Hélène Pietrini boss du 50Best – » Quand tous les restaurants du monde entier ferment, … on s’adapte, on se serre les coudes, et on agit. »
Hélène Pietrini, vous qui suivez F&S et qui êtes passionnés par la gastronomie, vous l’a connaissez forcément, c’est elle qui est à la tête du classement 50Best des 50 meilleurs restaurants au monde. Une femme influente, pour un classement qui l’est tout autant.
Alors, même si on tourne un peu en rond dans ce classement puisqu’au fil des ans on y retrouve les mêmes chefs avec pratiquement le même classement. C’est devenu une communauté de chefs très soudée, qui cultive « l’entre-sois », presque un clan qui se partage les mêmes clients, qui reçoit les mêmes journalistes, qui fédère les mêmes fans, qui parle le même discours, des chefs qui se reçoivent entres-eux pour des évènements culinaires et qui souvent pratiquent une cuisine qui rentre dans le même cadre.
Quoi qu’il en soit ce classement à sa propre influence, et ceux qui y sont classés remplissaient jusqu’avant la pandémie du Covid-19 leurs restaurants avec une clientèle essentiellement internationale. Mais cette crise sanitaire à vidé les salles de restaurants, le trafic aérien n’ayant pas repris dans son intégralité, beaucoup de chefs sont obligés de repenser leur équilibre économique. Le 50Best est à leur côté pour les accompagner pour passer cette crise.
Hélène Pietrini s’est exprimé sur le magazine GQ.
Extraits :
En mai, les World’s 50 Best Restaurants et les World’s 50 Best Bars ont lancé “50 Best for Recovery” pour soutenir les restaurants et les bars et les aider à sortir de la crise liée à la pandémie de coronavirus. Rencontre avec la directrice de l’organisation, Hélène Pietrini.
Chaque année, l’organisation 50 Best dresse la liste des 50 meilleurs restaurants du monde (les “World’s 50 Best Restaurants”). Début mai, après avoir annoncé que la cérémonie de remise de prix de cette année, initialement prévue à Anvers, dans les Flandres, en juin, aurait finalement lieu en 2021 si les circonstances le permettent, elle a dévoilé son premier programme de soutien et de solidarité intitulé “50 Best for Recovery”. L’ambition : “concentrer le maximum d’efforts sur la collecte de fonds, à l’unisson avec ses partenaires, afin d’apporter une aide financière tangible au secteur de la restauration, mettre à disposition des ressources utiles et organiser des manifestations virtuelles bénéfiques aux restaurants et bars pour leur sortie de crise”. Par exemple : le “50 Best Recovery Fund”, un fonds de recouvrement initié avec le soutien de S.Pellegrino et Acqua Panna pour les restaurants, et Perrier pour les bars, utilisé pour soutenir une sélection d’organisations à but non lucratif dans le monde entier qui s’efforcent de contribuer à la survie et à la reprise du secteur. Parmi une série d’initiatives de collecte de fonds visant à encourager de nouvelles contributions des particuliers et des entreprises au Recovery Fund, une vente aux enchères baptisée “50 Best ‘Bid for Recovery’ Auction”, offrant aux amateurs de gastronomie et de cocktails la possibilité de remporter des expériences extraordinaires dans les restaurants et bars des listes 50 Best récentes (la liste annuelle des meilleurs restaurants du monde ne sera pas publiée cette année, sous quelque format que ce soit). Concrètement, à gagner, aux enchères : être le premier à planter un arbre dans les jardins du Mirazur, le restaurant mentonnais de Mauro Colagreco, chef du Meilleur Restaurant du Monde 2019, manger dans un des trois jardins potagers d’Alain Passard ou encore faire un trek gastronomique de Lima à Cusco avec le couple de chefs ambassadeurs du Pérou, Virgilio Martinez et Pia León. En parallèle et en ligne, le groupe organise aussi des pôles digitaux 50 Best Recovery Hubs qui offrent conseils et informations aux entreprises. Et en septembre prochain, le Recovery Summit, qui rassemblera la communauté gastronomique internationale et offrira une perspective sur la manière dont les restaurants peuvent à nouveau prospérer. GQ s’est entretenu à ce sujet avec Hélène Pietrini, directrice des 50 Best (qui fait partie de notre classement des 25 personnes les plus influentes de la food en 2020).
Quel est le rôle d’une organisation comme les 50 Best, en temps de crise ?
En temps de crise, 50 Best a plus que jamais une responsabilité vis-à-vis des restaurants et nous avons à cœur de redonner au secteur ce qu’il nous a donné. Depuis 2002, nous avons rassemblé la communauté mondiale des chefs, ouvert les frontières de la gastronomie, célébré les talents, débattu et poussé des valeurs positives comme l’inclusivité, le développement durable, l’innovation. Nous ne pouvons rester silencieux ou neutre. Quand tous les restaurants du monde entier ferment, quand nous annulons nos évènements physiques, on s’adapte, on se serre les coudes, et on agit.
Comment est né le programme 50 Best for Recovery ? Qu’est-ce que c’est concrètement ?
Le programme est né au moment où nous avons dû annuler le programme d’évènements physiques prévus à Anvers le 2 juin. Mi-mars, tout était prêt, les invitations allaient être envoyées. Et la crise du Covid-19 qui avait démarré en Asie a déferlé sur le reste du monde, entrainant la fermeture des frontières et par la suite des restaurants avec les risques de chômage, dépôt de bilan… Une prise de conscience immédiate et un changement de plan rapide auquel ont adhéré nos partenaires. Les chefs nous ont largement soutenus dans cette décision. Un mois plus tard, nous annoncions 50 Best for Recovery. L’ambition de ce programme visant pour la première fois les restaurants et les bars est à la mesure de l’impact humain et économique de la pandémie : concentrer le maximum d’efforts sur la collecte de fonds, à l’unisson avec ses partenaires, afin d’apporter une aide financière tangible au secteur de la restauration, ainsi que mettre à disposition des ressources utiles et organiser des manifestations virtuelles bénéfiques aux restaurants et bars pour leur sortie de crise. Tout le monde est concerné, les bénéficiaires sont les restaurants et les bars du monde entier. Nous avons mis à contribution tout notre réseau mondial et nos partenaires.
Vous expliquez vouloir “mettre à disposition des ressources utiles et organiser des manifestations virtuelles bénéfiques aux restaurants et bars pour leur sortie de crise”, en quoi ça consiste ? Quelles seront les actions mises en oeuvre pour soutenir les restaurants et les bars ?
50 Best for Recovery existe sous forme de pôles digitaux (50 Best Recovery Hub) où est rassemblé et généré du contenu offrant conseils, informations et inspiration aux entreprises (par exemple un guide produit par le groupe Hongkongais Black Sheep, une liste de webimars par la Fondation James Beard …). Dans le même temps, 50 Best publie chaque semaine de nombreux articles rassemblant des initiatives du monde entier ; cette vision mondiale est très utile quand certains restaurateurs sont isolés. Mon article préféré, hyper concret et un des plus lus a été celui listant les premières initiatives ou programmes d’aide principalement financières notamment aux US et UK.
Qu’est-ce que le fonds de recouvrement, le 50 Best Recovery Fund ? Qui contribue financièrement à ce fond ?
50 Best Recovery Fund est un fond de recouvrement dont les statuts ont été déposés par 50 Best afin de pouvoir lever des fonds d’aide aux bars et restaurants et pouvoir en reverser l’intégralité. 50 Best et ses partenaires comme S.Pellegrino pour l’aide aux restaurants ou Perrier pour l’aide aux bars ont effectué les premières donations. C’est également grâce à des enchères (du 3 au 12 juillet) et l’achat d’un e-book de recettes (en ligne depuis le 1er juillet) que nous récolterons des fonds supplémentaires.
Pouvez-vous nous parler de la vente aux enchères, 50 Best ‘Bid for Recovery’ Auction ?
C’est un challenge qui a mobilisé toute l’équipe 50 Best pendant plus d’un mois. Il a fallu d’abord monter toute la structure légale et technique pour pouvoir organiser selon les règles une vente aux enchères online. Ensuite, nous avons demandé aux chefs et barmen ayant figuré précédemment sur les listes 50 Best ainsi qu’aux marques-partenaires d’offrir, s’ils le pouvaient, des lots exceptionnels et uniques. Leur générosité a été incroyable. Enfin, le plus difficile a été d’établir le processus de redistribution des fonds futurs. Nous voulions que les restaurants et les bars en soient les bénéficiaires directs et nous voulions notre action mondiale. Le principal canal de redistribution sera donc les subventions directes selon candidature. Ces candidatures seront ouvertes fin juillet à tous les restaurants, pas que ceux des listes.
Comment la crise du Covid-19 impacte-t-elle le secteur de la restauration ? Quels impacts sur l’humain et l’économie ?
Cette crise sanitaire a été une crise humaine et économique dont on mesurera les impacts sur plusieurs mois voire années. Humainement, nous avons tous été stoppés, forcés à nous arrêter et donc réfléchir en profondeur. Mais le train de la vie ne s’arrête jamais et il ne vaut mieux pas le laisser passer. Certaines équipes se sont retrouvées confinées ensemble loin de leur famille. Ana Ros en Slovénie a dû trouver mille façons de tenir le moral des troupes jusqu’à la réouverture tant attendue fin juin. D’autres équipes ont été séparées, chacun confiné chez soi, impossible de cuisiner ensemble. C’est ce qu’a vécu Julien Royer d’Odette à Singapour. “Odette at home” a permis à l’équipe de se retrouver, bizarrement travailler en petite équipe et faire de la livraison à domicile a aidé à payer les factures. D’ailleurs les livraisons à domicile ont été une initiative dans beaucoup de pays pour maintenir le lien avec les clients, garder la main, trouver des nouvelles sources de revenus. Car les pertes sèches sont catastrophiques, cela va être difficile de rattraper le manque de chiffre d’affaires. C’est pour cela que l’aide financière est fondamentale.
L’aide apportée au secteur doit-elle se limiter à l’aspect financier, ou le champs d’action doit-il être plus important ?
L’aide financière est fondamentale pour compenser les pertes de chiffre d’affaires et supporter les charges, pour empêcher les licenciements. Mais, l’aide est premièrement morale. Garder le contact, maintenir le lien, écouter les chefs sont des aides vitales. Ils ont été nombreux à nous demander d’être présents pour la reprise, de continuer à mettre en valeur les restaurants, encourager les gourmets à y retourner.
Vous annoncez l’organisation d’un sommet virtuel, le Recovery Summit, rassemblant la communauté gastronomique internationale dans le but d’offrir une perspective sur la manière dont les restaurants pourront à nouveau prospérer. Comment bien réouvrir et relancer son activité ? C’est quoi “l’après” ?
50 Best s’est positionné depuis longtemps comme une plateforme d’idées, d’échanges, de débats. A chaque cérémonie, nous organisons les #50BestTalks pour aborder des sujets ou tendances mondiales de la restauration. Tout au long de l’année, nous mettons en lumière des initiatives et des témoignages de chefs des quatre coins du monde. Ce sommet sera notre événement le plus important de l’année. Même s’il sera virtuel, nous rassemblerons la communauté des chefs du monde entier pour débattre du future de la gastronomie, évaluer les options qui s’ouvrent, les difficultés à surmonter, relancer l’activité en général, bref travailler sur une vision.
La crise sanitaire sans précédent que nous traversons peut-elle être l’occasion d’un changement en profondeur du secteur ? Le monde de la restauration doit-il évoluer pour survivre ?
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