Brasserie d'Aumont

Brasserie d’Aumont : Crillon, le retour

21 juillet 2017  0  À la petite cuillère
 

signature-food-and-sensC’est un beau nom, Brasserie d’Aumont. On le croirait venu du fond des âges ; il évoque des courses à Chantilly, des week-ends à Deauville en Delahaye, un certain parfum d’avant et d’après-guerre, La France à table, Curnonsky, tout ça. Impression renforcée par le design du menu. Que nenni : ça s’appelait L’Espadon, souvenez-vous, avant que l’hôtel de Crillon, place de la Concorde à Paris, ne s’endorme quelques années pour un lifting en profondeur. Voilà la maison réouverte, rénovée, avec toute sa panoplie de restaurants. Compte rendu d’un déjeuner avec un ami cher.

Brasserie d'Aumont

L’espace en offre pour tous les goûts : une grande salle avec tables (non nappées, beau marbre) et bar en fer à cheval, donnant sur la cour d’honneur. Une autre salle plus feutrée, plus intime, donne sur la très jolie cour Gabriel, ouverte pour la première fois depuis des décennies : du temps de L’Espadon, on y avait installé les bureaux. Elle héberge maintenant un spa, un salon de coiffure et quelques tables pour la brasserie. Soixante couverts à l’intérieur, autant en terrasse. Ce n’est ni beaucoup ni peu, c’est équilibré, plein de charme, très parisien.

Brasserie d'Aumont

Justin Schmitt – photo © Stéphane Kossmann

Aux fourneaux, Justin Schmitt. À trente-deux ans, il a roulé sa bosse entre Lucas-Carton, Le Grand Véfour, Les Prés d’Eugénie, Épicure et enfin le Crillon où il seconde Christopher Hache (chef exécutif et chargé du gastro) depuis 2010. Justin aime revisiter les classiques, dénicher des huîtres (celles de l’île Callot, en Finistère Nord, élevées en exclusivité pour le Crillon), reçoit une demi-carcasse de bœuf par semaine, dont il valorise tous les morceaux. Champion de tarte au citron meringuée, amateur de parfums, doté d’une vraie carrure de chef de palace, il se révèle très à l’aise dans ce répertoire de brasserie chic dont le menu demande un assez long temps d’étude, tout simplement parce qu’il a été très étudié. On a pris en considération la vocation de ce type de lieu : contenter le public le plus varié possible sans lésiner sur la qualité. Gageure que la maison a surmontée, la lecture du menu donne envie de tout et il y a de quoi contenter tout le monde : « crudo bar » (fruits de mer), vrai menu jambons (blanc de Paris de Gilles Vérot, bayonne, parme, bellota, noir de Bigorre), superbe pâté en croûte du chef (aux flancs décorés du skyline parisien), du frais, du fumé, des hors-d’œuvre, du bœuf à profusion (angus et salers), des cafés Coutume (toujours bons à condition de ne pas les boire chez Coutume), etc. Il faudrait vraiment être très grognon et ours mal léché pour ne pas trouver ici de quoi se contenter.

Brasserie d'Aumont

Je vais quand même grogner et faire l’ours à l’examen de la carte des vins : si je découvre un beau choix de bouteilles dans une gamme de prix raisonnable, les vins au verre commencent à 14 euros et culminent à 55 — OK, c’est un corton-charlemagne 2013 de Bonneau du Martray, mais tout cela donne une moyenne de 23 € pour dix vins, et ça pique un peu. Une brasserie, fût-elle de palace, doit avoir des vins au verre plus abordables. Je l’écris d’autant plus aisément que la moyenne des bouteilles est à un prix relativement modéré pour un palace et que les comestibles sont tarifés de façon pas trop extravagante. Il y a donc une petite amélioration à espérer. Nous optons pour un verre de blanc chacun : un chardonnay bin 311 tumbarumba de Penfolds 2014 et un meursault casse-têtes 2015 du domaine Tessier, paraît-il tous deux situés sur un terroir équivalent chacun à son bout de monde (un peu comme la veine d’argile grise qui traverse la Gironde entre Saint-Estèphe et Pomerol, mais en beaucoup plus étendu) ; ça se ressemble, c’est vrai, mais le meursault l’emporte par son élégance.

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La tête de veau sauce Orly, premier temps.

Je peux difficilement passer à côté d’une tête de veau sans la commander, et nous nous interrogeons sur cet intitulé : Tête de veau sauce Orly 1910, qu’est-ce ? Voilà ce que c’est : une recette de 1910 surgie du gouffre de l’histoire. 1910, c’est encore proche d’un XIXe siècle où l’on aimait bien, pour faire élégant, tout mettre en croquettes et en panure, avec une sauce dessus. C’est donc un gros cromesqui de viande maigre de tête de veau, hachée, panée et frite, accompagnée d’une sauce tomate légère à la française. Mouais. Je suis déçue de ne rien retrouver de ce que j’aime de la tête de veau : son côté mal élevé, son onctuosité, sa viscosité qui se prête à une si belle croustillance une fois rissolée. « C’est une entrée de tête de veau pour ceux qui n’aiment pas la tête de veau », dit mon compagnon de table. Il a raison. Mais alors pourquoi commander de la tête de veau si on ne l’aime pas ? La sauce Orly manque de mordant, la panure est cartonneuse, l’intérieur est un hachis sec et sans joie. Nous espérons que ça va s’arranger ensuite.

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Et ça s’arrange ! Les plats sont aussi réjouissants que les entrées étaient décevantes. Le saint-pierre, viennoise de sarrasin, choux à la marinière de mon ami arrive nacré, resplendissant. Sa déliciosité se voit sur l’assiette, si j’ose dire.

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Ma sole meunière à la grenobloise n’est pas moins enthousiasmante : beaucoup de goût, de finesse, une préparation talentueuse. Les poireaux braisés sont, et de loin, les meilleurs poireaux qu’un chef m’ait jamais braisés. La grenobloise (câpres, citron et croûtons si mes souvenirs sont bons, et pas poireaux) se perd un peu dans cette version revisitée, mais on s’en fout, c’est génial.

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Le millefeuille du copain.


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Et mon vacherin.

Comme je suis en compagnie d’un spécialiste des desserts, nous nous lâchons carrément, commandant un dessert chacun — moi le vacherin, lui le millefeuille — et relançant d’un baba au rhum à partager à deux. Même pas peur. Même pas mal : le baba, qui arrive en dôme bien rond et quelque peu intimidant, se révèle en fait très, très léger, imbibé d’un excellent sirop de punchage citronné et hérissé de quelques boules de chantilly vanillée. C’est excellent. Comme dans toutes les bonnes maisons, on vous laisse la bouteille de rhum (du trois-rivières blanc) sur la table.

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Baba au rhum, phase 1.


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Baba au rhum, phase 2.


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Baba au rhum, phase 3.

Y aller ? Mais oui ! Malgré la petite réserve sur les vins au verre et l’entrée — le lieu vient juste d’ouvrir, il faut lui laisser le temps de trouver ses marques —, les plats et les desserts sont déjà tout à fait au point, superbement exécutés, et la carte recèle certainement d’autres belles surprises.

Brasserie d’Aumont – Hôtel de Crillon. 10, place de la Concorde, 75008 Paris. Tél. : 01 44 71 15 00. Ouvert tous les jours. Petit déjeuner (entre 49 et 59€) de 7 heures à 10 h 30, déjeuner de midi à 14 h 30, dîner de 19 heures à 22 h 30. Très bon plan pour déguster des fruits de mer au bar pour pas tellement plus cher qu’ailleurs. Déjeuner et dîner : environ 50-70€ sans les vins, menu « Déjeuner d’Aumont » avec choix de deux plats marqués d’un logo : 44€ par personne. Au dîner, plateau de fruits de mer en deux services : 90€ par personne.

À la petite cuillère
Textes et photos : Sophie Brissaud

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