Un dîner en Lorraine dans la nuit japonaise – Le chef Charles Coulombeau installe son restaurant YOZORA à Metz

20 avril 2024  0  F&S LIVE
 
signature-food-and-sens

Vous ne rêvez pas, ou peut-être que si. C’est le sentiment que Charles Coulombeau veut vous faire ressentir à YOZORA, un des deux restaurants qu’il établit dans le Centre Pompidou-Metz, dans la ville de Lorraine. L’ouverture est prévue pour le 5 juin 2024, et avant de vous reposez dans cette idylle asiatique, laissez nous vous conter l’histoire de ce chef et de sa nouvelle création.

Le chef Charles Coulombeau / Photo : CP de YOZORA

Il était une fois, un jeune garçon se blessant la main au basket. Un accident bien tombé, qui va diriger Charles Coulombeau vers le parcours de la restauration gastronomique. Maladroit sur le terrain, il excelle vite en cuisine et même s’il ne pouvait plus tirer à trois points, les restaurants 3 étoiles, eux, l’accueillent rapidement. Lui et sa compagne travaillent notamment pour la Maison Guérard à Eugénie-les-Bains, et pour la Maison Lameloise à Chagny. Ils s’installent finalement au restaurant La Maison dans le Parc à Nancy, établissement dont ils deviennent les propriétaires.

Ce restaurant est la confirmation du talent de ce duo. Le chef Coulombeau y reçoit le prix Tremplin du magazine Le Chef en 2021, symbolisant le futur prometteur que lui et ses équipes représentent. En 2022 c’est l’ensemble de l’établissement qui est mis à l’honneur par deux organisations reconnues. Le guide Michelin lui décerne une première étoile ainsi que Prix de l’accueil et du service en salle, tandis que la dotation Gault & Millau le récompense d’une notation de 15,5/20 et 3 toques.Dans ce restaurant, le mariage franco-nippon des assiettes est déjà adoré de tous et il inspire le chef Coulombeau dans son nouveau projet, YOZORA.

Photo : CP de YOZORA

C’est en partenariat avec le Centre Pompidou-Metz qu’il imagine cette salle plus intimiste, nommée « nuit étoilée » en japonais. Ouvert uniquement en soirée, du mercredi au dimanche, cet établissement est une approche plus poussée des expériences asiatiques du chef Coulombeau. Un projet personnel, qui ne sera jamais mieux décrit que par le chef lui-même. Heureux hasard – ou plutôt malignes manigances de la rédaction – Food & Sens a pu s’entretenir avec lui pour en apprendre plus sur ses inspirations et son nouveau cocon japonais.

F&S : Vous ouvrez un restaurant dans un centre artistique majeur, le centre Pompidou-Metz, quel rapprochement peut on faire entre l’art et votre cuisine ?

CC : « Vous savez, je ne me suis jamais qualifié d’artiste. J’ai toujours eu une approche et une mesure très humbles vis-à-vis de ce que je fais au quotidien, mais ce qui est extrêmement inspirant, c’est le lieu. C’est un centre d’art majeur mais qui est aussi, d’un point de vue architectural, unique et très inspirant. On est dans l’épicentre de la création et d’un mouvement artistique majeur. La chance que l’on, c’est que le Centre Pompidou Paris va fermer pour quelques années, donc ça laisse aussi beaucoup de place au partage des collections diverses entre les deux centres. C’est extrêmement intéressant et ça va créer une attractivité certaine envers le musée. On espère en bénéficier au lancement des deux restaurants; il y a YOZORA, mais également un autre sur lequel on va communiquer d’ici deux semaines)< A VOIR. La matière, les textures ont pour moi toujours eu une résonance particulière, c’est ce qui me stimule, me motive. Être entouré de bois, de toutes ces structures un peu uniques, ces œuvres d’art, c’est extrêmement inspirant, et j’espère que l’écho se fera naturellement au travers de ma cuisine.« 

Description : Centre Pompidou Metz 2010 Copyright : © Shigeru Ban Architects Europe et Jean de Gastines Architectes, avec Philip Gumuchdjian pour la conception du projet lauréat du concours / Metz Métropole / Centre Pompidou-Metz / Photo Philippe Gisselbrecht –

F & S : Vous parlez des inspirations que vous donne ce lieu, ces textures et matières qui peuvent vous aider dans votre cuisine. Y’a-t-il cependant d’autres inspirations diverses, plus éloignées du lieu, qui vous ont aidé lors de la création de votre projet ?

CC : « Il y a forcément le Japon, avec lequel j’ai un lien particulier. J’ai eu la chance d’y travailler il y a quelques années, ce qui m’a beaucoup influencé dans mon approche de la cuisine au quotidien. C’est des sensibilités sur la manière de faire et la technique, que ce soit sur le management, ou la manière de cuire. Depuis, je cuis un peu moins les légumes, j’ai cet intérêt pour l’umami forcément qui s’est développé. J’ai également eu la chance de voyager en Asie récemment dans d’autres pays, notamment en Thaïlande. J’ai donc maintenant un intérêt pour les piments et les saveurs un peu plus marquées dans ce sens, qu’on néglige dans la cuisine française, par notre culture. Ce n’est pas du dédain, simplement un manque de références culturelles; en France, on a pas de référentiel végétarien ou épicé dans nos palais. C’est ces saveurs là que j’essaye d’apprivoiser. Pour l’ambiance, je voulais vraiment un écrin, car dans la salle il y a cette « bulle en verre« , et c’est là qu’on a vraiment imaginé un lieu pour YOZORA. YOZORA veut dire le ciel nocturne, donc le fait qu’on ai une porte vitrée, il y a ce côté nocturne, le sol est aussi particulier, le fait que ce soit une verrière… Il y a plein de choses qui ont donné naissance dans mon imaginaire à quelque chose chose d’assez intime, tourné vers le ciel, vers la voûte céleste même »

F & S : Comment pourriez vous décrire avec vos mots la rencontre entre la cuisine japonaise et les produits locaux français que vous proposez dans votre restaurant?

CC : On parle aujourd’hui d’éco-sensibilité, d’éco-résponsabilité, mais mon parcours fait que moi j’ai toujours baigné là-dedans, ça fait partie de mon ADN de cuisinier. J’ai pas eu de déclic, j’ai pas commencé un jour à devenir « locavore », qui est un terme que je trouve affreux. J’ai toujours été sensible à mon écosystème, mes grands parents étaient à la campagne pure et dure; on allait traire les vaches l’après-midi, j’ai grandi dans la campagne et j’ai toujours eu cette sensibilité au terroir. Dans toutes les maisons que j’ai fait, on n’a jamais travaillé différemment, donc pour moi, il n’y a pas d’autres évidences qu’utiliser les produits locaux et même produits de saison. D’ailleurs pour moi on ne devrait même pas dire produits de saison, s’il n’est pas de saison on devrait juste ne pas l’utiliser. Il ne devrait même pas être disponible en fait. Ce que je veux, c’est utiliser les produits du terroir lorrain. Également ceux du terroir français d’exception, lorsqu’on ne trouve pas ce qu’il faut sous nos pieds, car malgré tout on est en Lorraine, il y a pas la mer, pas la montagne, et les clients ont quand même des référentiels de goût qu’ils aiment retrouver par confort. Notre but c’est de faire plaisir, mais on veut leur faire plaisir avec responsabilité. Si on sert un beau poisson de mer, il faut qu’il soit sourcé intelligemment, donc si on fait un turbot, on veut un turbot pêché à la ligne, sur les côtes françaises, pas un poisson espagnol ou autre. Ce qu’on va utiliser, c’est les techniques, la sensibilité, le calme japonais. Tout cela est retranscrit au travers de produits du terroir. »

Photo : CP de YOZORA

F & S – Dans votre premier restaurant La Maison dans le Parc à Nancy, on peut déjà voir cette alliance franco-japonaise sur le menu. En quoi YOZORA sera-t-il une évolution ?

CC : « Ça va être une évolution et une avancée très inspirante, qui va tirer La Maison dans le Parc vers le haut. Chez YOZORA on ressert un peu le curseur; on fera moins de couverts, il y en aura une vingtaine contre 45 à 50 à La Maison dans le Parc. Ça va être un menu omakaze, donc un menu unique en version courte et longue. On va pouvoir aller encore plus loin dans la précision, sans mettre en opposition les deux restaurants, car on fait du très bon travail à La Maison dans le Parc. Mais proposer ce type de menu ça va nous permettre d’aller encore plus loin.« 

F & S : Avec cette baisse dans le nombre de couverts, vous proposez une ambiance intimiste. De quelle manière cette dernière va influencer votre rapport à la cuisine et l’expérience client ?

CC : « On a construit un cadre que l’on espère intime, où on a remis les arts de la table au centre de l’expérience. On a notamment fait faire des chariots de découpe sur mesure, de la vaisselle sur mesure, avec une céramiste locale, on a fait faire de la vaisselle au Japon avec des céramistes qu’on a sourcés. C’est pas du vent, on a une vraie histoire, un vrai storytelling, et quand on a créé un écrin comme ça, on a la responsabilité d’avoir une cuisine qui soit à la hauteur. L’expérience produite par les cuisiniers doit être à la hauteur de ce qu’on imagine en salle, ça va donc forcément se fondre l’un dans l’autre. On devrait avoir une expérience singulière et intime, quelque chose de calme. Sur le rythme, ça ne sera pas du « gavage d’oie », ça sera réfléchi, avec une vraie cadence, des éléments qui vont couper le menu pour le rafraîchir. L’expérience devrait être moderne, contemporaine et appréciable.« 

F & S : Pour vous, quels sont les avantages d’un menu de type omakase ?

CC : « L’avantage, c’est que quand on a 25 couverts, on sait qu’on va faire 25 fois le même menu. Ça permet d’être extrêmement précis, avec des portions, un calibrage et un rythme précis. Dans cette répétition-là et ce rythme, une forme d’excellence et de discipline va se dessiner d’elle même, et ça c’est au bénéfice du client, et ça aide à la régularité de la qualité de l’expérience. Ça permet aussi de valoriser les petits élevages, ou les arrivages extra-frais; si le poissonnier appelle en disant : « J’ai un thon de 10kg, est-ce que ça t’intéresse ? » Oui je le prends, et avec je fais 2 ou 3 services. »

Photo : CP de YOZORA

F & S : On en arrive à notre dernière question. YOZORA est le premier restaurant que vous créez de toutes pièces, un projet qui semble très prometteur et qui nous pousse à une interrogation, quelle est la suite ?

CC : « Pour l’instant, c’est de proposer une offre pérenne, et de qualité. Je le dois au Centre Pompidou-Metz, qui a accepté de me suivre dans ce projet un peu fou, on a cette responsabilité vis-à-vis d’eux. La suite, c’est de continuer à développer ce restaurant-là. Moi j’ai toujours un œil tourné vers l’Asie, mon rêve c’est d’ouvrir une table là-bas, mais la question n’est pas là pour l’instant, il faut s’occuper de ces deux restaurants ( YOZORA et La Maison dans le Parc ). J’ai deux chefs adjoints qui font du très bon travail, l’un sera en charge de Nancy et l’autre de Metz. Ils me connaissent très bien, ils ont grandi au même rythme que l’entreprise, ce qui n’est pas toujours le cas. On a vraiment une équipe incroyable, tout le monde nous suit, et l’avenir, les prochaines années, c’est la Lorraine, c’est se concentrer là-dessus.« 

F&S : Très bien, merci beaucoup ! Et bonne chance pour l’ouverture !

CC : Merci à vous ! Bonne journée.

Photo : compte Instagram de YOZORA

Site Internet de YOZORA

Site Internet de la Maison dans le Parc

FACEBOOK TWITTER
VOTRE CLASSEMENT
  • Je suis fan (100%)
  • Mmmm interessant (0%)
  • Amusant décalé (0%)
  • Inquiétant (0%)

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *