Les seconds de cuisine ou chefs exécutifs – des premiers couteaux dans l’ombre des grands chefs

31 octobre 2021  0  F&S LIVE
 
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Sans eux pas de grands chefs, car ceux qui turbinent derrière les fourneaux pour régaler les convives se sont les équipes et avec à leur tête toujours un sous-chef, un second de cuisine, aujourd’hui on les appellent « Chef Exécutifs », ça vient d’outre-atlantique un anglicisme qui s’est généralisé dans les grandes cuisines.

Second de cuisine certes, mais premier couteaux surtout, se sont eux qui enregistrent les souhaits du chef et transmettent toutes ces directives au brigades qui doivent exécuter la transformation des produits pour obtenir de somptueuses recettes.

Le quotidien Le Monde leur a consacré tout un article …

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Paul Genthon : le nom n’est pas encore célèbre et pourtant, ce grand gaillard a déjà fait des étincelles comme sous-chef à L’Atelier de Jean-Luc Rabanel, à Arles (Bouches-du-Rhône), et à La Réserve, à Paris. « Il est ici depuis un mois, il apprend à me connaître », sourit Hélène Darroze. Lorsque la nomade est devant les caméras de « Top Chef », à sa table provençale de la Villa La Coste ou dans son restaurant londonien The Connaught, où turbine un autre second, Marco Zampese, à ses côtés depuis huit ans, c’est lui qui anime seul les cuisines de l’établissement parisien : il dirige la brigade, gère les approvisionnements et veille à ce que l’identité de la maison soit préservée.

C’est aussi avec lui qu’elle expérimente ses nouvelles recettes dans la capitale. Ce jour-là justement, elle veut marier l’amertume d’une marmelade de citron à une belle tranche de foie gras et des algues. « On a retravaillé une pulpe de citron plus douce, et j’ai tenté quelque chose avec de la laitue de mer et de la salicorne », avance Paul Genthon.

Hélène Darroze goûte… et tousse. « On est trop dans l’acidité, tranche-t-elle. C’est bon, mais il faut que l’on arrive à donner un peu plus de rondeur, il faudrait incorporer un peu de sucre. » Le second, concentré, prend des notes. « Il n’y a pas un plat qui sort des cuisines que je n’ai pas testé, précise-t-elle. C’est une question d’honnêteté. Mais quand le restaurant ouvre, je reste au service : ce serait très frustrant pour mon second si j’étais tout le temps derrière lui. »

Des techniciens hors pair

Les chefs exécutifs ont acquis ces dernières années une importance considérable. Les empires des grands noms s’étendent aujourd’hui dans plusieurs pays. Et leur temps de travail est grignoté par les plateaux télé et les réseaux sociaux. Les seconds, officiers de l’ombre, se posent dès lors en indispensables doublures dans chacun de leurs établissements.

Ces grands professionnels sont parfois très bien payés (jusqu’à 7 000 euros dans les palaces, à partir de 2 500 euros dans un restaurant une étoile). Mais ces techniciens hors pair échappent aux feux des projecteurs. Derrière le médiatique Jean Imbert, qui a remplacé cet été Alain Ducasse au Plaza Athénée, se cache, par exemple, le plus discret Jocelyn Herland. C’est ironiquement à cet ex-lieutenant d’Alain Ducasse au Plaza, au Meurice (à Paris) et au Dorchester (à Londres) qu’il revient de mettre en œuvre la vision de Jean Imbert dans le grand hôtel de l’avenue Montaigne.

Et si les connaisseurs du petit monde de la gastronomie ne s’y trompent pas, le grand public s’y perd un peu. « Des clients nous demandent parfois si Ducasse va passer à leur table à la fin du repas », confie un serveur en livrée dans le décor délicieusement suranné du Grand Contrôle, l’établissement Grand Siècle du chef qui voisine le château de Versailles.

A la tête d’un empire gastronomique d’une cinquantaine d’adresses (restaurants mais aussi boutiques et manufactures), l’entrepreneur n’a pas le don d’ubiquité, et c’est Stéphane Duchiron qui règne ici sur les fourneaux, jonglant joyeusement avec les poulardes, les agneaux de lait de l’Aveyron et les légumes du potager.

« J’ai connu le chef lorsque j’étais encore à mon compte au restaurant Les Fougères, où il venait manger régulièrement, raconte avec une pointe de fierté le quadragénaire. Et, il y a cinq ans, il m’a proposé une place parce qu’il savait que je pouvais gérer les cuisines comme il le ferait lui-même. » Alain Ducasse, qui se conçoit comme un « directeur artistique », ne se dépense plus aux fourneaux, mais il donne des lignes directrices à chacun de ses « chefs exé ».

Une tournure quasi filiale

Au Grand Contrôle, ce n’est donc pas Alain Ducasse, mais Stéphane Duchiron, qui réfléchit aux gourmandes cartes du déjeuner et du dîner qui sont ensuite testées et validées par la plus étoilée des toques françaises. « Il aime la mer, une acidité maîtrisée, du relief dans l’assiette, un bel assaisonnement… ça ne m’a pas empêché de commettre quelques erreurs. J’étais parti sur beaucoup de gibier comme pour un repas de maison de chasse, mais il m’a calmé sur les protéines pour revenir à plus de végétal. »

Certains seconds travaillent depuis si longtemps avec un grand nom qu’ils sont capables d’anticiper ses réactions. « Les rapports sont quasi fusionnels », reconnaît Pierre Hermé, confortablement assis dans l’un des moelleux canapés rouges de son salon de thé-restaurant niché dans Beaupassage, une enclave gourmande réunissant plusieurs chefs rue de Grenelle, à Paris. Sur l’écran de l’ordinateur portable posé sur la table, face à lui, le visage de Christophe Drapier, son chef pâtissier exécutif au Japon, s’illumine.

La relation entre un chef et son second prend parfois une tournure quasi filiale. « Il y a deux hommes que j’admire : mon papa, qui est cuisinier, et Michalak, lance Damien Angelucci, 32 ans, chef exécutif du pâtissier depuis quatre ans. On a été éduqués de la même manière. Nous avons appris le métier à la dure, en nous demandant tous les soirs si faire ce boulot n’était pas une erreur… » Christophe Michalak de son côté reconnaît : « Mon vrai plaisir, c’est de former, de partager, d’avancer main dans la main avec des gamins que je forme. Et j’adore particulièrement “brainstormer” avec Damien, il a du métier, du bagout, du talent ! »

Quitter le nid, ou pas

Depuis sa toute nouvelle boulangerie du 10e arrondissement de Paris, Kopain, le chef loue l’expertise du second : « Il a réussi à améliorer le Cappuccino, un de nos classiques en forme de gobelet à base de croustillant praliné café, en allant vers l’ultra-gourmandise : grâce à lui, la mousse de lait est plus légère, plus onctueuse. Dans une autre création, le Pur Vanille, il a reproduit la texture nervurée d’une gousse en ayant l’idée de poser du chocolat sur une plaque de polyester ! »

Le tandem semble indestructible… Et pourtant, Damien Angelucci a voulu quitter le nid plusieurs fois. « Nous lui avons parlé avec mon épouse Delphine pour répondre à ses besoins, raconte Christophe Michalak. Nous n’avons pas les moyens de doubler son salaire, mais nous avons aménagé ses horaires de travail. Nous sommes une famille. »

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Reste à savoir si ces tandems de compétition résisteront à la starisation des chefs. « J’ai eu des jeunes de 16 ans qui me demandaient s’il valait mieux commencer dans une boutique, derrière un grand nom, ou développer son propre compte Instagram », regrette Benoît Couvrand. Quand tout le monde se voit premier, il n’y a plus de place pour les seconds.

Léo Pajon

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