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Omnivore Fucking Dinners, la suite : A Mere et Botanique

15 mars 2017  0  À la petite cuillère
 

signature-food-and-sensVoici la suite, à la petite cuillère bien entendu, du compte rendu des Fucking Dinners d’Omnivore, série de quatre dîners à quatre mains dont j’ai eu le plaisir de vous relater le début vendredi dernier. Comme j’ai assisté à trois dîners sur quatre, vous trouverez ici le reste de la trilogie.

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La cuisine d’A Mere. Alberto et Mauricio, derrière la verrière, se concertent.

FUCKING DINNER #2 – A MERE : MAURICIO ZILLO REÇOIT ALBERTO LANDGRAF

Autrement dit Mauricio, chef brésilien d’A Mere,  accueille Alberto, autre chef brésilien qui s’apprête à s’installer à Rio de Janeiro après avoir quitté son restaurant Epice, doté d’une étoile Michelin à São Paulo.

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Sous-chef (à gauche) et chef (à droite) d’A Mere arborent le t-shirt conçu par Alex Atala.

J’arrive en avance, ce qui me donne l’occasion d’échanger quelques mots avec le chef invité avant de m’installer sur un tabouret au comptoir en attendant le début du service.

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Premier plat d’Alberto : bar de ligne cru en lamelles, haricots « manteiga » (cornilles), huile d’olive des Pouilles, sur un lit de crème de noix du Brésil fraîche (castanha do Para).

A Mere m’apparaît comme une entreprise remarquablement humble. On y est accueilli de façon charmante et avec une grande simplicité. On ne fait pas de chichi ni de coquetterie, on se concentre sur la cuisine : assiettes mouvantes et émouvantes. Bien que les styles respectifs des deux chefs soient différents — Alberto plus doux, Mauricio plus rock’n’roll —, on peut parler de « cuisine naturaliste » pour les deux : assiettes fines et élaborées, mais qui savent rester simples, proches de la terre, de la famille, du plaisir.

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Mauricio : lieu jaune vapeur (cuisson superbe), foie gras, jus de kokotxas, chou de Pontoise sauté, lard de Colonnata.


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Maurizio entouré de son sous-chef et d’une aide de cuisine venue de Ferrandi.

Mauricio Zillo s’est bien baladé avant d’ouvrir son lieu rue de l’Échiquier : origine São Paulo, débuts en France chez Bocuse et au Meurice, Santi Santamaria à Dubai, quelque temps en Italie, et retour aux sources, au Brésil, avec Alex Atala (dont il a distribué les t-shirts à toute l’équipe). Sa cuisine est à la fois rigoureuse et relaxée ; on dirait qu’il n’a absorbé les bases classiques que pour mieux étendre sa palette dans toutes les directions, acquérir en maîtrise et gagner en souplesse. Ses assiettes donnent une savoureuse impression de détente, de liberté, d’insouciance.

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Alberto Landgraf.

Alberto Landgraf ne joue pas sur un registre très différent, mais il ouvre un peu plus la fenêtre sur les ingrédients et les plats traditionnels brésiliens, qu’il transcende avec raffinement et douceur sans s’éloigner des saveurs d’origine : son interprétation du pirão, spécialité africano-brésilienne à base de semoule de manioc mélangée à la sauce d’un plat, suffit à illustrer cette qualité.

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Le pirão d’Alberto, merveille de cuisine élégante et rustique.

La sauce, garnie de purée de noix de cajou au vinaigre, enrobe des foies et des cœurs de volaille, le tout reposant sur un cuzcuz de maïs, polenta granuleuse très consommée dans l’État de Minas Gerais, dont Alberto est originaire. Plat étonnant, cannibale, équilibré et excessif par la cuisson ultra-saignante des abats, portant en lui des générations de cuisine populaire.

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Risotto à la crème d’avocat (Mauricio Zillo).

Mauricio joue aussi le canaille et le terrien, tout en affirmant davantage des couleurs — Alberto aime les tons rompus, les nuances de la nature. S’il y a souvent sur l’assiette de Mauricio un ingrédient insolite, ce n’est pas intentionnel. Pour lui, c’est une question d’équilibre et d’organisation des produits de chaque jour ; ce qu’il aime ajouter, c’est une petite touche d’amertume (dans la logique de l’enseigne). Son risotto à la crème d’avocat, travers de porc frit croustillant et pamplemousse rose m’a impressionnée par sa hardiesse, son confort et son intensité. Pour ceux qui me feraient remarquer qu’il y a du kale sur cette assiette, je répondrai que ce n’est pas exactement du kale, c’est du couve, chou-feuille portugais apprécié au Brésil, et que grillé ainsi, c’est délicieux.

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Dessert de Mauricio : bavarois à la vanille du Cerrado (une vanille géante de la taille d’une banane), lait fermenté, sorbet au miel d’abeilles melipona (un miel liquide qui fermente spontanément), feuilletage à la Bocuse et tanaisie.


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Dessert d’Alberto : tapioca au lait de coco, rapadura, coulis d’açai au sirop d’érable, kiwi frais.

A Mere – 49, rue de l’Échiquier, Paris Xe. Tél. 01 48 00 08 28. Métro Bonne-Nouvelle. Ouvert du lundi au vendredi de midi à 14 heures et de 19 h 30 à 22 h 30. Menu bibstro à 36€, del gastro (dégustation) à 65€. Menu déjeuner à 28€.

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Le pâté de douze kilos.

FUCKING DINNER #3 – BOTANIQUE ET LE FUCKING PÂTÉ DE YOHAN LASTRE

Le troisième Fucking Dinner auquel j’ai pris part a été de loin le plus freestyle de tous. Botanique, pour l’occasion, s’était mis en mode buffet, même si la charmante salle du premier étage a fini par se remplir de dîneurs épris d’un peu de tranquillité, car en bas c’était « la foire », selon les termes du chef. Oui, la foire au pâté !

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Yohan Lastre et Sugio Yamaguchi.

En effet, les gentils et classieux Sugio Yamaguchi (aux fourneaux) et Alexandre Philippe (au tire-bouchon) avaient invité le cuisinier et expert en pâtés en croûte Yohan Lastre débiter son Fucking pâté de douze kilos pour les fucking dîneurs ravis.

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Ils étaient accueillis par un cochon en rillettes, œuvre sculpturale de Yohan Lastre, et par une tête de vache en beurre modelée par l’épouse de celui-ci.

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« Merci, Sugio, mais tu m’as donné plus de croûte que de pâté ! — C’est normal, répond Sugio, c’est le meilleur. » Il a raison.

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La commande était un peu compliquée, car il fallait payer à chaque petit plat commandé. On avait intérêt à grouper les fringales. Néanmoins, ayant commencé par une tranche de pâté et piquant dans les rillettes de mon voisin, j’ai vite eu envie de goûter à des choses plus cuisinées.

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Sugio avait justement prévu une étonnante fricassée de crêtes et rognons de coq, écrevisses et quenelles de volaille (incontestablement le point fort de la soirée, avec la bière La Mandubienne qu’Alexandre gardait derrière les fagots). Il n’y a que chez Sugio, ou au fin fond des provinces, que l’on peut encore trouver ce genre de plat, et il n’est pas certain que ce sera la province reculée qui y excellera le mieux.

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Sugio n’allait pas s’arrêter en si bon chemin. Cet amoureux de la cuisine classique française avait prévu des éperlans frits façon Édouard Nignon. J’ignorais cette présentation en brochettes plantées dans un cylindre de pâte à sel. Adorant les éperlans, j’en ai commandé deux fois, mais il est à regretter que les petits poissons aient été frits à l’avance et manquassent de croustillant.

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Château-climens 1996 chez Pierre Sang Boyer.

Alors que nous finissions de grignoter nos éperlans, la salle se remplit d’un seul coup, la tablée qui prit place derrière nous se mit à faire autant de boucan qu’une horde d’éléphants saouls, et nous battîmes en retraite, mon compagnon de table pour fumer un cigare sur le trottoir, moi pour aller dire bonjour à Pierre Sang Boyer qui n’est qu’à deux pas, et boire deux grands sauternes : un château-climens 1996 céleste et un admirable vieux château-guiraud plein de sève et de fruit confit. J’ai bien fait de passer.

Botanique – 71, rue de la Folie-Méricourt, Paris Xie. Tél. 01 47 00 27 80. Métro Oberkampf, Parmentier. Ouvert du mardi au samedi de 12 h 15 à 14 h 30 et de 19 h 30 à 22 h 30. Carte tapas (déjeuner et dîner) au rez de chaussée, formule déjeuner 20 et 25€ du mardi au vendredi. Menu dégustation six services le soir : 65€.

À la Petite Cuillère
Textes et photos : Sophie Brissaud

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