Au Ritz, les chefs des Grandes Tables du Monde se confient – David Sinapian : « l’association monte en puissance, elle fédère, elle prodigue à ses membres une fierté d’appartenance »
Aux Grandes Tables du Monde, les chefs se confient – F&S a recueilli leurs impressions
C’est hier qu’avait lieu, sous les ors du Ritz Paris, la cérémonie de lancement du guide 2019 des Grandes Tables du Monde. Réunissant le gratin du beau monde étoilé, les salons privés du palace accueillaient notamment Anne-Sophie Pic, Frédéric Anton, Mauro Colagréco, Pierre Hermé, Michel Sarran, Régis Marcon, Michel Trama, Christelle Brua, Annie Féolde, Jean Sulpice, Guy Savoy, Yannick Alléno, Georges Blanc, Marc Haeberlin, ou encore Jean-François Piège. Le tout autour d’un déjeuner-buffet raffiné, placé sous la houlette du chef exécutif Nicolas Sale, et du chef pâtissier François Perret. Food&Sens était présent à l’événement, et a recueilli à chaud les impressions des chefs. À découvrir ci-dessous !
Treize heures, lundi 21 janvier. Une effervescence bonhomme a envahi le Ritz. Les chefs sont là, rassemblés, heureux de se retrouver. Sur l’estrade d’un des salons privés du palace, le président de l’association des Grandes Tables du Monde, David Sinapian, énumère la liste des lauréats de l’édition 2019. Les noms s’égrènent sous les applaudissements. Dominique Crenn à San Francisco, Nino di Costanzo en Italie, Key Kobayashi à Paris, Max e Raf Alajmo à Venise, ou encore Guillaume Galliot à Hong-Kong… La liste de noms continue, déclenchant l’assentiment des convives. Quelques mots encore, puis David Sinapian conclut, tandis qu’un brouhaha joyeux prend le pas. Chacun se congratule, se lance dans des échanges animés. Les festivités battent leur plein.
Je croise d’abord Pierre Hermé, souriant et détendu, qui me parle de la Mamounia –mythique palace marrakchi, où il a ouvert une boutique à son nom, et où il signe également toute l’offre sucrée. Puis il évoque les Grandes Tables du Monde : « J’adore ce concept. D’autant que l’association est dynamique, et évolue bien. Je suis un grand supporter des Grandes Tables du Monde. »
Plus loin, je repère Michel Trama devisant sous un lustre. Il évoque le Michelin bien sûr, et le « gros remue-ménage que le guide a opéré cette année. » L’échange se porte ensuite sur les Bouffons de la cuisine, l’association que Michel Trama a créée. « Cette année, on n’a pas fait autant d’actions que je l’aurais espéré… Certes, on ne peut pas faire pour tout le monde… En revanche, tout le monde peut faire quelque chose pour quelqu’un ! Et d’ailleurs, pas besoin d’avoir des étoiles ou des toques pour faire quelque chose ; moi par exemple, j’ai eu le privilège de recevoir les plus grandes récompenses ; pourtant, ce que j’espère avant tout, c’est que l’association des Bouffons perdure. » Pour l’heure, il profite des retrouvailles entre amis et collègues de la profession ; « c’est bien, cette association ; on voit les plus grands chefs du monde. Ça fait plaisir de les retrouver. »
À quelques pas de là, Anne-Sophie Pic rayonne posément. Nous parlons de son restaurant de Londres, La Dame de Pic London, ouvert il y a deux ans, et qui arbore déjà une étoile Michelin. « J’aime beaucoup le dynamisme de Londres, qui donne à ce restaurant un nouveau twist », confie-t-elle. Nous évoquons ensuite la présence croissante des femmes dans la gastronomie, ce dont elle se réjouit ; « nous les femmes, sommes partie prenante de ce métier. » Puis l’échange se porte sur les Grandes Tables du Monde : « j’aime l’état d’esprit merveilleux de cette association. Vous savez, dans certaines régions il y a un vrai besoin de recréer du lien ; c’est ce que font les Grandes Tables du Monde. On est comme une grande famille, solidaires les uns des autres. »
Dans le salon d’à côté, Michel Sarran converse, sympathique et souriant. La nouvelle saison de Top Chef approchant, nous l’évoquons forcément : « ça y est, le tournage a pris fin la semaine dernière », dit-il. « Cette année, c’est le dixième anniversaire de Top Chef France ; du coup, on recevra les plus grands noms de la gastronomie. Ducasse, Alléno, Gagnaire, Paul Pairet… On a voulu placer cette édition sous le signe de l’excellence. D’autant qu’au fil du temps, Top Chef France est devenu une émission de référence. » Puis de revenir sur la franche camaraderie qui booste le tournage ; « l’ambiance est bonne, cette année encore on a beaucoup ri avec Philippe Etchebest. » Quant aux Grandes Tables du Monde, Michel Sarran en fait l’éloge : « cette association réunit des chefs tous plus prestigieux les uns que les autres ; c’est l’antichambre du Michelin. » À propos du Michelin justement, je lui demande s’il appréhende les résultats de l’édition 2019. Le chef réfléchit, puis rétorque, empreint d’une gravité soudaine : « cette épée de Damoclès au-dessus de nos têtes, c’est dur. Je pense que les gens ne se rendent pas compte… » Heureusement, cette année encore, Michel Sarran a conservé ses 2 étoiles à son restaurant éponyme.
Au tour de Frédéric Anton de se livrer sur les Grandes Tables du Monde : « je suis très heureux de faire partie de l’association », débute-t-il. « D’y retrouver tous les amis restaurateurs et chefs. C’est un moment très important que celui du lancement du nouveau guide. Et puis, c’est la journée entière qui est importante, puisque le Michelin sort aujourd’hui également. » Une journée quelque peu stressante ? « Disons que nous sommes attentifs à la sortie des résultats, bien sûr. Depuis 11 ans que nous avons les 3 étoiles Michelin au Pré Catelan, on s’efforce d’être sérieux toute l’année, et de faire de la bonne cuisine. » Une endurance payante, le Pré Catelan conservant ses trois étoiles dans le guide 2019.
Aux alentours de 15 heures, les salons cossus du Ritz commencent à se vider, les chefs gagnant peu à peu la salle Gaveau – où se tenait l’événement Michelin. David Sinapian, le maître de cérémonie des Grandes Tables, est ravi ; tout s’est bien passé. « Si les membres de l’association sont contents, alors je le suis aussi », dit-il tout sourire. Puis d’ajouter : « cette sortie de guide a été très prestigieuse. D’autant qu’il y avait beaucoup de monde cette année, davantage que l’année dernière. Cela montre que l’association monte en puissance, qu’elle fédère, et qu’elle prodigue à ses membres une fierté d’appartenance. » Cette année, les membres sont au nombre de 183, soit une dizaine de plus que l’année dernière. Il s’en réjouit. Quant à l’objectif de l’association à long terme, il est clair : « nous souhaitons redonner aux Grandes Tables du Monde leurs lettres de noblesse. Vous savez, cela fait 65 ans que l’association existe. On fera tout pour que ça continue encore au moins 65 ans ! »
Propos recueillis par Anastasia Chelini
Photos : courtesy of LGTDM – A. Chelini