La cuisine française est très attachée à son passé. Pourtant l’histoire de demain se construit aujourd’hui
L’avenir s’écrit aujourd’hui. Alors qu’un peu partout dans le monde, on évoque la cuisine actuelle, la gastronomie de demain, la « new food » et les tendances qui font bouger l’univers de la nourriture, on constate que la France est toujours – et même toujours plus – attachée à son histoire gastronomique, à son passé et à ses ancêtres, et que son discours évolue peu.
Alors, même si la France est le pays où est née la gastronomie, même si les fondamentaux de la gastronomie mondiale se réfèrent à la cuisine française, même si nous avons une vraie histoire liée à cuisine, même si la gastronomie française est porteuse d’un héritage, même si le guide Michelin est français, même si les codes de service en salle et l’art de la table remontent au siècle dernier, et même si la France peut afficher un palmarès impressionnant de grands chefs, la gastronomie française ne devrait-elle pas regarder devant elle plutôt que de ressasser son passé ?
L’avenir s’écrit aujourd’hui. C’est ainsi que fonctionnent de nombreux pays, notamment l’Espagne, les pays scandinaves, le Pérou, le Royaume-Uni, le Mexique, Hong Kong… certes nous conviendrons que ces pays disposaient déjà d’une cuisine mais pas d’une gastronomie ; que leur gastronomie, ils l’ont imaginée dans les dernières décennies, et que très souvent les chefs reconnus aujourd’hui sont passés dans les cuisines des grands étoilés français. Mais il ont fait le choix d’avancer sans regarder en arrière, sans renier leur passé non plus.
Dans les derniers jours, plusieurs articles ont fait référence à l’histoire de la gastronomie française, à leurs chefs, à son patrimoine. Plusieurs de nos internautes ont adressé à F&S des remarques presque nostalgiques, autour de réflexions du type « c’était mieux avant », « les chefs d’avant étaient plus respectueux », « avant il y avait plus de fraternité », et même, fait assez surprenant, « on mangeait mieux avant dans les restaurants étoilés « … Eh oui, les Français ont besoin de repères se référant au passé pour se persuader que la gastronomie d’aujourd’hui est à la hauteur.
Finalement, à se poser trop de questions et à toujours se persuader que l’histoire passée de la gastronomie assurera pour plusieurs siècles notre réputation, la gastronomie française ne risque-t-elle pas de se laisser distancer par ceux qui ne se posent aucune question et avancent pour exister ?
Faut-il effacer le passé pour construire l’avenir ? L’histoire énonce « ce qui a eu lieu », elle est la connaissance du passé. Mais l’histoire « s’arrête » au temps présent et devient actualité, l’histoire de demain se construit aujourd’hui.