Alex Dilling : l’ancien chef exécutif d’Hélène Darroze at The Connaught ouvre sa première table à Londres. On y est allé.

06 novembre 2022  0  F&S LIVE
 
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Par Anastasia Chelini 

C’est en plein coeur de Piccadilly que ce gastronomique d’inspiration française vient d’ouvrir. Nous sommes allés voir.  

Depuis quelques semaines, un nouveau gastronomique a fait son entrée dans la capitale anglaise. Situé au sein du luxueux Hotel Café Royal, le Alex Dilling at Hotel Café Royal dote Piccadilly d’une table à fort potentiel ; et participe à faire rayonner outre-Manche la gastronomie hexagonale. Aux commandes de ce nouveau lieu, figure Alex Dilling, l’ancien chef de cuisine d’Hélène Darroze au Connaught. Désormais chef-patron, l’Américano-britannique s’y connaît en établissements étoilés ; ayant notamment décroché deux étoiles au Greenhouse, un restaurant londonien réputé , fermé depuis, dont il était le chef. Aujourd’hui, c’est avec Victoria Shepperd, entrepreneuse et restauratrice, qu’il s’est associé, pour lancer ce qui est sa première table. Dans l’assiette, une partition d’inspiration française classique se déploie, souvent très technique, toujours bien exécutée ; le tout a été remanié avec un twist moderne. La salle, élégante et feutrée, n’est pas exempt d’une certaine décontraction, perceptible dans l’atmosphère générale. De même, si le service est impeccable, il n’est pas guindé pour autant. Et pour cause : le chef souhaite dépoussiérer, s’il le fallait, l’image des gastronomiques français – parfois perçus comme inutilement empesés. Nous avons échangé avec lui. 

Le chef-patron Alex Dilling

F&S : Bonjour Alex ; parlez-nous de vos liens avec la gastronomie française ? 

Alex Dilling : Depuis que j’ai commencé à faire ce métier, la cuisine française a toujours été ma passion. Originellement, c’était les bistrots français, les brasseries, les pâtés qui m’attiraient. Ensuite, quand j’ai eu 20 ans, je suis parti travailler pour Alain Ducasse à Adour, à New-York ; c’est là que j’ai attrapé le virus de la gastronomie. Après presque cinq ans chez Ducasse, puis un passage à Caviar House à New-York, j’ai ensuite rejoint Hélène Darroze at The Connaught, pour continuer à cuisiner français. Pendant les deux dernières années passées auprès d’elle, j’étais devenu le chef de deux de ses restaurants : celui du Connaught à Londres, et du Marsan à Paris. Je vivais entre les deux villes. 

F&S : Quels enseignements avez-vous conservés de ces chefs ? 

A.D. : La chose la plus importante que j’ai appris d’Hélène Darroze et d’Alain Ducasse, c’est l’attention au sourcing des produits. Aujourd’hui encore, d’ailleurs, une grande partie des produits que j’utilise sont français (environ 60% d’entre eux). L’autre élément que je retiens d’eux, c’est la discipline, la rigueur d’une cuisine française. Pour ces deux chefs, leur philosophie de travail consiste à dire que certes, on prépare à manger aux gens, mais que c’est une chose vraiment sérieuse. Il s’agit d’un artisanat, qui doit être pris très au sérieux. Et de fait, nous les chefs, nous nous entraînons toute notre vie pour performer au mieux cet artisanat. 

La façade de l’Hotel Café Royal, un établissement du groupe Set Collection (qui comprend aussi le Lutetia)

F&S : D’où viennent les produits français que vous utilisez ? 

A.D. : De toute la France. Les tomates, par exemple, viennent de Provence ; les truffes, du Périgord ; le fromage vient d’un peu partout, du Jura notamment, une belle région que j’ai découverte grâce à mon chef de cuisine Pierre Minotti, qui en est originaire. À propos de Pierre, il est avec moi depuis 8 ans ; lui aussi a travaillé pour Alain Ducasse, au Dorchester. Il était mon sous-chef au Connaught, puis mon chef de cuisine au The Greenhouse. D’ailleurs, c’était très important pour moi de faire cette ouverture avec quelqu’un qui me connaît vraiment bien, et qui sait ce que j’ai en tête et ce que j’attends. 

F&S : Quel est votre objectif avec ce restaurant ? 

A.D. : J’ai voulu créer un gastronomique qui parle aux clients modernes, aux gens de notre âge (trentenaires / quarantenaires, NDLR). Avec cette nouvelle table, j’aimerais briser un cliché, selon lequel les gastronomiques français seraient coincés, formels. J’espère que ce restaurant contribuera à briser ce stigma. Ici, l’atmosphère est certes chic, mais relax. Je souhaite que les gens passent un bon moment ; qu’ils ne se sentent ni nerveux, ni mal à l’aise. Il y a de la musique, par exemple. 

F&S : Parlez-nous de la cuisine de cette nouvelle table ; comment la décririez-vous ?  

A.D. : Il s’agit d’une réinterprétation de références classiques françaises, avec un twist de modernité. Voyez par exemple le plat « Pâté de campagne et son boudin noir, jambon et foie gras » du menu dégustation ; la version que je propose est une version modernisée, plus technique et plus légère. On sert le pâté avec son petit pot de moutarde, des cornichons marinés et du pain ; c’est convivial, tout en convenant à une approche gastronomique. D’autres plats sont beaucoup plus traditionnels ou sophistiqués ; comme la caille des Vosges servie dans une vessie de porc, et découpée en salle sur un chariot ; ou encore, le pigeon farci à la truffe. 

La salle du restaurant Alex Dilling at Hotel Café Royal. Photo Justin De Souza

F&S : Depuis le Brexit, beaucoup de restaurants se retrouvent en sous-effectifs. Est-ce votre cas aussi ? 

Victoria Sheppard : En effet, pour le personnel de salle, nous sommes en sous-effectif – et en recherche permanente. Après le Covid, les travailleurs européens sont rentrés chez eux ; et depuis le Brexit, ils n’ont pas pu revenir en Angleterre, faute de visa de travail. Pour la partie taxes sur les importations, celles-ci ont augmenté en ce qui concerne les arts de la table. Tout ce qui est vaisselle, couverts en argent, verres en cristal, nous les avons fait venir de France ; et avons dû payer presque 20% de taxes dessus. Il y avait également des gros délais dans la livraison. 

Le majestueux lobby de l’Hotel Café Royal

F&S : Vous qui avez travaillé aussi bien à Londres qu’à Paris, quelles différences observez-vous entre ces deux scènes culinaires ? 

A.D. : Les deux sont incroyables. Paris est bien sûr la scène de la gastronomie. Londres, à mon sens, se situe juste derrière. Elle dispose actuellement d’une formidable scène culinaire ; les gens viennent du monde entier pour y dîner. L’autre point fort de Londres, c’est la variété de son offre ; celle-ci va de la street food, à la cuisine Michelin, en passant bien sûr par la gamme intermédiaire, le tout démontrant une vraie qualité. Entre Paris et Londres en tout cas, c’est difficile de trancher ; j’aime les deux ! (Rires). 

Ci-dessus, le Caviar Kaluga, huître, crème fumée et gingembre
Ci-dessus, l’excellent dessert ‘Hazelnut from Jura’, à la vanille et au brandy Sabayon – photo Lisa Tse

Les photos de plats : Lisa Tse

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