Da Vittorio

Da Vittorio (Bergame) : crudi, paccheri, piacere

23 mars 2018  0  À la petite cuillère
 

signature-food-and-sensMon compagnon de table, le photographe, observe : « Les trois-macs (entendez « trois macarons Michelin »), c’est toujours bien à l’étranger. » En France, on connaît trop la musique : qu’il s’agisse de grand orchestre symphonique ou de musique sérielle sur deux notes, il faut bien dire que ceux où l’on passe un bon moment sans prétention, où l’on se tape vraiment la cloche sans arrière-pensée, sont devenus rares. La France est de plus en plus victime de l’image qu’elle a d’elle-même, et je ne vois pas, à ce stade, comment les choses pourraient s’arranger. Mais dès qu’on passe les Alpes (en ce qui nous concerne, c’était sur les jantes, à 2 heures du matin, en sortant du tunnel du Mont-Blanc), la musique change. La mélodie s’élève, enfle, les violons prennent leur essor, mais tout est souple, aisé, détendu. On est là pour le plaisir. On mange bien (et beaucoup). On ne se prend pas le chou. Le luxe a du goût et ne s’encombre pas de poudres chimiques. C’est tellement bon, l’Italie, qu’elle ait trois, deux, un macaron ou pas de macaron du tout. L’autre soir, nous étions à Da Vittorio — oui, trois macs, Relais & Châteaux —, à Brusaporto, près de Bergame, et c’était juste bon. « Juste » pas au sens de « tout juste », non, juste au sens d’« exactement, parfaitement ».

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Enrico et Roberto Cerea (photo prise sur le site de Da Vittorio).

La salle est grande, les tables bien espacées. L’éclairage vespéral, tamisé, révèle les trouées de lumière de la cuisine comme des tableaux animés de blanc, d’or et de bleu. Style classique confortable, on s’installe « comme chez soi », telle est l’intention des chefs, les frères Enrico et Roberto Cerea.

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Une petite précision pour les photos : celles qui ont été prises avec mon Olympus (et non les photos carrées prises avec Hipstamatic) sont bruitées et pas très belles. Nous avions visité pas mal de caves les jours précédents et j’avais réglé mon boîtier sur une très haute sensibilité. Et comme, après les visites de caves, on avait pas mal dégusté, j’avais oublié de rétablir les réglages en bas ISO que j’emploie habituellement. C’est mal, je ne recommencerai plus.

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Nous commençons par un verre de franciacorta Ca’ del Bosco 2003 zéro dosage . Le franciacorta, grande spécialité du domaine Ca’ del Bosco, est un vin de la région bergamasque à base de chardonnay vinifié en méthode champenoise sur de magnifiques terroirs de graves. Une très belle découverte, à la fois sèche et ronde, vive et joliment évoluée, qui pourrait faire rougir pas mal de champagnes et dont on ne tardera pas à entendre parler en France.

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Comme nous sommes à table en compagnie de Gabriele, le sommelier du George, de belles bouteilles sont extraites de la cave : ce spectaculaire riesling de Moselle Scharzhofberger Kabinett 2015 d’Egon Müller est incroyablement puissant et finement charpenté, tout en pétrole, cassis, abricot sec et herbes aromatiques fraîches, la bouche en pleine harmonie avec le nez.

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Quoi de meilleur pour accompagner ces crudi de poisson qui inaugurent le repas ? Chaque plat, organisé autour de la langoustine, du bar ou du thon, est une pièce charmante et créative, fondée sur la référence d’un cocktail ou d’une préparation. Ici, un bellini de scampi, délicate émulsion de tomate et de vin effervescent nappant une concassée de langoustine crue.

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Shabu shabu de scampi : pas grand-chose à voir avec la fondue japonaise, on s’en fiche, c’est délicieux : langoustines parsemées de fines billes de granité au citron vert et de fines lanières de menthe. Le frais, le croquant, l’onctueux glissant de la langoustine crue.

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Les crudi vont crescendo : millefeuille de thon, pain croustillant, artichauts et réduction de réglisse. Plat fin et intelligent, construit sur le croquant, le fondant et la note longue et profonde de la réglisse concentrée.

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Le crudo surprise, le plus érotique et le plus spectaculaire de la série : tout est dans le titre. Spaghetti de ventrèche de thon, sauce bagna cauda. Il faut mélanger les filaments de thon avec la sauce et la poudre de pistache, et c’est un enchantement. Un des meilleurs plats de l’année.

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Trois-macs ou pas, en Italie, on mange des pâtes. Enrico vient mélanger à table ses célèbres paccheri alla Vittorio.

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C’est une affaire de quelques secondes, dans un sautoir de cuivre chauffé où le fromage tombé en pluie s’amalgame rapidement.

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Une saveur de tomate vive et raffinée, un parfait équilibre entre le fruité, l’acidulé et le sucré, une fusion parfaite du fromage et de la sauce.

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Un sommet de la pasta. Je ne peux pas vous assurer que je n’ai pas pioché dans le plat avec ma cuillère après avoir fini mon assiette.

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L’Italie, c’est ça aussi : on s’est déjà gavé de crudi et de pasta, mais il faut maintenant passer aux plats. Ceux-ci seront accompagnés d’un pinot noir pinéro 1998 de Ca’Del Bosco, frais, fleuri (rose rouge), légère amertume, très bourgogne.

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Mon fritto misto (grillage de pomme de terre, crevettes, gamberi rossi, langoustine, friture, petits calmars, poivrons, pommes) était une profusion baroque. Impossible d’en donner une photo complète, c’était gigantesque.

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Mes voisins de table ont eux aussi donné dans le gigantisme : ceci s’appelle une oreille d’éléphant. C’est de la côtelette de veau à la milanaise poussée à une dimension surréaliste. Il y en a pour quatre, il y en aurait facilement pour huit.

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On est, bien sûr, conscient ici de donner beaucoup à manger. C’est pourquoi on met la pédale douce sur les dolcezze, les desserts. J’apprécie. Le panettone est tranché à table.

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Et c’est un panettone de compétition, bien entendu, moelleux, goût de levain, de beurre et de légèreté. Se mange sans faim, obligatoirement, de toute façon on n’a plus faim.

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Petit tour à la cave, où il y a du Sassicaia comme s’il en pleuvait et où poussent des arbres à barolo.

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Une petite chartreuse jaune sur tout ça, et on est (presque) prêt à repartir. Mais je ne suis pas sûre qu’on puisse remanger avant trois jours.

Grand merci à Ca’ Del Bosco, à Simone Zanoni et aux chefs de Da Vittorio.

Da Vittorio – Via Cantalupa 17, I-24060 Brusaporto (Lombardie). Tél. : +39 035 68 10 24. Fermé le mercredi midi et du 7 au 27 août. Également un hôtel. Déjeuner d’affaires servi uniquement le midi sauf les jours fériés, 4 services, 80 €. Menu tradition de Vittorio, à base de poissons et crustacés selon les arrivages : 190 €. Menu carte blanche, 280 €. À la carte, environ 200 €.

À la petite cuillère
Textes et photos : Sophie Brissaud

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