Dans quelques semaines les pourboires payés en carte bancaire dans la restauration seront entièrement défiscalisés pour les salariés comme pour les exploitants
Les clients des cafés et restaurants pourront bientôt laisser leurs pourboires sur le règlement carte bancaire de leur addition, quant aux pourboires réglés par carte bancaire, ils seront intégrés à la rémunération des salariés sans être fiscalisés.
« Nous avons décidé que les pourboires payés par carte bleue seraient sans charge pour les employeurs et sans impôts pour les salariés » avec une mise en œuvre « dans les prochains mois », a annoncé lundi Emmanuel Macron lors du Salon international de la restauration, de l’hôtellerie et de l’alimentation (SIRHA) à Lyon. Cette mesure « ne coûte rien, car aujourd’hui ça ne marche pas », a-il ajouté, « parce qu’on l’a vu en sortie de crise, nos compatriotes utilisent de moins en moins de liquide ».
Aujourd’hui les pourboires, même versés en liquide, doivent en principe être déclarés au fisc, a confirmé Bercy, mais ce n’est que très rarement le cas en pratique. « Je pense que dans 99,9% des cas, ce n’est pas le cas et c’est normal », a estimé sur LCI le président du Medef, Geoffroy Roux de Bézieux.
Il observe qu’avec le recul du « cash », les clients laissent de moins en moins de pourboire – même si en pratique, rien n’empêche de rajouter aujourd’hui un montant à l’addition payée par carte, que le professionnel reversera ensuite en espèces, à ses salariés, en faisant sa caisse.
Le gouvernement espère que cette défiscalisation – de sommes qui jusqu’ici échappaient de toute façon au fisc – va « permettre d’attirer plus de jeunes et de moins jeunes pour leur dire : tu peux gagner plus que le salaire et le bonus que je te verse », a affirmé le chef de l’État, qui déplore régulièrement les emplois non pourvus dans ce secteur, un casse-tête pour les restaurateurs.
Alors que l’emploi fait partie, avec la lutte contre le Covid et un vaste plan d’investissements, des chantiers prioritaires annoncés par l’exécutif le 10 septembre, à sept mois de la présidentielle, le patronat de l’hôtellerie-restauration qui peine à recruter – comme le bâtiment ou d’autres secteurs -, voit ainsi exaucée l’une de ses demandes et s’en est promptement félicité. « C’est quelque chose que nous demandions depuis plusieurs années, beaucoup de pays le font. Cela va inciter les jeunes à venir dans nos métiers, tirer le service vers le haut, et inciter les clients à reconnaître la qualité du service », a déclaré Roland Héguy, président de l’Umih, principale organisation patronale de l’hôtellerie-restauration.
Mais cela n’exempte pas le patronat d’une réflexion sur la façon de « revaloriser [ces] métiers, en améliorant les conditions de travail et les grilles de salaires », juge-t-il. Selon Emmanuel Macron, 110.000 emplois sont à pourvoir dans la restauration, le patronat parlant même de « 150 à 180.000 emplois », sans disposer d’estimation fiable.
Pour le restaurateur parisien Stéphane Manigold, à la tête du groupe Eclore, « trouver un logement quand on est salarié dans la restauration dans la capitale est un cauchemar : si vous avez 300 ou 400 euros de plus intégrés à votre rémunération, le banquier, le bailleur vont en tenir compte. Cela augmente la capacité d’endettement, et valorise cet argent jusque-là invisible ». L’hôtellerie-café-restauration fait partie des branches professionnelles qui mènent actuellement des négociations salariales.
Reste à savoir quelle forme prendront ces pourboires « Chaque établissement choisira son propre système et s’organisera comme il voudra, que ce soit en proposant l’arrondi ou en laissant le client fixer la somme de son pourboire, par exemple » commente un expert. Déjà des systèmes de paiement permettant de laisser un pourboire en réglant par carte comme myPOS ou Sunday. Avec ces applications, le client opte pour un pourcentage de l’addition ou définit un montant personnalisé.
C’est le système choisi par les établissements qui pourra motiver les clients, « Si le modèle choisi, c’est d’arrondir l’addition, ça peut marcher. Ce sont quelques centimes qui ne coûtent rien au consommateur, ni en termes d’argent, ni en termes de temps. Il faut un minimum de gestes pour un minimum de temps ». Et les chiffres laissent bon espoir que les Français adoptent davantage ce réflexe. Selon une étude CSA pour Lyf publiée en mai dernier, 35 % des Français ne laissent pas de pourboire par manque de monnaie, et 71 % déclarent être favorables aux pourboires dématérialisés.