
CODA** Berlin: René Frank bouscule les codes du sucré

Imaginez un lieu où le dessert n’est plus une simple conclusion, mais une expérience à part entière. Un espace où les frontières entre sucré et salé s’effacent pour laisser place à un jeu de textures, d’arômes et de contrastes. Bienvenue chez CODA, le restaurant deux étoiles Michelin du chef René Frank, où le sucré se réinvente avec audace dans une approche anticonformiste et résolument ludique.


Dès l’entrée, une atmosphère minimaliste et contemporaine oriente tous les sens vers l’essentiel : le goût, la texture, l’émotion. Le ballet minutieux de la cuisine ouverte capte le regard, tandis que des effluves intrigants éveillent la curiosité. René Frank est un peu partout. Son regard scrute la cuisine, suit les gestes précis de son équipe, capte l’énergie de la salle. Il passe derrière le bar, échange quelques mots avec un client, ajuste un détail avec la sérénité de celui qui maîtrise parfaitement son art. Formé dans les cuisines des plus grands restaurants du monde, dont celles du légendaire Georges Blanc***, il incarne une rigueur sans ostentation. Exigeant mais toujours souriant, il insuffle à CODA une atmosphère où la précision technique se conjugue à la convivialité, où l’excellence se vit sans ostentation.
Lorsqu’il crée, il ne pense ni en pâtissier, ni en chef traditionnel. Il aborde la cuisine avec la spontanéité d’un enfant, mêlant savoir-faire et instinct pour composer des assiettes qui amusent, intriguent et surprennent.


Son secret ? Des ingrédients peu ou pas transformés, des sucres naturels et un équilibre millimétré entre textures et saveurs. Ici, pas de simple accord mets et vins, mais un pairing audacieux avec des cocktails sophistiqués. Fort de son expérience comme saucier dans l’une des cuisines les plus exigeantes de France, René Frank conçoit le cocktail non pas comme un simple accompagnement, mais comme une composante liquide du plat, pensée pour en révéler toute la profondeur. Le vin, principalement du Riesling, est dégusté entre les plats, créant un fil conducteur subtil et harmonieux.

L’expérience débute avec une série d’amuse-bouches légers et intrigants, qui annoncent le ton du repas. Un bonbon à la betterave dorée explose en bouche, révélant une acidité subtile et une douceur légèrement terreuse. Un petit gâteau moelleux à base de patate douce et os à moelle déploie une profondeur umami inattendue. La brioche de riz au Gouda chaud qui cède délicatement sous la dent, enrobe le palais et prolonge le plaisir avec son caramel végétal de rutabaga. Dès la première bouchée, les repères se brouillent, la curiosité s’éveille.



Les plats qui suivent confirment cette approche ludique et subtile. Un waffle à la raclette, à la fois régressif et sophistiqué, réveille les papilles avec l’intensité piquante de la poudre de kimchi et l’onctuosité du yaourt. Une glace au topinambour et aux noix de pécan, sublimée par sa couverture de caviar Oscietra Sturia délicatement iodée, joue sur un équilibre parfait entre terre et mer. Plus loin, une association inattendue de tomate, macadamia et sobrassada bouscule les attentes. Paradoxalement, les vrais desserts sont les plats les moins sucrés du menu. À base de racine de persil, ail noir et pistache, celui qui cloture le repas s’affirme dans une complexité aromatique saisissante.


L’expérience se termine par un véritable retour en enfance: un chocolat chaud d’une richesse enivrante avec des dragées aux saveurs classiques ou inattendues, comme celles au gras de bœuf ou à la betterave. Le cacao, variété Arriba Nacional, provient d’une coopérative de petits producteurs en Équateur. Une touche finale qui résume à elle seule la démarche du chef René Frank: qualité, pureté et engagement.
Par Lorena Lombardi – Crédits photos: Lorena Lombardi – CODA** Berlin