L’osmose des Faugères, grands vins de nature avec la cuisine de Laurent Pichaureaux
L’osmose des Faugères, grands vins de nature avec la cuisine de Laurent Pichaureaux !
Peu avant le début de l’été, Food&Sens était convié par la Présidente des l’AOC Faugères, Nathalie Caumette à la découverte du label Faugères, Grands Vins de Nature (qui ne sont pas forcément des vins nature…) dont l’ambition est l’abandon total des herbicides et des insecticides d’ici 2028. Un objectif ambitieux et d’actualité qui en fera la première appellation sans pesticides et ce, alors même que les viticulteurs de l’AOC Faugères sont déjà très dynamiques. 80% d’entre-eux sont actuellement engagés dans des démarches agroenvironnementales et 40% de la surface de l’appellation est déjà engagé la bio et la biodynamie. pour une moyenne nationale inférieure à 10%…
Food&Sens a pu découvrir quelques vins bénéficiant du label Faugères, Grands Vins de Nature à l’occasion d’un dîner surprenant dans un restaurant du 17ème arrondissement de Paris.
Le rendez-vous était donc donné au restaurant Esens’ All du chef Laurent Pichaureaux qui n’est autre que le Vice-Président de l’R Durable, une association fondée par Perrine Wardak et qui regroupe des membres engagés pour dans la transmission de valeurs et de pratiques responsables en restauration. Pour en savoir plus sur l’association (LINK)
Il fallait un lieu à l’image des vins alors qui de mieux que le chef Laurent Pichaureaux aurait pu sublimer les Faugères, grands vins de nature ? Cette question me trotte encore dans la tête puisqu’en effet, réussir à créer une association mets est vin est une chose… Mais quand l’association est en osmose avec des valeurs communes cela nous fait vivre une expérience absolument unique et transcendante !
Ceci n‘est d’ailleurs pas une opération divine, mais le fruit d’une étroite collaboration initiée par Jean Dusaussoy (co-fondateur www.septiemegout.com mais aussi chroniqueur et consultant vins & mets) avec chef le Laurent Pichaureaux qui se sont pris au jeu de créer des plats pour qu’ils s’associent au mieux aux 8 vins sélectionnés par les deux hommes sur 32 proposés. Une démarche inversée de celle d’un sommelier classique et un travail en amont conséquent pour une expérience assez unique !
L’expérience commence ici :
Texture de choux-fleur, anguille fumée, vinaigre Sambai-su, pousses de moutarde tagète – Domaine Ollier Taillefer, Allegro blanc 2017 (LINK)
Ce premier plat laisse le client se prendre dans un jeu organoleptique extrêmement intéressant allant du crémeux et de la puissance de la mousse de choux-fluer au gras et à la subtilité de l’anguille fumée, le tout condimenté par le vinaigre sambai-su. Le vin vient parfaitement compléter ce plat dans un équilibre de texture surprenant. L’attaque ronde vient s’associer à la texture de choux-fleur alors la minéralité vient apporter un peu de légèreté et de fraicheur en fin de bouche. Une association qui transporte le palais bouchée après bouchée dans un dégradé de saveurs riches et subtiles.
Oeuf parfait, émulsion au coquelicot, petit pois frais, oeuf de truite – La Graine Sauvage, Rocalhàs blanc 2016
Rien n’a été laissé au hasard dans la réalisation de ce plat qui paraît être d’une simplicité exemplaire mais qui en réalité apporte à chaque cuillère un lot impressionnant de saveurs et de textures différentes dans une chronologie parfaite. D’abord l’oeuf, suivi des croutons, des petits pois et à la fin les oeufs de saumon qu’il faut venir faire éclater sous les dents. Une construction qui, de part sa richesse en protéines nécessitait un d’être contrebalancée par un vin apportant d’emblée une belle acidité le tout complété de notes d’agrumes.
Maigre cuit à la vapeur de thé Genmaicha, jus de carapace au saté, riz torréfié et asperges vertes – Château de Grezan, Les Schistes Dorés rouge 2016 (LINK)
Ce plat a été pour moi une découverte surprenante et mémorable ! Le maigre était cuit à la perfection, le jus de carapace au saté était d’un équilibre absolument merveilleux et les asperges encore croquantes venaient faire une dernière apparition avant la fin de la saison. Un plat simple, autour de trois éléments parfaitement travaillés !
Mais voyez-vous, quelques fois c’est la cerise sur la gâteau qui vient masquer le goût du gâteau ! En l’occurrence, le riz torréfié qui venait apporter une texture croustillante au plat a vu son goût être amplifié de façon insoupçonnée par le vin. Face à une telle puissance et de part sa longueur en bouche le plat tout entier disparaissait.
Si nous en venions à considérer cela comme une bouchée unique, j’aurais été de l’avis de mes confrères qui trouvaient dommage et que cela faisait perdre au plat tout son intérêt ! Mais lorsque vous avez ces notes torréfiées accrochées au palais qui s’estompent doucement et que vous prenez une seconde bouchée, on comprend que cette association en dehors de toute règle se joue en 2 voir 3 temps et qu’elle est absolument merveilleuse !
J’en profite pour faire un tour au passe, le chef est en plein dressage du plat, nous prenons le temps d’échanger quelques mots. Il me parle de son engagement dans l’association l’R Durable dont les valeurs sont un fil rouge de sa cuisine. Je découvre également que cela fait plus de 8 ans qu’il tient le restaurant et qu’il est seul en cuisine, accompagné d’une personne en salle et d’un extra en salle lors des semaines de forte activité… Il est probablement l’un des seuls restaurateurs de ce niveau à être seul en cuisine sur Paris !
Tenir un restaurant tout seul est un challenge qui en dit long sur l’homme passionné qui joue chaque soir au piano une improvisation culinaire en solo. Une improvisation, car nous découvrons que le morceaux change légèrement d’un service à l’autre à l’exemple du riz torréfié qui n’était pas présent lors du tasting et qui a donné d’agréables surprises ce soir la. Nous découvrons également que chacune de ses compositions se compose de trois éléments principaux tout au plus, d’une sauce ou d’un jus et d’un dernier élément venant compléter le plat comme ci-dessus le riz torréfié.
Quand on est seul en cuisine, il faut savoir organiser sont temps et ses services…
Nage, filet de canette de Challans rôti, radis confits, jus acidulé au sésame noir – Mas des Capitelles, Collection Numéros 2 rouge 2011 (LINK)
Je relis mes notes et je me souviens d’avoir inscrit comme commentaire pour ce plat « accord absolument parfait ! ». Celui-ci se joue ici sur le filet de canette rôti et son jus acidulé au sésame noir pour qui, ce Mas des Capitelles, Collection numéro 2 vient dans leur puissance respective s’associer.
Ananas rôti aux épices et vanille, crème glacée au miso blanc/vanille – L’atelier du Bouilleur, fine Faugères
Cet ananas n’est pas juste rôti, il est rôti au poivre timut, à la badiane, à la vanille, à la coriandre fraîche et au poivre Sichuan ce qui lui donne une complexité aromatique unique. Cette création était d’ailleurs l’une des improvisations du chef pour le dîner et une fois de plus, l’accord fut assez surprenant par du fait des notes de vanille et de caramel de cette fine Faugères.
Dîner sans faute pour Laurent Pichaureaux et pour les vins du label Faugères, Grands Vins de Nature !
Mais avant de terminer et si j’avais à donner une mention spéciale, je citerais certainement ce vin : Empreinte Carbone, Château Haut Lignières 2014 – Jérôme Rateau. Un vin 80% Syrah et 20% grenache sans soufre ajouté produit à hauteur de seulement 1000 bouteilles qui ne fait plus figure d’exception parmi les vins de Faugères ! Une belle découverte qui qu’il sera possible de garder et qui viendra accompagner assez simplement une belle pièce de viande à partager entre amis.
Restaurant Esens’All – 12 Rue Dulong, 75017 Paris
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