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Thierry Marx :  » Le low cost est une escroquerie monumentale du xxe siècle. Il fait baisser les critères de qualité de l’artisanat et de l’agriculture « 

11 septembre 2018  1  Non classé
 

signature-food-and-sens Le chef Thierry Marx s’exprime ce jour sur le quotidien économique La Tribune, le chef a depuis longtemps un discours rassembleur, il a fondamentalement l’envie de voir évoluer le mode de l’entreprise et qu’une chance soit donné au plus grand nombre pour s’épanouir dans son travail et réussir professionnellement.

C’est avec beaucoup de sincérité qu’il mène de nombreux combats, notamment le retour à l’emploie de personnes trop souvent laissés au bord de la route, ses écoles Cuisine Mode d’emploi (s), sont un exemple de démarche positive qui sait être à l’écoute des problèmes de notre société.

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À lire ci-dessous :

Parrain de la deuxième édition de The Village, Thierry Marx est un cuisinier-entrepreneur engagé et étoilé. L’enfant de Ménilmontant, champion de judo, doté d’un CAP pâtissier-chocolatier, ancien Compagnon du devoir, dévoile ses recettes pour réussir sa vie et contribuer à changer le monde.

LA TRIBUNE – Chef étoilé et entrepreneur engagé, vous n’avez jamais caché vos combats contre la malbouffe et les injustices sociales. Est-ce une affaire de santé publique et de bien commun ?

THIERRY MARX – Dans les actions qui sont les miennes dans le domaine de l’alimentation, je me demande toujours : quel est leur impact social et environnemental ? C’est ce qui m’anime au quotidien. Quand je crée une boulangerie par exemple, je crée une entreprise, de fait je dois générer des revenus, mais en aucun cas je ne dois avoir à rougir de ces activités et je dois être capable de mesurer leur impact sur nos sociétés. Pour moi, aujourd’hui, une entreprise est sociale où elle n’est pas. Je constate par ailleurs que rassembler les individus autour d’un projet relève d’une vision clanique des choses : on rejoint un clan pour participer à un projet ; c’est, à ce jour, ce qui me semble le plus important.

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thierry marx gastronomie

Justement, quelles pourraient être les solutions 
pour que le monde de demain soit plus juste, responsable et durable ?

Aujourd’hui, si l’on veut changer le monde, il faut s’atteler à deux gros chantiers : la formation professionnelle dans les quartiers – nous venons d’en parler longuement – ; et l’agriculture de demain. La question c’est : quelle gastronomie pour 2050 ? Car la gastronomie est une planète extrêmement vaste : il y a l’impact social, l’approche agricole et la nécessité de redéfinir l’approche commerciale des choses. Quand on s’interroge sur la gastronomie de 2050, on s’interroge sur la santé de 2050. Soit on continue d’aller dans le mur, car, aujourd’hui, on a arrêté le moteur du bateau qui, par inertie, continue d’avancer, soit on a suffisamment de propulsion arrière pour ralentir et redéfinir les cartes pour faire autrement. Il est urgent d’arrêter les remembrements à outrance ; les sols sont en train de s’appauvrir.

Regardez le sol de la Beauce en 1954 et regardez-le aujourd’hui : c’est simple, il est mort ! Sans Bayer et Monsanto, il n’y a pas de blé. Il faut être clair sur ce sujet. Je collabore avec la FNSEA (Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles) sur d’autres manières de travailler avec les jeunes agriculteurs, car l’agriculture repensée crée de l’emploi. C’est ce que l’on peut voir sur les bassins de New York ou de Los Angeles, sur lesquels l’agriculture organique recrée de l’emploi alors que l’agriculture de masse en perd. Je milite également beaucoup sur le bien manger, et, sur ce point, les États généraux de l’alimentation sont une bonne chose. Mais il faut que la France ait une échelle de valeur pour mesurer les produits. Qu’est-ce qu’un bon produit ? Quel est son impact social, environnemental ? Comment le quintal de blé est payé à son juste prix à l’agriculteur ? Comment l’artisan va revendre ? Car, comme le dit Warren Buffett – qui n’est pourtant pas le plus grand philanthrope que je connaisse -, le prix n’est pas une valeur, la valeur est ailleurs.

C’est-à-dire ?

Une baguette à 1,20 euro, ça a du sens. Une baguette à 80 centimes d’euro, ça n’en a pas. Le low cost est une escroquerie monumentale du xxe siècle. Il fait baisser les critères de qualité de l’artisanat et de l’agriculture. Résultat ? Les produits sont mauvais ! Et le pire c’est qu’une baguette pas chère, on la paie trois fois : une fois à la caisse, une fois chez son médecin et une fois aux impôts, pour payer les engrais chimiques qui se trouvent dans nos terres et les pourrissent. C’est tout de même terrifiant. Alors qu’une baguette à 1,20 euro cela a un sens agricole, social et protecteur pour la santé. Le lien entre gastronomie et santé est une évidence. Avec le chercheur et professeur Raphaël Haumont, nous avons créé en 2012 le Centre français d’innovation culinaire à l’université Paris Sud, puis la chaire Cuisine du futur portée par la Fondation Paris Sud et l’université Paris Saclay. C’est la seule chaire universitaire reconnue sur l’alimentation. Nous avons été les premiers à travailler sur le sucre ajouté.

Pourquoi on ajoute autant de saccharose dans les produits ? Ce qui est formidable, c’est de travailler avec un scientifique qui, au lieu de rejoindre un grand groupe, a choisi de nous aider à produire de façon industrielle mais avec une rigueur artisanale. C’est ce que j’appelle le cerveau collectif. Et je suis intimement convaincu que le xxie siècle a besoin de cerveaux collectifs. La question est de savoir comment faire entrer la finance dans ces cerveaux ? Car inventer quelque chose pour que cela reste dans le fond du jardin… cela n’a aucun sens.

Et puis, il est temps d’arrêter de chercher et de désigner des coupables à tout prix. Le plus important, maintenant, c’est de chercher des solutions. C’est ce que nous nous efforçons de faire au quotidien. Et c’est pour cela que nous avons progressé. Nous n’avons jamais attaqué ou accusé de grands groupes industriels. Au contraire, le but est de pouvoir travailler ensemble à partir du moment où l’argent est consacré à construire l’agriculture de demain. Si on ne fait pas cela, pourquoi et comment voulez-vous que cela s’arrête ? Emmanuel Faber [PDG de Danone, ndlr] le formule bien : « Les marques hégémoniques, c’est fini. »

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N’est-ce pas un peu utopique ?

Ce n’est pas être utopique que de militer pour que la planète mange mieux et moins. C’est être responsable. En mettant à disposition des compétences qui se complètent les unes aux autres, en mutualisant nos forces, on crée un mouvement. J’en reviens aux Compagnons du devoir, qui, pour s’émanciper de la monarchie, ont créé un cerveau collectif. Il est vital de donner à chacun la possibilité de ne pas être dans la frustration. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle je mise sur la formation professionnelle. C’est un levier extrêmement fort pour une société meilleure. Dans les écoles que nous avons créées, voilà ce que l’on dit :

« Vous ne savez pas apprendre pour faire, eh bien vous allez faire pour apprendre », c’est la même mécanique.

En fait, la formation devrait être permanente, surtout à considérer tous ces nouveaux métiers qui n’existent pas encore. Plutôt que d’avoir un livret A, ne pourrait-on pas imaginer un système qui nous permette de cotiser pour la formation professionnelle ? Mettre de côté de l’argent qui soit rémunéré pour que l’on puisse investir sur la formation ? Il faut dire les faits tels qu’ils sont : dans mon métier, aujourd’hui, je ne trouve pas de personnels de service, de cuisiniers, de pâtissiers. La faute aux formations trop longues, pas très bien rémunérées et à une évolution peu rapide. C’est la même situation dans le BTP. Sans la filière de l’immigration, on ne pourrait pas recruter. Alors c’est vrai, ce sont des métiers difficiles, mais il ne s’agit pas de montrer que cela. Bien au contraire, nous montrons les possibilités entrepreneuriales.

Grâce à Cuisine mode d’emploi (s), certains stagiaires se sont installés à moins de 30 ans. De plus en plus de jeunes qui ont fait nos formations reviennent nous voir pour nous demander de l’aide sur la gestion et l’économie d’une entreprise. Ils ont besoin d’une formation et envie d’aller vite. Voilà une autre solution que nous sommes en train de mettre en oeuvre : nous sommes en train de réfléchir à des restaurants d’application qui nous permettraient de donner les clés d’un établissement à une personne qui y resterait pendant quatre mois pour apprendre les règles sociales et économiques d’une entreprise. Finalement, la formation professionnelle, c’est l’une des clés pour entreprendre sa vie.

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