Christophe Hay / Ronan Kervarrec – Rencontre d’Hommes et de cœur pour un 4 mains à la croisée des terroirs
Christophe Hay / Ronan Kervarrec – Rencontre d’Hommes et de cœur pour un quatre mains à la croisée des terroirs
© Texte et photos Julie Limont
Ce quatre mains m’a émue. Profondément.
Si je connais par cœur le chemin menant à la belle maison de Montlivault, pour l’emprunter depuis un peu plus de trois ans, je vous avoue tout net espérer avaler sous peu les kilomètres me rapprochant de Saint-Emilion.
Sensible à la cuisine de Christophe, que j’apercevais sur les réseaux sociaux, mais plus que cela encore à la manière dont il partageait son travail, dans le plus grand respect des artisans et producteurs avec lesquels il collabore, je l’ai contacté, avec un peu d’insistance j’en conviens, début 2016 pour lui faire part de ma grande envie de travailler avec lui.
Quelques semaines plus tard, alors que j’escomptais shooter ses assiettes et services… il me passa commande pour les visuels de ses chambres. Bien évidemment, je ne savais pas faire, mais la confiance était si précieusement accordée qu’elle me fit dépasser les angoisses.
Depuis lors, d’un insolite périple à Obernai à l’obtention de sa deuxième étoile, en passant par les travaux et l’ouverture du nouvel écrin de sa Maison, en juin 2016, puis de la Table d’à Côté deux ans plus tard, la rencontre s’est écrite et transformée, je le crois avec reconnaissance et humilité, en une amitié qui s’est imprimée sous la couverture d’un ouvrage paru à l’automne dernier chez Flammarion.
Marie au dressage des amuse-bouches
Salsifis en barigoule, langoustine, bouillon gingembre citronnelle
Tartelettes pistou de lamier et vinaigrette d’acacia
Bille Hélianthis, foie gras au sel, truffe
Entrer dans sa Maison d’à Côté, c’est pénétrer au plein cœur de ses racines, de son attachement à son terroir, et surtout aller à la rencontre, au fil des assiettes et cépages dégustés, des hommes et femmes qui portent haut et avec cœur l’amour de leur terre.
Comme on rend visite aux membres de sa famille, il n’est donc pas rare que Christophe vous mène lever des filets sur la Loire en compagnie de Sylvain Arnoult, vous incite à découvrir les Wagyu de Monsieur Roussel, le Domaine du Croc du Merle, les gélines de Touraine d’Adèle Champdavoine, ou vous fasse découvrir les herbes et légumes de son jardin, juste derrière l’église, à quelques pas de là, soigneusement entretenu par Alain Gaillard, également fournisseur de son safran de Sologne.
Christophe Hay et Ronan Kervarrec se sont rencontrés sur un événement, il y a deux ans ; diner de chefs comme il s’en déroule si souvent me direz-vous, parfois considérés surfaits pour certains ou entre-soi pour d’autres, mais lieu, également et pour preuve, de rencontres humaines qui tissent de futures et franches amitiés.
Échange et transmission entre les équipes et les deux chefs
Dressage de la préparation à base de caviar
Le jeune cuisinier Théo
Caviar osciètre de Sologne, royale de pommes de terre, noisettes, cresson alénois
Ci-dessous complicité entre les deux chefs
Breton originaire d’Hennebont, passé chez Georges Blanc dès sa sortie de l’école hôtelière de Dinard, grâce à Bruno Oger, compagnon du devoir du Tour de France, Ronan est un véritable touche à tout (brasserie, bistrot, évènementiel, traiteur) qui s’est nourri de la richesse des rencontres et de son plaisir à partager. Conscient de la valeur de ces bagages, c’est véritablement pour la gastronomie qu’il s’est découvert une voie et une passion. La Provence, Paris, l’Ain, la Normandie, la Belgique, La Chèvre d’Or et aujourd’hui Saint-Emilion à L’Hostellerie de Plaisance, qui affiche grâce à lui deux étoiles au Guide Michelin, Ronan s’inspire et s’ancre dans les régions en y insufflant chaque fois ses souvenirs bretons.
Christophe, quant à lui, sera profondément marqué par sa rencontre avec Monsieur Paul, orchestrée par Eric Reithler, chez lequel il fait ses armes au sortir du Lycée Hôtelier de Blois. Monsieur Bocuse le placera à Orlando, où ils travailleront en étroite collaboration pendant plusieurs années, avant un retour parisien via des adresses prestigieuses comme l’Hôtel de Sers, Le Edouard 7 ou le Bel Ami, qui lui permettront d’apprendre toutes les facettes de la gestion d’un établissement. Puis l’opportunité se présente de revenir sur ses terres natales et l’aventure commence à Montlivault, en 2014, et ne cesse de se développer.
Fin de cuisson poule plat mettant à l’honneur les champignons
Concentration pour le jeune Anthony
Dressage du feuilleté
Champignon blond de Michel Delmas, volaille, vin jaune et fève de Tonka
Outre leur bienveillance, ces deux chefs ont en commun l’origine de leur appétence pour le bien manger et les saveurs franches de leur région : un père, parti trop tôt, mais non sans leur léguer un véritable héritage culturel et gustatif. Celui de Christophe était boucher, riche de plusieurs générations de fermiers avant lui, quand le papa de Ronan officiait en tant qu’aubergiste. Une enfance dans le bruit des casseroles, les souvenirs de pêche, les cueillettes ou les retours de chasse, et le plaisir des grandes tablées, dans le manque d’un père devenu marqueur de leur générosité et de leur soin, très certainement, à mettre l’humain au cœur de tout.
Ce quatre mains, loin d’être une simple juxtaposition de deux cuisines, s’est donc écrit dans ce profond désir de mettre à l’honneur les richesses de leur région, mais également de faire connaître et rayonner plus loin leur maison, dans les assiettes comme dans les verres, avec cette attention toute particulière du Château Pavie, propriétaire de L’Hostellerie de Plaisance, qui leur a offert l’accès à de beaux millésimes susceptibles de s’accorder aux mets de ce diner d’exception, et de piquer la curiosité des convives. Car la fierté de Christophe est aussi là : en ce lundi soir dernier, tous les clients présents étaient des habitués, auxquels il lui était important de faire connaître la maison bordelaise, dans l’assurance que beaucoup d’entre eux, sensibles à la découverte, feront le voyage en ces terres viticoles.
Ces deux hommes, dans une complicité qui ne peut qu’émouvoir et une humilité qui les honore, ont cette vision commune d’être média, vecteurs de savoir-faire à transmettre, à partager, et surtout d’être porteurs de cette responsabilité à mettre en lumière les hommes et femmes de l’ombre, artisans et producteurs sans lesquels rien ne pourrait être. Ils sont mus par leur amour commun du partage, et leur plaisir à rencontrer, écouter, comprendre les richesses, attentes et problématiques de leurs équipes et collaborateurs, dans l’attention permanente des fragilités et forces du vivant.
Vraiment…. ce diner fut délicieux.
Un grand merci à Christophe et Emmanuelle, sa précieuse épouse, pour leur confiance, à Ronan pour ces belles et riches discussions, et à Els, sa femme et bras droit, qui m’a profondément émue.
Léo très attentif dans les cuisines
Pierre, préparant le dressage de la lamproie
Nicolas, chef de Côté Bistro, et ci-dessous baptiste
Les pommes soufflées accompagnant la lamproie
Lamproie de Loire, premiers légumes du jardin, sauce au vin de Chinon et pommes soufflées
Mises en place des artichauts pour l’assiette de homard
Finition du homard et fumage minute au Green Egg
Le homard de casier Breton, artichaut, algue dulce, anis
Ultime assaisonnement pour les asperges
Baptiste et le chef Christophe Hay au dressage
Géline de Touraine, asperges vertes de Chambord, morilles, pissenlit
Ronan Kervarrec et son chef pâtissier, Sébastien
Alexandre, chef pâtissier de la Maison d’à Côté
Préparation du pré-dessert
Coque meringuée, litchi, crème glacée framboise, poivre de Timut.
Début de dressage du dessert autour de la Gavotte
Sébastien au dressage du dessert
Ci-dessous La Gavotte Bretonne, chouchen, sarrasin, caramel
Quelques mots très émus de Christophe Hay en fin de service
En mignardises, dôme chocolat, truffe bianchetto
Financier cassis du Croc du Merle et ci-dessous tartelette citron, thym
Sur le vif, fin de service
Éditons Flammarion – Signature Christophe HAY