Le championnat du lièvre à la royale vu par Thomas Boullault – « La transmission d’un savoir-faire unique au travers d’un plat qui inspire les chefs du monde entier ! »

12 octobre 2024  0  Food&Sens Broadcast MADE BY F&S Non classé
 

signature-food-and-sensLe championnat du lièvre à la royale vu par Thomas Boullault – « La transmission d’un savoir-faire unique au travers d’un plat qui inspire les chefs du monde entier ! »

Depuis sept ans, Thomas Boullault orchestre le championnat du monde de lièvre à la royale, une compétition qui célèbre l’un des mets les plus emblématiques de la cuisine française. Initié en 2016, cet événement rassemble des chefs venus de France et d’ailleurs pour mettre à l’honneur une recette exigeante et complexe, qui remonte aux grandes tables de Louis XIV. Au-delà de la simple performance culinaire, ce concours, organisé dans le cadre des Journées Gastronomiques de Sologne, vise à préserver et transmettre un savoir-faire unique, tout en ouvrant la tradition à une créativité contrôlée. Dans cet entretien, réalisée par Guillaume ERBLANG revient sur les motivations qui l’ont poussé Thomas Boullault à lancer ce championnat, l’évolution de cet événement devenu international, et ses ambitions pour l’avenir de cette célébration du lièvre à la royale. Voici les questions que nous lui avons posé :

  1. Quelle a été votre motivation initiale pour créer ce championnat en 2016, et comment a-t-il évolué depuis sa première édition ?

« Quand j’ai lancé le championnat du monde de lièvre à la royale, c’était avant tout pour redynamiser les concours gastronomiques en Sologne » explique Thomas Boullault. En 2016, il répond à l’appel de Philippe Charbonnier, une figure de la gastronomie locale, qui souhaitait donner un nouveau souffle aux compétitions culinaires de la région. Inspiré par le succès d’événements comme le concours du pâté en croûte et originaire de Romorantin-Lanthenay, Thomas Boullault décide de créer un championnat dédié au lièvre à la royale, un plat complexe et emblématique de la cuisine française.

La première édition, modeste avec un budget de 5 000 euros, connaît un succès immédiat. « On avait peu de moyens, mais un véritable engouement pour cette recette qui est à la fois technique et patrimoniale ». Cette base solide permet de poser les fondations d’un événement qui gagnera chaque année en prestige. Depuis ses débuts, le championnat a pris une ampleur considérable. Le budget a explosé, atteignant aujourd’hui près de 80 000 euros attirant désormais des chefs du monde entier. « Nous avons depuis cette année même une sélection au Japon et au Canada, et les meilleurs candidats vont venir en finale ici, en Sologne ». Ce rayonnement international témoigne de l’intérêt croissant pour la cuisine française, et en particulier pour ce plat de gibier à l’histoire royale.

  1. Comment décririez-vous l’importance du lièvre à la royale dans le patrimoine culinaire français ? Pourquoi ce plat en particulier mérite-t-il un championnat mondial ?

« Le lièvre à la royale, c’est un plat qui a traversé les siècles, un monument de la cuisine française » affirme Thomas Boullault. L’origine remonte aux grandes tables de la cour de Louis XIV, où le roi, malgré ses problèmes de dentition, appréciait les plats de gibier mijotés, puis cette recette a évolué pour devenir un symbole de raffinement. Thomas Boullault explique que des chefs comme Antonin Carême ont contribué à la sublimer au XIXe siècle, en la revisitant pour en faire une préparation sophistiquée et exigeante, emblématique de la haute cuisine française.

Par ailleurs ce plat mérite un championnat du monde car il incarne un véritable savoir-faire, devenu rare au fil des années. « Avant le concours, le lièvre à la royale était un plat que l’on retrouvait surtout dans quelques grandes maisons, et même là, il devenait de plus en plus rare ». Le championnat a permis de redonner une visibilité à cette recette technique et de la faire revivre dans les cuisines contemporaines.

« Aujourd’hui, ce plat retrouve une seconde vie » et le concours a relancé l’intérêt des chefs pour ce défi culinaire tout en redonnant aux amateurs la possibilité de savourer un patrimoine culinaire unique. Le championnat mondial du lièvre à la royale célèbre bien plus qu’une recette : il honore une tradition, une maîtrise et un art de la cuisine à la française !

  1. Cette année, quels sont les critères principaux sur lesquels le jury évaluera les candidats ? Comment maintenez-vous un équilibre entre tradition et créativité dans ce concours ?

Les critères du championnat sont rigoureux et précis « Le jury évalue avant tout le goût, la qualité de la sauce, la texture et le travail de la chair du lièvre, ainsi que la garniture qui accompagne le plat ». Le lièvre à la royale étant une recette d’une grande exigence, chaque détail compte. La sauce, par exemple, doit être d’une texture parfaite et être liée dans les règles de l’art, sans grumeaux ni excès de chaleur.

La créativité des candidats est encouragée, mais avec des limites strictes pour préserver l’authenticité du plat. « La tradition prime toujours dans le concours : le lièvre à la royale doit rester fidèle à ses bases ». L’innovation est donc possible, mais elle se concentre sur la garniture, qui offre un espace de liberté aux chefs. Thomas Boullault se souvient de certaines tentatives audacieuses « Ces choix ont divisé les jurés ; certains ont trouvé la prise de risque intéressante, d’autres ont estimé que cela n’apportait pas le bon équilibre »

Cet équilibre entre tradition et créativité est essentiel au championnat. « Le lièvre à la royale est un plat d’histoire, mais il laisse une place à l’interprétation subtile des chefs, tant qu’elle respecte l’esprit du plat ».

  1. La préparation du lièvre à la royale est complexe et demande une grande technique. Selon vous, quelles qualités un chef doit-il posséder pour exceller dans cette épreuve ?

Exceller dans la préparation du lièvre à la royale demande des qualités spécifiques et une grande maîtrise des techniques de cuisine. « Tout commence par le choix de l’animal » précise-t-il. Le lièvre doit être bien chassé, bien tué, car la qualité de la chair dépend du moindre détail. Une blessure mal placée ou un impact trop fort peut affecter la texture et le goût de la viande, des points cruciaux dans l’évaluation du plat.

Outre le choix de l’animal, le chef doit savoir travailler la viande avec précision et patience. « Un bon cuisinier doit maîtriser les jus, les cuissons longues, et l’équilibre des saveurs ». La préparation de la farce, la cuisson des morceaux, la réduction des sauces : chaque étape requiert doigté et technique. Il ne s’agit pas seulement de suivre une recette, mais de comprendre chaque ingrédient et son rôle dans la recette.

« Le lièvre à la royale est une épreuve de rigueur et de passion » ajoute Thomas Boullault. Un chef qui réussit dans cette compétition doit être capable de marier tradition et précision, en apportant à chaque élément du plat une attention particulière.

  1. Cette 7e édition a lieu dans le cadre des Journées Gastronomiques de Sologne. Qu’apporte cette association à l’événement, et en quoi le cadre de Romorantin-Lanthenay le valorise-t-il ?

« Romorantin-Lanthenay est le berceau de la Sologne et incarne une tradition culinaire profondément ancrée dans le terroir » explique Thomas Boullault. Ce cadre unique, empreint de culture et de savoir-faire locaux, donne une résonance particulière à l’événement.

L’association avec les Journées Gastronomiques permet d’ancrer le championnat dans une région où la cuisine de chasse est une véritable institution. « Ces journées mettent en valeur le patrimoine culinaire de la Sologne et attirent un public de passionnés et de connaisseurs, ce qui apporte une visibilité et un prestige supplémentaire au championnat ». Pour les chefs comme pour le public, cet ancrage régional renforce l’authenticité de la compétition.

  1. Le jury de cette année est composé de grands noms de la gastronomie. Comment leur expertise influence-t-elle le niveau de l’événement, et en quoi leur présence inspire-t-elle les participants ?

Le jury de cette année, composé de figures majeures de la gastronomie, apporte au championnat un niveau d’exigence exceptionnel, souligne Thomas Boullault. « Ces chefs sont des experts en cuisine de gibier et en haute gastronomie française. Leur présence donne une crédibilité supplémentaire au concours et rehausse le niveau d’évaluation ». Ce jury expérimenté apporte non seulement une rigueur professionnelle mais aussi une vision experte de la tradition et de l’innovation dans un plat aussi exigeant que le lièvre à la royale.

Pour les candidats, se présenter devant un tel jury est à la fois un défi et une source de motivation. « Ces grands noms de la cuisine inspirent les chefs qui participent. Ils viennent pour se mesurer à l’élite et cherchent à prouver leur maîtrise devant des personnalités qu’ils respectent profondément » La présence de ces jurés crée une émulation saine qui pousse les participants à se dépasser et à atteindre l’excellence attendue dans ce championnat.

  1. Vous avez mentionné les variantes Antonin Carême et Sénateur Couteaux. Pouvez-vous nous en dire plus ?

Les variantes du lièvre à la royale, notamment celles inspirées par Antonin Carême et le Sénateur Couteaux, apportent chacune une interprétation unique à cette recette patrimoniale, explique Thomas Boullault. Chaque version témoigne de la richesse de la tradition culinaire française. « Ces variantes permettent aux chefs d’explorer des nuances et de s’approprier des éléments qui font partie de l’histoire de la cuisine » La version d’Antonin Carême, par exemple, introduit une préparation et des garnitures plus élaborées, tandis que celle du Sénateur Couteaux se concentre sur une approche plus rustique, respectant les saveurs brutes du gibier. « Ces différentes approches montrent bien que le lièvre à la royale n’est pas une recette figée mais un véritable terrain d’expression culinaire, où chaque chef peut puiser dans l’histoire pour offrir sa propre interprétation »

  1. Au-delà de la compétition, le championnat est aussi un moment de partage culinaire. Comment cet aspect se manifeste-t-il pour les chefs participants et pour le public ?

Au-delà de l’aspect compétitif, le championnat du monde de lièvre à la royale est avant tout un moment de partage. « Ce concours réunit des chefs passionnés qui viennent avec leurs méthodes et leur savoir-faire ». Chaque participant apporte son interprétation du plat, échange sur ses techniques et découvre celles de ses pairs, créant un véritable espace de dialogue culinaire. Cet esprit de camaraderie et de transmission enrichit l’événement en donnant aux chefs l’occasion de se perfectionner mutuellement.

Pour le public, cette dimension de partage est également centrale. « Les spectateurs ne sont pas seulement là pour observer, ils découvrent les coulisses d’un plat exigeant et complexe. Ils peuvent voir de près le savoir-faire des chefs et comprendre les subtilités de la préparation du lièvre à la royale » Cette proximité avec les chefs et leurs gestes précis offre une expérience unique, où le public se sent impliqué dans l’univers de la haute gastronomie.

« Ce moment de partage, aussi bien entre chefs qu’avec le public, est l’essence même du championnat » C’est cette convivialité autour d’une passion commune qui rend l’événement si particulier et qui fait du lièvre à la royale plus qu’un simple plat : un véritable symbole de la transmission culinaire.

  1. De nombreux chefs viennent du monde entier pour participer. En quoi cet engouement international reflète-t-il la portée de la cuisine française, et en particulier celle de la Sologne ?

L’engouement international pour le championnat du monde de lièvre à la royale illustre le rayonnement de la cuisine française, observe Thomas Boullault. « Voir des chefs de pays aussi divers que le Japon, le Canada ou l’Espagne venir en Sologne pour se mesurer à cette recette traditionnelle est un signe fort de l’influence de notre patrimoine culinaire ». La cuisine française, en particulier celle axée sur le gibier et le terroir, continue de fasciner au-delà de nos frontières et de susciter l’admiration des chefs du monde entier.

La Sologne incarne parfaitement cet attrait. « La région est un lieu emblématique pour la cuisine de chasse, avec des produits locaux d’une grande richesse et une tradition culinaire ancrée dans la culture du terroir ». Ce cadre unique, où le gibier occupe une place de choix, offre aux chefs étrangers une immersion totale dans une gastronomie de tradition et d’authenticité.

« Cet engouement témoigne de l’universalité de la cuisine française, et le fait que la Sologne en soit le point de rencontre renforce encore davantage le prestige de cette région » conclut Thomas Boullault. En attirant des talents internationaux, le championnat met en lumière la portée globale de nos recettes et le respect qu’elles inspirent partout dans le monde.

  1. Après sept ans de succès, quels sont vos objectifs futurs pour le championnat ? Avez-vous des projets pour renforcer encore son rayonnement ou sa structure dans les années à venir ?

Après sept ans de succès, Thomas Boullault envisage un avenir ambitieux pour le championnat du monde de lièvre à la royale. « Mon objectif est de structurer davantage le concours pour en faire un rendez-vous encore plus prestigieux ». L’une des prochaines étapes pourrait être la mise en place d’une sélection nationale en France, avant une grande finale mondiale. « Je rêve d’organiser cette finale dans un lieu emblématique, comme le château de Chambord, pour donner à l’événement une portée encore plus forte » ajoute-t-il.

Pour Thomas Boullault, renforcer la structure du championnat permettra aussi de gérer l’engouement croissant autour de la compétition. « Chaque année, nous recevons de plus en plus de candidatures, non seulement de France mais aussi de l’étranger. Il devient nécessaire d’organiser les sélections en amont pour offrir une expérience de qualité aux chefs comme au public » explique-t-il. En instituant ces étapes préliminaires, Boullault souhaite préserver l’exigence et l’exclusivité qui font la réputation de ce concours.

Enfin, Thomas Boullault espère faire du championnat un véritable vecteur de transmission du patrimoine culinaire français. « Ce concours ne se limite pas à un simple affrontement ; il est une célébration du savoir-faire et de la tradition, que j’aimerais voir perdurer et rayonner à l’international ». Avec ces ambitions, le championnat du monde de lièvre à la royale s’affirme comme un événement incontournable, à la fois pour les chefs et pour tous les amoureux de la gastronomie française.

Propos recueillis et retranscrits par Guillaume Erblang pour Food&Sens

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