L’excellence gastronomique n’a plus de frontières : le manifeste du chef Yannick Alléno

17 février 2025  0  Food&Sens Broadcast MADE BY F&S
 

signature-food-and-sens Lors du Sirha Food Forum, Yannick Alléno, chef multi-étoilé et visionnaire, a partagé son regard sur l’évolution de la gastronomie, l’importance de la transmission et la nécessité d’un management moderne en cuisine. Avec une approche à la fois technique et profondément humaine, il défend une gastronomie exigeante mais accessible, où l’excellence ne se limite plus aux grandes tables étoilées. Retour sur un échange riche en enseignements.

L’excellence sans frontières : briser les barrières en cuisine

Pour Yannick Alléno, l’excellence gastronomique ne doit plus être cantonnée aux restaurants étoilés. Il plaide pour une approche où la qualité peut s’exprimer dans tous les types d’établissements, de la haute gastronomie aux concepts plus accessibles. « On doit arrêter de cloisonner la cuisine. L’excellence, ce n’est pas un décor ou un standing, c’est un engagement quotidien. »

Cette vision s’incarne dans son propre parcours, où il conjugue des expériences variées, du restaurant étoilé au comptoir gastronomique, du bistrot aux projets internationaux. Il évoque notamment son travail sur les sauces, élément central de la cuisine française qu’il a réinterprété avec une approche plus contemporaine et allégée. « Les sauces, c’est l’ADN de notre gastronomie. Mais il faut les adapter à notre époque, à notre manière de manger aujourd’hui. »

Ce décloisonnement passe aussi par une ouverture aux influences extérieures. « La France a toujours été traversée par les cultures du monde. Notre gastronomie doit rester ouverte, curieuse, prête à se réinventer. » Cette capacité d’adaptation est, selon lui, un facteur clé pour rester pertinent et durable dans un monde où les attentes des clients évoluent constamment.

Il évoque aussi la diversité des formats de restaurants qui permettent aujourd’hui d’exprimer cette excellence autrement qu’à travers un menu classique. Que ce soit par un comptoir gastronomique, un bistrot revisité, ou un concept hybride entre street food et fine dining, chaque type d’établissement peut proposer une expérience d’exception si la vision du chef y est clairement affirmée.

Repenser le management en cuisine : un modèle plus humain et participatif

Loin des méthodes autoritaires d’autrefois, Yannick Alléno défend un management basé sur l’écoute, la flexibilité et l’implication des équipes. Il évoque la mise en place du planning participatif dans ses restaurants, une révolution dans un milieu historiquement rigide sur les horaires. « On ne peut plus imposer des plannings fixes sans discussion. Nos équipes ont une vie, des obligations. Il faut adapter l’organisation en tenant compte de ça. »

Cette philosophie se retrouve également dans sa manière de faire évoluer ses collaborateurs. Au sein de ses restaurants, les équipes peuvent changer d’établissement, découvrir d’autres cuisines, développer de nouvelles compétences. « Nous avons cassé les frontières internes. Un cuisinier peut venir travailler aux trois étoiles une semaine, puis aller en salle, ou dans un autre établissement du groupe. Ça enrichit tout le monde. »

Il insiste également sur l’importance du bien-être au travail, intégrant une psychologue dans ses équipes pour accompagner les jeunes générations. « Le monde est anxiogène, le métier est exigeant. Il faut offrir aux équipes des espaces de parole et de réflexion. » Pour lui, un cuisinier heureux et écouté est un cuisinier plus créatif et plus performant.

Enfin, il souligne que ce management participatif ne signifie pas l’abandon de l’exigence, bien au contraire. « L’excellence n’est possible que si les équipes sont impliquées, responsabilisées et motivées. » Selon lui, un cuisinier qui comprend les enjeux de chaque plat et participe aux décisions sera plus investi dans son travail, garantissant une constance dans l’exigence de qualité.

La transmission comme moteur : l’avenir du métier se construit aujourd’hui

Au fil de sa carrière, Yannick Alléno a formé des dizaines de chefs qui ont, à leur tour, décroché des étoiles. Il voit cette transmission non comme un devoir, mais comme l’essence même du métier de cuisinier. « On ne garde pas la connaissance pour soi. La gastronomie avance parce qu’on partage ce qu’on sait, sans filtre. »

Il met un point d’honneur à accompagner les jeunes talents, non seulement dans la technique mais aussi dans leur vision du métier. Il rappelle que la nouvelle génération arrive plus mature, plus informée et plus consciente des enjeux actuels, notamment en matière de durabilité et d’innovation. « Ces jeunes ont déjà le goût du monde. Ils ont voyagé, ils connaissent les produits, ils veulent du sens. C’est à nous de leur donner les outils pour exprimer leur vision. »

Son engagement dans l’enseignement et la formation s’incarne aussi à travers des projets concrets, comme l’ouverture d’un restaurant-école à Lyon, en partenariat avec l’Institut Life. Ce lieu sera un laboratoire d’apprentissage et d’expérimentation, permettant à de jeunes cuisiniers d’évoluer en conditions réelles. « Nous devons donner aux futurs chefs les moyens de comprendre leur métier dans toutes ses dimensions : technique, humaine, entrepreneuriale. »

Enfin, il insiste sur l’importance de créer des ponts entre les générations, où les jeunes chefs ne sont pas seulement des exécutants, mais des acteurs du renouveau gastronomique. Il prône une formation où l’échange est au centre, permettant d’allier tradition et modernité, avec un regard tourné vers l’avenir.

Une gastronomie en mouvement, entre exigence et ouverture

Yannick Alléno ne se contente pas d’accumuler les distinctions. Il cherche à faire bouger les lignes, à moderniser l’organisation des cuisines et à démocratiser l’excellence. Pour lui, la gastronomie n’est pas un sanctuaire figé mais un territoire en perpétuelle évolution, où le savoir-faire doit être sans cesse transmis, adapté et enrichi.

Dans un monde où les attentes des clients changent rapidement, il prouve qu’on peut réinventer la haute cuisine sans la trahir. Et si on lui demande ce qui l’anime encore aujourd’hui, sa réponse est limpide : « J’ai encore tant de choses à apprendre et à transmettre. »

Guillaume Erblang

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