Un jour, un livre « Le Château », l’histoire orale du Châteaubriand

04 décembre 2024  0  Non classé
 

signature-food-and-sensNon, nous n’allons pas parler de l’auteur de l’ouvrage « Les Mémoires d’outre-tombe » mais nous allons parcourir le livre contant l’histoire d’un restaurant iconique, Le Châteaubriand. Un livre mémoire pour un établissement qui le vaut bien.

AUTEURS – François Chevalier, journaliste à Télérama et Stéphane Peaucelle-Laurens – éditeur Entorse Editions – ont interrogé pendant 3 ans, des dizaines, que dis-je plus d’une centaine de témoins pour raconter, faire résonner les mots et réveiller les images, récolter les souvenirs émouvants, marrants, délirants de tous ces acteurs de la vie du Château, Le Châteaubriand. Qu’ils se soient attablés, qu’ils aient travaillé, ils font tous partie de l’histoire. Ils forment une joyeuse et atypique bande d’épicuriens qui aiment bien manger et boire, faire la fête et partager.

LE LIVRE – 440 pages & quelques centaines de grammes d’histoire d’un lieu – un authentique lieu de vie – d’un chef, de clients pour un livre qui se prend pour un exemplaire de la Pléiade, il en adopte les codes, le fourreau, la tranche, mais jette de l’humour avec une couverture accueillant un dessin qui prête à sourire et affiche en quatrième de couv, les notes et les paroles d’une chanson que tout les clients entonnaient à vive voix avec le personnel, « Bienvenue au Châteaubriand ». 7 chapitres, il n’en fallait pas moins pour raconter l’histoire du restaurant et recueillir les souvenirs et anecdotes d’une centaine de personnalités qui ont poussé la porte, se sont attablées, ont cuisiné, bu et mangé au 129 de l’avenue Parmentier dans le XIX arrondissement de Paris –

LE SUJET LE CHÂTEAU, une histoire orale du CHÂTEAUBRIAND, le restaurant d’Inaki Aizpitarte . Il était une fois un restaurant, au numéro 129 de l’avenue Parmentier. Il a vu défiler des paellas et des couscous avant de voir débarquer une Anglaise qui en a fait une bistrot traditionnel. L’adresse va connaitre ses premiers gloires en 2006 quand Inaki Aizpitarte et Fred Peneau reprennent le bistrot. et depuis s’écrit une histoire rocambolesque

I – inaki – A tout seigneur, tout honneur, le premier chapitre de l’oeuvre complète du Château est consacré au Basque né… à Besançon. Inaki Aizpitarte, né en 1972, est le chef du restaurant mythique à Paris Le Chateaubriand. Il passait ses vacances à Hendaye où il se remplissait d’odeurs de bouffe portugaise, espagnole. Tous ses souvenirs d’enfance sont liés à la cuisine, à une recette. Inaki n’aime pas l’école mais le skate, la musique punk, et n’a absolument pas envie d’e faire une école hôtelière, choix proposé à un gamin dont on ne sait que faire. Il sera Compagnon du devoir, il aime la taille de la pierre mais n’adopte pas la discipline ! Il va zoner quelque temps, travaille dans l’élagage, il pense alors devenir paysagiste mais c’est sans compter sur son amour pour la cuisine qui grandit. Il hésite à se lancer car il n’aime pas la hiérarchie. Il est rebelle, il préfère faire la fête, trainer plutôt que poursuivre des études, il en commence beaucoup, en termine peu.

Oh la belle et folle vie – Inaki a autour de lui une bande de potes, une clique de garçons et filles timbrés et drôles, de zonards fêtards, étudiants aux Beaux-arts, amateurs comme lui de bouffe et de fête, il y a Xavier Boussiron, Delphine Zampetti et les autres. Inaki décide de partir en Israël, sans un sou en poche mais avec des rêves. Il débarque dans une auberge de jeunesse, fait la plonge pour vivre. Entre deux récurages de casseroles, il jette un oeil sur les cuisines, et… devint commis. « C’est ce métier que je veux faire », pense t-il ! il apprend vite et bien dans les cuisines du Rozata à Tel-Aviv. Curieux et pressé, il se gave de livres de cuisine mais l’embellie prend fin car son visa expire. Retour à Paris, il enchaine des postes, débarque au Café des Délices chez Gérard Choukroun. Coup de chance, Sébastien Demorand et Luc Dubanchet du Gault & Millau débarquent et tombent sous le charme de cette cuisine différente. Nous sommes au débit des années 2000, la bistronomie pointe son nez avec de nouveaux chefs à contre-courant. Inaki s’éclate avec Gilles en cuisine, et dehors avec sa bande d’amis fidèles avec lesquels il joue du hard rock. En 2002, il plante tout et part pour l’Amérique latine. Le destin le rejoint quand il lit une annonce « le restaurant la famille à Montmartre cherche un jeune chef motivé pour une cuisine ludique et inventive. Bon esprit recherché ».

II Montmartre – 2002-2005 – Rencontre avec Fred Peneau architecte devenu restaurateur. Son bouclard « Le Burq » , un restau-bar branchouille magique qui voit défiler au service, en salle ou à table, les fous de bouffe et de la teuf, Philippe Katerine, Héléna Noguerra, Jonathan Cohen, François Simon, Sébastien Demorand, Alexandre Cammas se pressent… jusqu’à l’ouverture de « La famille » par Yannick Samot. La clientèle rejoint La famille qui voit débarquer un zozo qui a bossé au Café des délices... Inaki. Les critiques, la presse débarquent, les chefs aussi pour découvrir ce qui manquait dans le paysage culinaire, la cuisine bon marché mais innovante d’un rockeur sauvage créatif, hors norme. Tous avouent avoir pris une terrible claque dans cette nouvelle adresse qui redéfinit la cuisine de bistrot traditionnel. Inaki déroule une cuisine d’auteur, avant-gardiste qu’il réalise dans un cagibi de deux mètres carrés !

Avec le café Burq et La Famille, débarque la nouvelle vague. Inaki en est l’incarnation, il fait de La Famille son terrain de jeu, d’expérimentation, de création, que tout le monde adore. Non seulement la famille de la cuisine mais aussi celle du design.

III La recherche 2005-2006 – Arrive le temps du changement avec Fred Peneau qui quitte le Burq. Inaki quitte brutalement La Famille et avec son ami part à la recherche d’un restaurant à vendre, ils se baladent dans Paris le nez en l’air à la recherche d’un lieu loin de Montmartre et ce sera… Le Châteaubriand, le bistrot, déjà fréquenté par des gens célèbres, du 129 avenue Parmentier, tenu par l’Anglaise Susan qui ne pensait pas encore à vendre, mais va finalement le faire pour partir à la campagne en Bretagne où vit son mari… Passage au Baratin et ses tenanciers Pinuche & Raquel Carena qui baratinent et emballent dans leurs cuisines, qui initient Inaki et Delphine au vin nature. Inaki travaille quelques mois au Baratin qui reçoit même le repas de mariage de Pierre Hermé et FeGH. Tout le monde s’amuse furieusement au Baratin, on y boit des coups, on y mange, on y fait la fête.

D’emprunts en aides familiales, les deux compères bouclent le budget. Signature du compromis pour ouverture au printemps 2006. En attendant, inaki s’engage dans l’aventure du Transversal, restaurant du musée de Vitry. Il s’éclate littéralement, joue la démesure, il ose mettre à la carte le pépin de pomme – un, pas un de plus, à 33 euros – « un geste d’artiste pour mettre l’attention sur le goût primordial ». La presse s’emballe et casse Inaki, dézingue l’audace, poignarde le je-m’en-foutisme revendiqué d’Inaki. La critique gastronomique ne se pique pas d’humour. “Génial mais nul !”, écrira François Simon. Inaki part du Baratin pour monter sa propre affaire…

2006, avril 2006, ouverture du Château. L’histoire commence. Inaki Aizpitarte et Fred Peneau et une bande, une poignée de « beaux gars », reprennent le bistrot du 11ème arrondissement de Paris. il y a David Loyola, Franck Audoux, Erwan Pennaneach, Jeremy Daniel-Six, Said, une cuisine rudimentaire, pas de cave. Carte courte pour 65 places assises. La bande de vaillants travaille en forcené, se surpasse. Un dimanche à El Bulli, le meilleur restaurant du monde à l’époque, va sceller la forte amitié. Tout le monde s’envole pour l’Espagne; la bande loue des scoots, dort au camping et découvre les 16 plats du trois macarons, rencontre les Frères Adria. Ferran se souvient de ce repas où tombaient les bouteilles et les chansons.

Jonathan Cohen rejoint la bande de fous furieux du Château qui très vite cartonne. La clientèle adore ces personnalités différentes autour d’Inaki, l’orfèvre fédérateur.Très vite, Le Châteaubriand devient le « Château bruyant », le restaurant le plus bruyant de la capitale. L’époque, c’est eux. Giovanni Passerini débarque, il doit apprendre la non rigueur. Il est rejoint par Laurent Canut, qui va remplacer Jérémy. Benoit Simon le « petit jeune » de la brigade arrive. Francky la toupie dirige la salle. Tout le monde veut sa table au « Château ». Les vignerons y trouvent un repaire, le Fooding fait d’Inaki son étendard, le 50 Best s’affole et les chefs étoilés découvrent l’Est parisien. Inaki excelle dans sa cuisine de dernière minute, une cuisine qui sort des tripes d’un chef qui crée à l’instinct. Une cuisine singulière, très créative, emblématique du courant novateur de « la bistronomie », qui a fait le cuisinier français le plus influent sur la scène internationale. La cuisine d’Inaki Aizpatarte est à son image : libre, imprévisible, directe et sensible. Il manie l’art du paradoxe gourmand et l’émotion gustative dans des inventions parfois risquées avec des accords surprenants et terriblement savoureux. L’adresse est fréquentée par des anonymes et des connus, des reconnus vivant d’amour et de cuisine qui viennent boire des coups et se régaler d’une cuisine différente. La joyeuse bande continue à faire la fête, à vivre la nuit, à fréquenter Le Baron, avant de regagner au petit matin Le Château où tous les chefs pressent. De Grébaut à Ducasse, ils viennent tous à la table du révolutionnaire de la cuisine, comme les stars du cinéma, de la chanson et du foot et côtoient les habitués .

2008, un certain Piège, Jean-Francois, chef du Crillon invite la brigade du Chateaubriand à cuisiner dans son palace. Inaki du bistrot au Gastro !

IV Le gang du château – 2006-2010 – pas de compromis ni de demi-mesure. Le gang autour d’Inaki a créé l’endroit sexytude où ils aimeraient aller un bistrot à la cuisine menée par un révolutionnaire hors des codes habituels de la cuisine. Tous clients et personnel tissent une histoire d’amour avec Le Château. Tous crient au génie devant ce chef qui éveille la curiosité, un chef libre qui dirige un collectif à la barge de trois jours, superbement stylés, une bande sacrement unie, qui respecte la personnalité des uns et d’autres, sans jugement. Inaki et Fred un duo, un tandem, un archi de génie, et un chef fou de talent. « Une dream team de psychopathes » confie Bertrand Grébaut, une bande de phénomènes rock’n’roll, follement déjantée. La presse, les critiques, les amis, les clients, les habitués, les VIP, les inconnus, tous ont tenté de décrire la bande du Château mais c’est peut-être René Redzepi qui en parle le mieux : “Avec eux, ce qui était sauvage est devenu la norme.”

V L’âge d’or – 2010-2015 – Laurent Canut et Inaki achetent un petit restaurant kabyle voisin, Le Dauphin. Fred Peneau a un projet d’hôtel nait avec Rem Koolhaas, le projet capote mais Rem va s’occuper gracieusement des travaux du Dauphin où les associés veulent installer un décor contemporain avec une cuisine traditionnelle, l’inverse du Château. Du marbre partout, du bar au plafond, des tables au décor. Le bloc de marbre qu’est Le Dauphin reçoit du Fooding le prix du décor alors qu’il est en travaux…

Une nouvelle meute se prépare à débarquer, Paul Boudier, Jamie Allan, Agata Felluga, Camille Fourmont, Beatriz Errando, Sarah Mottay, Yuri, Albert Touton, Amadi Sylla… Le Dauphin ouvre le 3 décembre 2010, 16 tonnes de marbre pour des tapas de luxe dans un restaurant toujours blindé, comme le Château.

Avril 2011, le Château est neuvième au 50 Best, premier des restaurants français. Cela ne monte pas à la tête d’Inaki mais entraine un flot de haine jusqu’à ce qu’ Anthony Bourdin vienne faire son émission au Château avec Eric Riper. Le succès est là mais un nuage noir se glisse, c’est fin de l’amitié entre Fred et inaki qui vont vivre une séparation émouvante et douloureuse.

2013, le local entre le 129 et le 131, entre Le Château et Le Dauphin est à vendre. Ouverture de La Cave. Les célébrités déboulent, défilent au Château, Bill Murray, Eva Mendes, Nathalie Portman, Johnny Hallyday, Catherine Deneuve… L’âge d’or touche aussi Le Dauphin, complément parfait du Château, Le Dauphin « relance la machine ». Le Château et Inaki continuent à envoyer « des assiettes qui touchent le ciel », l’artiste fait bouger bouillons, sauces, salades; il ne veut pas se répéter par peur de s’ennuyer. Il prend des risques pour dérouler des expériences uniques, « pour découvrir des saveurs et aller dans un univers qu’on ne connaissait pas avant de se mettre à table » confie Alain Ducasse.

VI Plus fort – 2015-2021 – L’appel de Londres. Inaki propose à Paul Boudier d’être le chef de cuisine du Chabanais. Un fiasco deux mois après l’ouverture, fermeture. 13 novembre, attaques terroristes au Bataclan. 60% de la clientèle déserte… L’ambiance se dégrade, des anciens partent, des nouveaux arrivent, Leonardo Righini, Mouloud Ourabah. 2018, l’étoile tombe… 12 ans après l’ouverture … « étoile pas refusée mais pas acceptée non plus » dit Laurent Cabut. Personne ne va à la cérémonie, personne n’accroche la plaque !

2020, 16 mars confinement « on ne ferme pas, on fait des plats à emporter » décide Inaki. Potes et cuisiniers se retrouvent en secret pour boire des canons et manger des omelettes. Ouverture. Refermeture « on va faire des-pizzas ». Des liens forts se tissent avec les habitants du quartier, la bière coule à flot et les margheritas défilent au juste prix, même Alain Ducasse vient dévorer une pizza sur place, défiant l’interdit. Le Châteaubriand s’est encore une fois réinventé. Michelin retire l’étoile en plein covid.

Avec Delphine, Inaki cherche un endroit au pays basque. Ils trouvent et achètent Le Petit Grill basque à Saint-Jean-de-Luz; il revient sur sa terre pour une aventure en province. Il retrouve ses racines familiales. Fin d’un époque, Inaki se réinvente chez lui. « je veux que n’importe quelle personne de st j puisse rentrer dans le restau et manger. J’ai envie de nourrir les gens. »

Le Château aurait pu crever 100 fois, il en est sorti plus fort. Aujourd’hui le scénario est écrit et la trace laissée est immense. Si Le Chateaubriand n’a pas changé votre vie, il a au moins changé votre assiette.

VII L’héritage. Les enfants fous furieux du Château ont l’amour et l’émotion en héritage et les souvenirs d’une belle époque où Inaki diffusait passion, fête, irréverence,énergie, folie, insouciance, révolution, confiance et sacré talent. Ils continuent à prêcher la bonne bouffe ici ou ailleurs. Le chateau d’aujourd’hui est un repère dans le paysage gastronomique français, une grande adresse sur laquelle veille toujours Inaki. Il est l’âme du restaurant…

Devanture du Chateaubriand
© Benjamin Malapris

LES PHOTOS  @benjaminmalapris

L’AVIS DE LA POULE SUR UN MUR – Sans hésitation aucune, lisez ce livre, offrez le ! Vous ne pourrez le refermer avant d’avoir lu la dernière page.C’est l’histoire d’un mec, un poète, qui a débloqué l’image de la cuisine. Livre d’histoire, l’histoire d’un lieu d’un quartier d’une clientèle d’un cel de gens bourrés d’audace et de joie de vivre, d’appétit de la vie qui ont osé bousculer, une bande de jeunes avant-gardistes qui n’avaient peur de rien, ni des critiques, ni des jugements. Ils ont pris des risques, ont explosé la réputation et la clientèle du lieu. Pas de recettes mais des anecdotes racontées par ceux qui les ont vécues, des histoires rocambolesques, des souvenirs de fête, de joie, de fatigue autour du héros du livre, Le Chateaubriand.

Il y a de l’amitié, de la cuisine, des volutes de fumée du temps où l’on pouvait fumer dans les restaurants, des bonnes quilles, du bruit, de la voix, des tapes amicales, des bises sincères, des étoiles dans les yeux, de la joie, de la création, de l’art et du beau monde, des figures de la food et du vin, des personnalités hors du commun et un chef Inaki Aizpitarte qui affole les guides et les clients, qui ramène dans l’est de Paris, chefs étoilés et clientèle gastronomique, curieux de découvrir cet électron libre, sa bande et sa cuisine basée sur des associations percutantes.

LE CHÂTEAU, le livre sur l’histoire du restaurant Le Chateaubriand – François Chevalier, Stéphane Peaucelle-Laurens – Entorse Editions – 55 € 

 @spl_entorse et @francoischevalier lechateaubriand lechateau.entorse-editions.com

Entorse présente son dixième volume : l’histoire orale du Chateaubriand. 100 personnes ont été sollicitées. Inaki Aizpitarte, Philippe Katerine, Alain Ducasse, Raquel Carena, Nadine et René Redzepi, Jonathan Cohen, François Simon, Bertrand Grébaut, Kobe Desramaults, Romain Duris, Pierre Hermé… La série d’entretiens a eu lieu de septembre 2021 à juillet 2024. Un ovni littéraire et culinaire édité à 2000 exemplaires !

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