Massimo Bottura – « L’ingrédient le plus important est la culture »

14 juillet 2016  0  DÉNICHÉ SUR LE WEB
 

signature-food-and-sens Nos lecteurs nous envoient régulièrement des informations du monde entier et cette semaine, c’est une interview de Massimo Bottura réalisée par Claudio Rizzello et publiée dans Zeit Magazine qui a attiré notre attention. Food&Sens l’a traduite de l’allemand pour vous.

Il est rare de voir des interviews de Massimo Bottura dans les médias français et pourtant,… Celle-ci mérite d’être lue! Elle vous donnera un bel aperçu du « Famous Skinny Italian« , l’homme qui est derrière l’Osteria Francescana ! Massimo Bottura aborde notamment son engagement dans le projet « Food for Soul » contre le gaspillage qu’il mettra en place pour les jeux de Rio!

Vous pourrez retrouver l’interview intégrale en Allemand ici

Lorsque nous arrivons enfin à joindre Massimo Bottura sur son téléphone, il est déjà midi. En fait, nous avions rendez-vous dans la matinée. En arrière-plan, on entend du bruit, les commandes viennent tout juste d’arriver, Massimo Bottura court dans le restaurant et nous parle en même temps.

Massimo Bottura: Excusez-moi, je dois encore aller à Rome aujourd’hui. (Il est un peu agité). J’y rencontre le président de l’Organisation pour l’alimentation et l’agriculture.

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ZEITMagazine en ligne: Pour votre fondation Food for Soul?

Massimo Bottura: Oui, nous voulons l’implanter dans le monde entier, partout où les gens sont dans le besoin. L’objectif est de distribuer la nourriture différemment et correctement, surtout de la partager. Un tiers de notre nourriture est gaspillée, nous devons combattre ce fléau!

ZEITMagazine en ligne: Comment allez-vous faire?

Massimo Bottura: En faisant comme nos grands-mères ou les Franciscains. Ils ne jetaient rien ! Ils réutilisaient même les miettes de pain… Cela ne tourne pas seulement autour des besoins de ceux qui sont dans le besoin, mais avec l’intention de faire apparaitre de nouvelles habitudes de consommation.

ZEITMagazine en ligne: Vous aimez les nouvelles traditions. En Italie, vous avez longtemps été traité de traître. Les critiques gastronomiques vous accusent de vouloir empoisonner la cuisine italienne traditionnelle avec vos plats. Vous aviez presque du fermer l’Osteria Francescana et vous  êtes maintenant au sommet de la liste du 50 Best restaurants.

Massimo Bottura: Je suis obsédé par la qualité et vous l’obtenez seulement quand vous allez en profondeur. Qui flotte à la surface, ne verra jamais le gros poisson ! J’étais à la surface et j’attendais, j’ai mûri lentement et je suis toujours allé au fond des choses. Je n’y serais jamais arrivé seul, c’est grâce à ceux qui m’accompagnent, qui sont autour de moi que nous l’avons fait. Nous avons rêvé d’être un jour le meilleur restaurant du Monde.

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ZEITMagazine en ligne: Ce rêve est maintenant devenu réalité. Allez-vous maintenant ouvrir un deuxième restaurant à New York?

Massimo Bottura: Non, je refuse tout simplement des offres partout dans le monde. L’Osteria Francescana est né en Italie et c’est ici qu’on va mourir. Douze tables à la Via Stella 22 à Modène, voici ce qu’est mon restaurant.

ZEITMagazine en ligne: Le meilleur cuisinier du monde restera donc en province?

Massimo Bottura: La province peut vous écraser de son poids, mais elle peut aussi vous aider à garder les pieds sur terre. Elle vous permet de rester debout, elle vous oblige à voyager, à recueillir des impressions et puis elle vous reconduit vers l’essentiel.

ZEITMagazine en ligne: Pourquoi se déplacement est-il si important?

Massimo Bottura: Les voyages m’inspirent. Aussi, j’aime l’art, la musique, ma moto.

ZEITMagazine en ligne: Comment apportez-vous ces influences sur votre assiette?

Massimo Bottura: Toute personne venant chez moi, à la maison, puis à l’Osteria, notera que les deux ambiances sont semblables. Les couleurs, les formes, l’art, l’accent sont mis sur la région. Ce n’est pas un hasard, mais une expression de ce que nous sommes. Nous cuisinons de la même manière. Les clients du monde entier le ressentiront immédiatement.

ZEITMagazine en ligne: Est-ce que c’est ça le secret?

Massimo Bottura: Ce que nous faisons ici a quelque chose à voir avec nos passions ! Avec le grondement de l’échappement d’une moto, avec la mélodie de la chanson de Billie Holiday, avec la rapidité de Damien Hirst pendant une séance de speed painting, avec la provocation de Maurizio Catalan,… Nous essayons d’apporter ces émotions aux palais des invités au coup par coup.

ZEITMagazine en ligne: Est-ce pour cela que vous choisissez des noms aussi poétiques pour vos plats? «Une pomme de terre espère devenir une truffe» ou «Souvenirs d’un sandwich à la mortadelle »

Massimo Bottura: Le nom doit encourager à comprendre le plat. Un conseil sur ce que nous souhaitons exprimer. Mon dessert « Oops! J’ai laissé tomber. « La tarte au citron » est devenue célèbre car elle capture la poésie du quotidien.

ZEITMagazine en ligne: Votre sous-chef Takahiko Kondo a, il y a quelques années, laissé tomber un gâteau au citron au moment de le servir. Il a tout de même été servi et maintenant, le dessert est connu dans le monde entier ! D’où prenez-vous ce courage ?

Massimo Bottura: Ce n’est pas du courage, mais de la fantaisie. Si vous n’avez pas de fantaisie, vous n’imaginerez jamais que de sortir un dessert cassé puisse devenir une icône de la cuisine internationale à un moment donné. Chaque jour doit laisser s’exprimer la poésie.

ZEITMagazine en ligne: On dit que c’est votre femme Lara Gilmore qui vous a poussé à réaliser ces écarts.

Massimo Bottura: Oui, ma femme c’est de la poésie à l’état pur, j’en suis fou.

ZEITMagazine en ligne: Que faites-vous pour rester sain d’esprit dans la cuisine?

Massimo Bottura: Je ne me force pas et je suis mes passions. Toute la journée. J’écoute de la musique, je regarder de l’art, je fais de la moto et je cuisine. Tout cela tient dans la nature de la passion et que nous la suivons, à cent pour cent. Elle doit faire partie notre l’ADN , autrement ce n’est pas possible.

ZEITMagazine en ligne:  Quel est l’objectif de votre cuisine?

Massimo Bottura: Je veux faire ressortir les souvenirs de chaque personne. N’est-ce pas quelque chose d’exceptionnel quand un adulte peut reconnaître les goûts de son enfance ?

ZEITMagazine en ligne: Que pensez-vous des tortellinis de votre grand-mère?

Massimo Bottura: Oui, ces souvenirs sont les plus beaux. Pour moi, l’Osteria Francescana non pas un restaurant, il fait plus partie d’un grand atelier dont le principal ingrédient est la culture. Parce que la culture génère des connaissances et que cette connaissance ouvre la conscience des gens. Alors seulement nous sommes en mesure d’assumer la responsabilité. Nous le faisons dans le Osteria chaque jour.

ZEITMagazine en ligne: Que recherchez-vous quand un jeune chef postule chez vous?

Massimo Bottura: Il doit beaucoup avoir voyagé, être curieux. Il doit tout vouloir savoir, ce qu’est une marinade péruvienne, comment lever un filet de poisson à la Japonaise, comment préparer une sauce comme en France ou  comment amener une viande à maturité comme au Royaume-Uni. Il doit aussi vouloir savoir comment un chef de l’Emilia-Romagna pétrit une pâte à pâtes par exemple. Il apprendra tout cela et devrait alors m’oublier dans la cuisine. Dès le moment où l’on oublie tout, on peut créer quelque chose de nouveau !

ZEITMagazine en ligne: Quelles nouveautés pouvons-nous attendre de vous?

Massimo Bottura: Même moi je ne sais pas encore, mais quelque chose va venir. Je dirai que rien n’est prévu mais que je garde toujours une porte ouverte.

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