Le chef Jérémy Biasiol s’entraîne pour la 28e édition du meilleur ouvrier de France afin de prouver que le handicap n’empêche pas d’être en cuisine.
Découvrez le chef Jérémy Biasiol qui malgré son handicap n’a jamais décroché de la cuisine, son métier, sa passion… il compte bien participer au concours du MOF ( Meilleur Ouvrier de France ).
Retrouvez ci dessous le papier que lui consacre le quotidien Le Parisien
- Après un AVC foudroyant à 39 ans, le chef étoilé Jérémy Biasiol doit tout réapprendre en cuisine.
- Chef célèbre en Asie, il a été obligé de quitter le pays en 2014 à cause de la « révolution des parapluies » avant de retourner à l’anonymat en France.
- Désormais, il s’entraîne pour la 28e édition du meilleur ouvrier de France afin de prouver que le handicap n’empêche pas d’être en cuisine.
Cache œil barrant son visage, canne à main et accompagné de deux grands rottweilers. Ce n’est pas le repaire d’un pirate mais bien l’appartement du chef Jérémy Biasiol. C’est ici, à Villeurbanne, chez ses parents que l’étoilé s’est installé en 2019 pour réapprendre à cuisiner. Son objectif : battre son handicap pour retrouver le haut niveau et participer au concours du meilleur ouvrier de France trois ans plus tard.
Car depuis son AVC foudroyant en 2019, la tâche est bien plus compliquée. Atteint d’hémiplégie, le chef étoilé a toute la partie gauche de son corps ainsi que son œil paralysés. Les gestes qui auparavant lui semblaient si simples deviennent très compliqués. Pour autant, Jérémy Biasiol peut faire confiance à son expérience et à sa détermination. Lui qui a côtoyé les plus grands chefs et monté son propre restaurant connaît tous les rouages de ce métier.
Gloire à Hong Kong
S’il a cuisiné dès sa jeunesse avec les plus grands comme Paul Bocuse et Alain Ducasse, s’il a été le chef privé de Madonna comme d’un millionnaire américain, c’est en Asie que la carrière de Jérémy Biasiol a décollé. Venu sur « un coup de tête » pour « donner des cours de cuisine à Hong Kong », le chef raconte avec amusement ses aventures sur le continent asiatique. Un périple qui le conduira même à ouvrir son propre restaurant intitulé « Mirror ». Un lieu sobre, « tout petit et sans nappe ni couverts en argent », mais qui séduira les habitants de l’île ainsi que des stars comme Jackie Chan ou Donnie Yen.
Les recettes du chef sont un succès, si bien qu’en 2011 il reçoit la récompense ultime : une étoile au Guide Michelin : « C’était impossible de réserver avant quatre mois. Et après l’étoile, cela montait jusqu’à six mois », se rappelle-t-il. Jérémy Biasiol est fier de cette récompense, il n’a alors plus qu’une idée en tête, obtenir trois étoiles.
Anonymat en France
Mais en 2014, c’est la « révolution des parapluies » à Hong Kong. Des manifestations pro-démocratie paralysent le pays pendant plusieurs mois. « Les principaux axes routiers de l’île étaient bloqués », empêchant les gens de venir à son restaurant : « Je faisais des soirs entiers à zéro couvert », raconte Jérémy Biasiol. Pour stopper l’hémorragie, le chef étoilé n’a d’autres choix que de fermer son établissement. « Quand j’avais tout payé, j’étais à zéro à la fin du mois. C’était économique impossible. » Une profonde déchirure qui selon lui « participera plus tard à son AVC ».
S’il continue pendant une période la restauration en Asie, Jérémy Biasiol est vite contraint de retourner en Europe. D’abord en Allemagne, puis en France. Un retour difficile, où il enchaîne les mauvaises expériences et se rend vite compte que sa renommé ne l’a pas suivie : « J’ai construit ma carrière à l’étranger. En Chine j’avais une réputation, beaucoup de presse. Alors qu’en France, personne ne sait qui je suis. »
Objectif, MOF 2026
En juillet 2019, alors qu’il travaille comme chef cuisinier dans un restaurant de Belle-Île-en-Mer, Jérémy Biasiol est victime d’un AVC du tronc cérébral. Pour les médecins, il ne pourra plus jamais marcher et encore moins cuisiner, le chef étoilé compte bien les contredire. Et cela passe par le concours de meilleur ouvrier de France 2026.
Aujourd’hui, c’est dans son appartement de Villeurbanne qu’il s’entraîne à réapprendre chaque geste oublié. Plus qu’une consécration, le chef veut montrer qu’il est « handi-capable ». Le jour du concours, il devrait bénéficier de plus de temps, ou d’une équipe pour l’aider, mais pas question d’obtenir « un diplôme au rabais ».
Par Lucas Marcelin