“Quand l’assiette devient écrin : l’artisanat d’Elisabeth Monroy au service des grands chefs”

20 octobre 2024  0  MADE BY F&S

Dans l’univers feutré des arts de la table, Elisabeth Monroy s’est imposée comme un artisan de référence pour la haute gastronomie. Ses assiettes, véritables œuvres d’art, révèlent et magnifient les créations culinaires des plus grands chefs, de l’entrée au dessert. Entre passion pour les matériaux, précision du détail et écoute attentive des exigences de ses clients, Elisabeth Monroy conjugue dans chaque pièce tradition et innovation. Un travail qui ne serait pas réalisable son son associée Catherine Daret en charge de la réalisation technique des création ! 

Dans cet entretien exclusif, elle partage avec nous les secrets de son savoir-faire et la rigueur de son approche, où chaque ligne, chaque texture, chaque couleur est pensée pour sublimer la cuisine.

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Votre atelier est reconnu pour la finesse et l’originalité de vos créations. Quelles sont les valeurs artisanales qui définissent votre travail, et comment les exprimez-vous dans chaque pièce ?

“Pour nous, les valeurs essentielles sont avant tout l’authenticité, la singularité, l’amour du travail bien fait, l’écoute et l’échange,” explique Elisabeth. “Chaque pièce est réalisée avec une extrême minutie. Toutes les étapes d’exécution sont contrôlées, vérifiées plusieurs fois, afin que le rendu final soit irréprochable.” Ce souci du détail, de la rigueur, traduit une volonté de tendre vers l’excellence, fruit d’un savoir-faire patiemment peaufiné au fil des années.

L’artisanat exige patience et précision. Quelles techniques artisanales spécifiques utilisez-vous pour donner à vos créations un caractère unique et intemporel ?

Elle esquisse un sourire : “Vous parler de techniques spécifiques est impossible pour nous car nous souhaitons préserver une petite ombre de mystère.” Cependant, elle concède que leur formation en arts plastiques leur a permis d’expérimenter diverses techniques, afin de jouer avec les contrastes, les épaisseurs et les effets de lumière. “Nous cherchons à obtenir des créations qui ne sont pas des ‘effets de mode’ mais qui sont faites pour perdurer dans le temps.”

Vous travaillez souvent sur des pièces sur mesure pour la haute gastronomie. Comment réussissez-vous à allier tradition artisanale et innovation pour répondre aux exigences de chefs créatifs ?

“L’image de l’artisanat est souvent associée à la tradition et peu à l’innovation. Heureusement, certaines machines nous aident désormais dans l’élaboration des pièces pour être de plus en plus pointues,” explique-t-elle. Leur atelier regorge de prototypes, toujours en réflexion, témoins d’une quête constante d’innovation. “Nous recherchons sans cesse des idées et des pratiques nouvelles pour être force de propositions.”

Lorsque vous créez une assiette, quelle importance accordez-vous au matériau et à la texture pour qu’ils mettent en valeur le plat d’un chef ? Quelle place tient la matière dans votre processus de création ?

Pour Elisabeth, “les matériaux et textures ont été les fondamentaux de nos études artistiques.” Dès les débuts de leur atelier, elles ont exploré des matériaux variés comme la pierre de lave, le verre épuré, et la porcelaine, jouant sur les contrastes entre transparence et opacité. “Aujourd’hui, nous nous sommes recentrées sur la porcelaine, préférant travailler les surfaces de gravure et de relief.”

Votre atelier collabore étroitement avec les chefs pour concevoir des pièces sur mesure. Quelles étapes de l’artisanat sont incontournables pour garantir une qualité qui reflète l’exigence de la haute gastronomie ?

La haute gastronomie impose un niveau d’exigence incomparable, estime-t-elle. “Nous ne pouvons pas nous permettre de laisser passer des ‘à peu près’. Notre implication, notre savoir-faire maîtrisé doivent se refléter dans chaque assiette d’une série. Prendre le temps de bien faire et, s’il y a des ratés, recommencer.”

L’artisanat se construit souvent dans l’écoute et l’échange. Comment intégrez-vous les idées et les besoins des chefs pour créer des pièces qui répondent à leurs attentes tout en conservant votre signature ?

“L’écoute et l’échange font partie de notre ADN.” Chaque rencontre avec un chef est une exploration, affirme Elisabeth. Elle décrit le moment où elle présente différents décors, épurés ou très travaillés, figuratifs ou abstraits. “C’est à cet instant que le dialogue s’installe. Très souvent, certaines de nos assiettes suscitent des idées de dressage aux chefs. Le challenge est toujours passionnant : que chacun garde sa propre signature sans gêner l’autre.”

Avez-vous des exemples où une demande particulière d’un chef a influencé votre approche technique ou a enrichi votre savoir-faire en matière de gravure ou de décoration ?

Elle évoque une collaboration marquante : “Nous avons beaucoup travaillé pour Éric Frechon (Epicure au Bristol). Il avait une exigence toute particulière pour les détails.” Pour une assiette poisson, elle a dû retranscrire les mouvements d’un filet de pêche, utilisant des loupes pour travailler sur des segments de 3 mm². “Je pense qu’il a influencé, quelque part, notre soin du détail.”

Les chefs recherchent l’authenticité dans leurs créations culinaires. Comment transposez-vous cette recherche d’authenticité dans le choix de vos matériaux, de vos techniques, et dans le soin apporté aux finitions ?

L’authenticité prend corps dans le travail des couleurs. “Nous proposons des assiettes avec des tonalités variées, jouant avec la clarté ou l’obscurité des tons,” raconte-t-elle. Une assiette blanche ou colorée change l’atmosphère d’un plat, et le choix de la couleur peut contribuer à créer de la profondeur ou du relief, à renforcer l’expression culinaire du chef.

Lorsque vous travaillez sur une pièce pour un plat spécifique, quels éléments artisanaux vous semblent essentiels pour que l’assiette mette véritablement en valeur la préparation du chef ?

Les éléments sont sélectionnés avec soin en fonction de la vision du chef. “Les éléments artisanaux seront toujours choisis en fonction de ce que les chefs veulent exprimer.” La couleur, la texture, la gravure contribuent tous à rehausser la préparation sans jamais la dominer.

Enfin, quel conseil donneriez-vous à de jeunes artisans qui souhaitent se lancer dans l’art de la table et collaborer avec des chefs en quête d’authenticité et d’originalité ?

“Il y a une chose essentielle pour collaborer avec les chefs, c’est déjà connaître leur métier,” conclut-elle.

“Les cuisines sont les poumons des établissements. Innover peut être chronophage. Il faut être passionné, à l’écoute, aimer l’échange et le partage.” Elle invite les jeunes artisans à rester authentiques et persévérants : “Suivre son instinct, ne pas baisser les bras, continuer à apprendre.”

Elisabeth Monroy incarne la rencontre entre l’artisanat et la haute gastronomie, où chaque assiette devient le prolongement du geste culinaire. À l’écoute des chefs, sensible à leurs univers, elle façonne des pièces uniques qui révèlent autant la complexité d’un plat que la personnalité de celui qui l’a imaginé. Dans un monde où l’éphémère est roi, Monroy impose une vision durable, où chaque création échappe aux tendances pour se placer sous le sceau de l’intemporalité. Cette quête d’excellence, patiemment sculptée au fil des années, laisse entrevoir un message essentiel pour les artisans de demain : c’est dans la précision et la passion que réside le vrai luxe, celui qui traverse les époques et magnifie l’instant.