Londres : Harrods innove en nommant un chef exécutif – on a rencontré Andy Cook : « la partie food représente l’âme de Harrods »
À Londres, le grand magasin Harrods s’est adjoint les services d’un chef exécutif. Dans l’histoire de cette institution, c’est une première. L’heureux élu de cette nouvelle inflexion culinaire, Andy Cook, n’est autre que l’ancien chef exécutif du Savoy Grill (le restaurant de Gordon Ramsay dans le prestigieux hôtel éponyme). À la tête des cuisines de Harrods depuis presque deux ans, Andy Cook aura donc assisté à la mue rénovatrice des food courts du grand magasin, engagée tambours battants depuis deux ans. La dernière à avoir été reliftée, l’anciennement Meat & Fish Hall désormais baptisée Dining Hall, offre aux clients de passage un joli mix de restaurants, parmi lesquels un Pasta Bar avec ses pâtes faites sur place, un Fish Bar, un Grill, un Sushi Bar emmené par Eddie Lim du groupe Mango Tree, un bar à vin, et un restaurant indien (Kama by Vineet) signé du chef étoilé Vineet Bhatia. Le tout prend vie dans une atmosphère enlevée, tourbillonnante et péchue, qui donne le la à ces cuisines du monde. Celles-ci sont préparées sur place, par une cohorte de chefs travaillant en ‘salle’ (ou devrais-je dire, en court), ou bien dans les sous-sols du grand-magasin, dont les entrailles renferment de vastes cuisines souterraines. Quant à nous, nous avons rencontré le nouveau chef exécutif de Harrods, au Dining Hall récemment rouvert ; un échange à retrouver ci-dessous.
F&S : Dans la mesure où ce poste n’avait encore jamais existé en tant que tel à Harrods, appréhendiez-vous vos débuts comme chef exécutif de ce grand magasin iconique ?
Andy Cook : Comme beaucoup de monde, je me demandais ce que ça voudrait dire que d’être le chef exécutif de Harrods. Auparavant, j’ai dirigé des restaurants étoilés et des tables de palaces ; mais là, diriger les cuisines de Harrods, c’était nouveau. Ce qui m’a tout de suite intéressé dans ce poste, c’est la dimension historique des lieux ; Harrods existe depuis si longtemps, que tout le monde le connaît. C’est vraiment une institution.
F&S : Au total, combien de points culinaires Harrods compte-t-il ?
A.C. : Vingt-et-un. Cela comprend les restaurants, les food courts, la partie traiteur. Pour ma part, je supervise tous les restaurants et traiteurs, les produits servis dans le Fresh Hall, et les cuisines de production au sous-sol. Il n’y a que la partie pâtisserie que je ne supervise pas.
F&S : Côté sourcing produits, comment approvisionnez-vous de tels volumes ?
A.C. : On travaille avec des gens très expérimentés. Notre sourcing produits est une combinaison de mes expériences en tant que chef, et de ce que les producteurs nous conseillent. On a la chance de pouvoir sourcer des produits de grande qualité ; de fait, on dispose à Harrods de très beaux ingrédients.
F&S : Quelle est l’identité culinaire de Harrods ?
A.C. : Le lieu étant imprégné d’histoire, on voulait avant tout lui rendre justice. Regardez par exemple le plafond du Dining Hall, qui est si richement décoré ; avec un tel cadre, la moitié du job est assuré ! (Rires). On voulait donc une identité culinaire qui s’inscrive bien dans ce cadre, et qui soit par ailleurs axée sur le meilleur de la saisonnalité. À ce titre, nous faisons le plus possible des menus de saison. Notre but ultime étant de prendre soin de nos habitués, de bien répondre à leurs attentes ; et bien sûr, à celles des nombreux touristes qui viennent chez Harrods.
F&S : Vous étiez déjà présent lors des rénovations d’une partie des food courts l’année dernière et l’année précédente.
A.C. : Oui ; ces fermetures partielles m’ont permis de repenser l’offre culinaire. Ce fut d’ailleurs particulièrement sympathique que de pouvoir être impliqué dans un tel processus : rencontrer les fournisseurs, penser les nombreux concepts food du magasin, etc. D’autant qu’à Londres, la scène culinaire est l’une des plus vibrantes au monde. Du coup, nous avons profité des rénovations pour repartir à zéro, repenser et améliorer l’offre. Le Pasta Bar, par exemple, est totalement nouveau, et dispose d’un sourcing local particulièrement poussé. Par exemple, notre burrata est faite sur place.
F&S : En ce moment, les food courts ont le vent en poupe (à Londres surtout, mais ailleurs aussi). Avec ses larges salles dévolues à la food, où se croisent restaurants, comptoirs bistronomiques, épiceries multiples et espaces traiteur, Harrods veut-il ainsi coller à l’époque ?
A.C. : On a toujours eu ces food courts. En fait, Harrods a été le pionnier des food courts.
F&S : Combien de personnes travaillent en cuisine ?
A.C. : Nous avons 160 chefs, et 250 personnes en ‘front of house’ (le personnel, NDLR). Et c’est sans parler de nos concessionnaires-partenaires. De ce point de vue, Harrods est clairement le plus grand centre de chefs en Europe ! Il n’y a guère qu’à Las Vegas qu’on peut voir quelque chose d’équivalent.
F&S : Le Brexit approchant risque-t-il d’impacter le secteur de la restauration du point de vue staffing ?
A.C. : Depuis 22 ans que je travaille dans la restauration, je n’ai jamais connu un seul moment où l’on n’a pas rencontré de problème de staffing. L’industrie de la restauration survivra à tout ça. On cherche toujours du personnel, de toute façon ; car notre métier dépend avant tout du facteur humain. L’important, c’est de s’occuper de ses équipes.
F&S : La scène culinaire londonienne est particulièrement compétitive ; comment Harrods se démarque-t-il culinairement parlant ?
A.C. : Il n’y a qu’un seul Harrods… Vous savez, Harrods est la troisième attraction de Londres. Je n’imagine pas, d’ailleurs, de meilleur endroit pour un jeune chef ; on peut y expérimenter un très large nombre de départements culinaires différents (le pain, la pâtisserie, etc). Quant à définir ce qui nous différencie des autres, je dirais que c’est le fait qu’on produit beaucoup sur place. De plus, on est flexibles, et on sert une offre culinaire complète, répartie sur 7 étages, qui comprend de nombreux restaurants, le service du tea time, la partie traiteur, la boulangerie, la partie épicerie fine, un marché de primeurs, la rôtisserie, la poissonnerie, etc. On propose aussi aux clients un environnement à l’atmosphère non cérémoniale, propre à passer un bon moment.
F&S : La partie food semble prépondérante chez Harrods ; qu’en pensez-vous ?
A.C. : C’est le département le plus important du magasin. Cela correspond à l’ADN de Harrods, qui était originellement une épicerie. Bien sûr, la partie culinaire du grand magasin est aussi un business, mais c’est bien plus que cela ; je dirais que la partie food représente l’âme de Harrods. Pour s’en convaincre, il suffit de regarder la géographie du magasin : la food y a toujours été centrale, puisqu’elle est située au rez-de-chaussée, où elle occupe plusieurs salles.
F&S : Un dernier mot sur votre arrivée à Harrods ?
A.C. : Travailler ici, pour moi c’est un rêve devenu réalité.
Par Anastasia Chelini
Photos: courtesy of Harrods – vues du Dining Hall