NOMA – Un voyage culinaire en terre du Nord
La date était réservée depuis fort longtemps, l’envie était intense depuis que nous savions que le NOMA était bientôt fermé définitivement sur son site actuel, donc c’était décidé, il nous fallait à nouveau vivre l’expérience culinaire que propose le chef René Redzepi.
Nous quittons donc Amsterdam à l’aube sous un climat encore relativement doux pour rejoindre Copenhague au Danemark où nous attendait un froid digne des régions scandinaves.
Nous voilà donc arrivés à Copenhague, nous nous enfilons directement dans un taxi, nous sommes déjà attendus à table. Dès la descente de la voiture, un vent glacial chargé de flocon de neige nous accompagne, nous arrivons sur les quais construits d’anciens docks, où est installé depuis 2002 le célèbre NOMA, pour nous c’est comme un espèce de pèlerinage dans cet établissement qui a été classé à 3 reprises Meilleur Restaurant au Monde par le Fifty Best.
René Redzepi est né à Copenhague dans une famille originaire de Macédoine. Une famille simple… avec un jardin, un potager. Il a grandi entre la rudesse des hivers danois, les jours très courts à la lumière faible et épaisse, les nuits sans fin , des journées glacées et les étés magiques de Macédoine où il jouait dans la nature, au plus près de la nature, pêchant des poulpes et capturant des vers luisants.
Le hasard, ou le destin, le place à l’école hôtelière de Copenhague, il vient d’avoir 14 ans et ne savait pas trop ce que faire de sa vie faire mais … il a la révélation, il sera cuisinier. Un long cheminement notamment entre les frères Pourcel à Montpellier, Ferran Adria à Rosas, et The French Laundry de Thomas Keller dans la Napa Valley.
Mais c’est la nature qui va lui donner les plus belles leçons de cuisine. Il va arpenter ses terres natales par tous les temps, sous tous les vents, toutes les neiges, pluies battantes et soleil brûlant, pour découvrir les plantes et herbes , la faune et la flore qui seront les élus de sa carte. Il a sa vision personnelle de la cuisine, il l’a faite de terroir et de créativité
Depuis il rafle les étoiles et les récompenses, il ose, il joue de curiosité de simplicité et d’audace, sans se départir de son sourire et de sa soif de création originale, il est explorateur de saveurs inédites, d’accords magiques. Son Noma est connu du monde entier, rarement un chef aura été associé à un pays, à une ville, les mots Noma et Copenhague riment naturellement, à tels points que l’État Danois le soutient dans sa démarche créative, il est une fierté nationale, un patrimoine vivant du pays.
René Redzepi fait évoluer Noma avec ses états d’âme, ses coups de cœur, ses envies. Il va jusqu’à le fermer pour l’ouvrir sur d’autres terres, sous le soleil dans quelques semaines avec son pop-up au Mexique durant plusieurs semaines.
Le Noma historique ferme définitivement dans quelques semaines, le chef se lance dans une nouvelle aventure, il s’engage dans une autre aventure, elle ne sera plus urbaine mais végétale, ouverte sur la nature.
René Redzepi a décidé de déménager non loin du Noma, aux portes de la ville aux pieds de la nature, il va y créer un restaurant pas comme les autres, une espèce de ferme qui s’articulera autour du bâtiment principal ( un ancien bunker de stockage d’armement lors de la dernière guerre ), totalement à l’abandon et squatté qu’il va refaire vivre. So nouveau Noma sera composé de 7 satellites rattachés au bâtiment principal, il va y développer son laboratoire créatif, mais aussi sa ferme écologique, un projet qui lui tient à cœur.
Nous passons à table, le chef René vient directement à notre table pour nous expliquer le principe du repas, nous allons profiter des exceptionnels produits de la mer du Nord, les produits sont arrivés le jour même, certains bougent encore. Le festival culinaire peut commencer.
On nous sert tout d’abord une infusion de baies rares cueillies dans le nord du Danemark, une belle amertume qui ouvre l’appétit.
L’histoire commence par une simple pomme, les dernières cueillies dans la région avant l’hiver.
La pomme est creusée, à l’intérieur une salade de pommes anciennes et nouvelles, pureté et acidité, le tout dans un jus de pomme fermenté.
Arrive ensuite une énorme coquille Saint-Jacques de Norvège, juste tranchée encore frémissante, translucide, la chair presque croquante, le tout arrosé d’un jus de moule et d’une extraction de légumes.
Un assiette garnie de feuilles sèches est déposée devant chaque convive. Glissées entre les feuilles, des bouchées à découvrir, comme ces feuilles d’ail noir, cette branche croquante sur laquelle sont collées des fourmies ou cette poire confite recouverte d’une fine peau de canard confite.
Du vin mais aussi des jus de fruits frais locaux et de saisons pour accompagner le déjeuner.
Impressionnante tarte » radis pie « , qui mêle acidité et amertume, radis marinés au jus de betterave et crème d’algue.
Suivra dans un service réglé comme un ballet, où personnel de salle et chefs se succèdent, des oeufs de poissons séchés sur place, accompagnés d’une crème et extraction de persil. Les lamelles font penser à de la poutargue, goût assez impressionnant.
Attention, encore un grand plat, une huître sauvage de Norvège pêchée dans les Fjords, algues et brocolis râpés.
Dans les cuisines tout s’active, la brigade est impressionnante, réglée comme une note de musique, les plats défilent dans un rythme léger et fluide. En cuisine plus d’une quarantaine de personne oeuvrent tous les jours.
Un beau moment avec ce corail d’oursin dans des feuilles de choux croquantes, le tout mariné dans une huile de noisette, simplicité, pureté, et explosion de saveurs.
Un plat mémorable, les langoustines juste tiédies, oignons grillés au barbecue … le tout relevé d’une huile à la rose.
Les têtes de langoustines garnies de corail et grillées, juste à croquer, le jus est sublime et extrêmement iodé.
Courge, jus de houblon, caviar et graines.
Encore un grand moment, l’araignée de mer cuite au moment et servie tiède, jaune d’oeuf fermenté.
Inattendue, les verdures de la régions grillées au BBQ, beurre fumé et pâte de saint-Jacques séchée, nous sommes totalement dans le végétal et le locavore, une découverte à chacune des bouchées.
Canard sauvage du Danemark rôti qui va donner place à plusieurs déclinaisons.
Un vrai festival autour du canard, asperges fermentées, feuilles de roses au vinaigre, groseille à maquereaux, le tout accompagné d’une fine purée de prunes locales. Toutes les parties du canard sont servies, cuissons parfaites, impressionnants accords de saveurs.
Les abats sont servis comme des petites galette croustillantes.
Le service est décontracté, convivial, attentif, et surtout le personnel est très sympa.
Premier dessert … franchement bluffant, crème d’amande amère, purée de pommes de terre tiède, compoté de prune.
Crème glacé au miel des bois, feuilles d’oxalys.
On termine avec une mousse cuite couverte de chocolat, et une mousse naturelle couverte de chocolat.
Nous resterons un peu sur notre faim avec les desserts, tout simplement parce que nous aurions aimé que le festival continue … mais toutes les bonnes choses ont une fin !
Un grand voyage culinaire qui se termine, par des infusions de plantes locales, un café à l’ancienne, et une visite des cuisines et du laboratoire… un autre post suivra dans les coulisses du NOMA.