Le SOS des Chefs … « La profession est au bout du rouleau. Nous laisser dans cette situation, c’est nous tuer. »

13 décembre 2020  1  Chefs & Actualités F&S LIVE
 

signature-food-and-sens La situation se complique pour les chefs et restaurateurs, qu’ils soient « bistrotiers », chefs étoilés, ou tout simplement restaurateurs, l’avenir est plus qu’incertain pour beaucoup d’entres eux … Tous ne sont pas éligibles aux aides, des aides qui tardent à se débloquer, des charges qui continuent à courir, des équilibres économiques qui se fragilisent, de nombreuses faillites sont à craindre…

Le chef Jean-François Piège a réuni ses collègues pour le JDD pour dénoncer les effets d’annonce alors même que la profession est au bout du rouleau, et même sur la paille !

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Par Charlotte Langrand

Ils se disent « sur la paille », au sens propre comme au figuré. Devant eux, des bottes de foin et des cageots de légumes ont été posés à même le bitume parisien. Jeudi, une vingtaine de cuisiniers – étoilés ou bistrotiers – et producteurs ont pris la pose pour le JDD devant le restaurant Marcore à Paris. Yves Camdeborde, Yannick Alléno, Pierre Gagnaire (représentant aussi Olivier Roellinger), Adeline Grattard, Stéphane Jégo, Amandine Chaignot, Christian Constant ou encore David Toutain ont répondu à l’appel du chef Jean-François Piège. Visages fermés et sourires absents, en veste blanche, ils veulent expliquer aux pouvoirs publics à quel point leur situation est critique : « La profession est au bout du rouleau« , glisse Piège, avant d’ajouter, ému : « Nous laisser dans cette situation, c’est nous tuer.« 

Des aides insuffisantes face aux coûts incompressibles

Tandis que la fermeture administrative de leurs établissements est prévue au moins jusqu’au 20 janvier et que le Conseil d’État a rejeté cette semaine une demande de réouverture exprimée par l’Union des métiers et des industries de l’hôtellerie (Umih), les chefs estiment ne plus pouvoir tenir plus longtemps : « C’est un cauchemar, ça fait huit mois que nous détruisons notre trésorerie, poursuit le chef du Grand Restaurant à Paris. L’addition est trop lourde, les charges à régler chaque mois trop importantes pour passer cette crise. Le ‘quoi qu’il en coûte’ nous coûte surtout à nous. Nous attendons des mesures précises : nous devrions être indemnisés à la hauteur de nos pertes et pas en partie. »

« Le ‘quoi qu’il en coûte’ nous coûte surtout à nous « 

Les restaurateurs doivent en effet toujours payer leur loyer, des frais fixes de fonctionnement ainsi que la majorité des congés payés accumulés par leurs salariés, même en chômage partiel. Le gouvernement a annoncé que les établissements ayant perdu au moins 50% de leur chiffre d’affaires (CA) pouvaient bénéficier d’une aide allant jusqu’à 10.000 euros ou d’une indemnisation de 15% ou 20% du CA mensuel en fonction des pertes.

« Nous cherchons à ne pas continuer à payer alors que nous sommes fermés »

« Ces aides ne sont pas suffisantes, insiste Bertrand Grébaut, chef de Septime et Clamato à Paris, qui emploie 45 salariés. Tout le monde est concerné : nous ramons énormément alors que nous avons la chance d’être médiatisés, alors imaginez à quel point le reste du métier est en difficulté… Nous ne jugeons pas les mesures sanitaires, car on doit effectivement enlever le masque au restaurant. Mais si nous devons rester fermés, il devrait y avoir une contrepartie claire. Nous ne cherchons pas à rouvrir coûte que coûte, mais au moins à ne pas continuer à payer alors que nous sommes fermés. »

Bataille rangée contre les assurances

De son côté, l’Umih organise un rassemblement national demain à Paris : « Nous disons : laissez-nous travailler ou payez ce que vous nous devez! », s’exclame Hubert Jan, le président de la branche restauration.

Alors qu’il leur faudra rembourser les emprunts, les chefs sont aussi partis en lutte contre les assurances : « Elles refusent toujours de prendre en charge nos pertes d’exploitation, poursuit Jean-François Piège, qui, avec 42% de pertes pour l’un de ses restaurants, n’est pas éligible au fonds de soutien du gouvernement. Nous ne leur demandons pas l’aumône, simplement de remplir leur contrat. » Il a lancé une action en justice contre le sien, Axa.

 » Nous ne voyons pas le bout du tunnel « 

Lundi, les assureurs ont concédé aux entreprises les plus touchées un gel des primes l’an prochain, alors que le gouvernement a renoncé à rendre obligatoire une future assurance pandémie. « Nous avons pourtant fait tout ce qu’on nous a demandé : des investissements pour respecter les protocoles sanitaires puis le couvre-feu ; tout ça pour nous fermer quand même, déplore Stéphanie Le Quellec, cheffe de La Scène à Paris. Renoncer aux recettes du mois de décembre, c’est catastrophique… Nous ne voyons pas le bout du tunnel. »

Les solutions de vente à emporter ou de livraison à domicile sont, elles aussi, largement insuffisantes pour compenser les pertes, puisqu’elles ne représentent que 10 à 20% des recettes habituelles.

Pendant que les chefs commentaient avec perplexité des photos de quais SNCF bondés, le chef Emmanuel Renaut, propriétaire de trois restaurants en Haute-Savoie, dépeignait une situation tout aussi inquiétante dans sa région : « L’économie montagnarde se fait entre décembre et février. Nous avons cent jours pour travailler et là, au mieux, ce sera peut-être cinquante jours, et encore… ouverts à moitié. » Cette situation met aussi en péril tout un écosystème qui travaille étroitement avec les restaurants (fournisseurs, producteurs…).

« Notre passion, c’est de cuisiner, mais là, notre occupation, c’est de survivre »

Après la photo, tandis que Jean-François Piège balayait le pavé pour éliminer les derniers brins de paille, le cuisinier savoyard ajoutait : « Ça fait vingt-trois ans que je travaille à mon compte et tout peut disparaître en quelques mois. Nous n’avons même plus la tête à notre métier ni à notre création. Notre passion, c’est de cuisiner, mais là, notre occupation, c’est de survivre. » Emmanuel Macron a annoncé que 2021 serait l’année de la gastronomie. Jean-François Piège rebondit : « Nous aimerions que le gouvernement comprenne qu’il n’est pas nécessaire d’attendre 2021 pour soutenir la gastronomie. »

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