
À gauche, Michel Cloes, consul de France à Liège, président de CCN World (Chef Culinary Network), consultant pour les Épicuriales et responsable de la Villa consulaire, un superbe espace années 30 au bord de la Meuse, à deux pas du festival. Cet ancien club nautique abritera bientôt, sous la direction de Michel, une brasserie et un restaurant gastronomique. À droite, Pierre Luthers, organisateur des Épicuriales.
Quelques vues de la Villa consulaire, aménagée par Michel Cloes aux couleurs de la France en attendant les travaux.
Robert Arpee Olbrechts, organisateur des Épicuriales avec Pierre Luthers.
Antoine Olbrechts, responsable de la communication numérique, des œufs brouillés au brunch du week-end, etc., et Jean-Marc Notelet.
Mireille Labylle installe le micro à Alessandra Montagne avant une démo.
Lors d’un atelier culinaire autour du bœuf belge, Philippe Debruge (Mon Boucher, à Ans) nous fait la démonstration d’un plat-filet (paleron) de race bleue des prés (dérivée de la blanc-bleu belge) dénervé et paré en steak, à griller entier sur la plancha. Stéphane se prête à l’expérience en flambant au chalumeau la pièce couverte d’origan.
Après, on se régale.
Avec les parures du plat-filet, Stéphane prépare un jus. Et à côté, comme à son habitude, il flambe…
Les dîners à six mains concluent chaque journée des Épicuriales. Les six mains sont celles de chefs locaux ou invités. Le deuxième soir, l’asperge d’Arnaud Delvenne (Moment, à Liège) a été fort remarquée.
Pierre Luthers et Arnaud Delvenne.
Le dîner du samedi soir réunit Lorenzo Barracato, Alessandra Montagne et Stéphane Jégo. L’entrée de Lorenzo, un saumon cuit à très basse température (en fait, presque cru), accompagné de purée de betterave et d’œufs de capelan, suscite l’admiration générale, y compris celle des chefs présents.
Stéphane a préparé un paleron dont les fibres se détachent avec élégance. Son fameux citron confit (« humeur noire », comme il l’appelle) relève légèrement le plat.
Alessandra a composé un plat riche et généreux : poitrine de porc, boudin, oignons au vinaigre…
Gérard Miller (ex-Labo 4, actuellement über-pizzaiolo au Paparazzi, à Nandrin) et Lucky Debruyn, brasseur de la bière Legia.
Le dîner du dimanche soir est complet : ni Raphaëlle, la compagne de Jean-Marc, ni moi ne pouvons y assister. Et pourtant, nous tenons à goûter le plat de Jean-Marc : une kefta de veau au ras el-hanout maison, servie avec une sauce style beurre blanc à la cardamome, sur un chou pointu étuvé, tendre et savoureux. Nous attendons patiemment, à côté du passe.
Pendant notre attente, verre de saint-péray à la main, Raphaëlle me fait remarquer : « Tu as vu cette équipe qui travaille, c’est beau ! » Elle a raison. Nous sommes en train de contempler la beauté du travail de cuisine. Il y a là les chefs de trois restaurants : Mathieu Lesenne (L’Aubergine à Tilff), Thomas Troupin (La Menuiserie à Waimes, un macaron Michelin) et Jean-Marc Notelet (Caïus). Quelques heures avant, ces hommes ne se connaissaient pas. Les trois équipes ont fusionné avec un naturel parfait. C’est comme voir un puzzle se mettre en place tout seul. La connivence, l’énergie de travail, l’harmonie est visible. Les gestes se combinent sans se heurter. C’est plus que beau, c’est un miracle.
La kefta de Jean-Marc valait largement l’attente. Nous avons conseillé au chef de la mettre à sa carte ; avis aux amateurs…
Cette dernière image résume l’atmosphère unique de cet événement : Jean-Marc Notelet, Stéphane Jégo, Alessandra Montagne.
Merci à tout le staff des Épicuriales, qui chaque année fait exister ce grand moment de joie et d’amitié.
À la petite cuillère
Textes et photos : Sophie Brissaud