Aurélien Gransagne à dorénavant en charge de faire vivre l’héritage du chef Serge Vieira : « Tout ce qui a été fait depuis 25 ans, on l’a quasiment toujours fait ensemble. «
C’est lui qui a en charge l’héritage culinaire du chef Serge Vieira, son ami, son compagnon de route depuis 25 ans. Aurélien Gransagne explique « C’est une vraie amitié qui va presque jusqu’au statut de famille.« , tout naturellement il est aux côtés de Marie-Aude l’épouse du chef Vieira pour tenir les cuisines et continuer à faire tourner cette belle maison.
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Le monde de la gastronomie était sous le choc, le 1er juillet dernier, du décès de Serge Vieira, chef doublement étoilé et propriétaire, avec sa compagne Marie-Aude, du relais Vieira à Chaudes-Aigues. C’est tout naturellement qu’Aurélien Gransagne, originaire de Fontainebleau, chef reconnu et grand ami de la famille Vieira a pris sa succession et tâche de faire vivre son héritage dans un établissement chargé de souvenirs et toujours doublement étoilé. Pour Actu Cantal, le chef Gransagne a accepté de se livrer sur sa cuisine, la transmission de Serge Vieira et son attachement à l’éthique alimentaire. Entretien.
Par Robin Lopez
Aurélien Gransagne, quel a été votre parcours ? Un parcours assez classique. J’ai fait un CAP, BEP et Bac pro et à 19 ans j’ai décidé de m’orienter plutôt sur les chefs étoilés. Je suis arrivé en septembre 1999 chez Marc Meneau à Vézelay (Bourgogne), qui venait tout juste de perdre sa troisième étoile, mais qui en avait encore deux, dans un relais château. À ce même moment, à deux jours près, une autre personne arrive chez Marc Meneau: Serge Vieira. On y est resté trois ans et demi, c’est là que l’on s’est connu. J’étais commis quand il était demi-chef, puis je suis devenu demi-chef et lui chef de partie. On a souvent travaillé dans les mêmes postes et on passait beaucoup de temps ensemble. On a lié dans ces années-là un grand réseau d’amitiés.
Comment êtes-vous ensuite arrivé à Chaudes-Aigues ? D’abord, en 2003, Serge est parti chez Régis Marcon et moi en Suisse chez Philippe Rochat. Ensuite, il préparait le Bocuse d’or, je l’ai rejoint pendant un mois pour lui donner un coup de main. Puis je suis allé en Irlande pour me perfectionner en anglais. Fin 2005, quand je suis rentré en France, Marc Meneau avait récupéré ses trois étoiles, mais il cherchait du monde, alors j’y suis retourné en tant que sous-chef. Serge avait gagné le Bocuse d’or et avait déjà le projet d’ouvrir un restaurant, mais ne savait pas où, il enchainait les consulting. Quand Marc Meneau a eu des soucis financiers, je suis resté avec lui pour l’aider, mais je venais en Auvergne plusieurs fois par an. J’étais là quand le relais de Chaudes-Aigues n’avait pas démarré, pour le début des travaux, j’ai tout suivi du projet.
Vous étiez aussi au côté de Serge Vieira quand le relais a ouvert en 2009. Je venais à peu près trois ou quatre fois par an que ce soit pour rendre visite ou donner un coup de main. L’hiver, j’aidais Serge puisque chez Meneau nous étions fermés. En 2012, le projet de Sodade (restaurant bistronomique à Chaudes-Aigues, NDLR) a démarré, à un moment où j’avais envie de passer à autre chose. Donc début 2013 j’ai quitté Marc Meneau pour rejoindre Serge. Et en même temps, je donnais des formations, j’ai travaillé sur un livre, j’ai aidé un copain à ouvrir un restaurant à Melbourne, en 2015 j’étais sur l’exposition universelle, bref…j’ai roulé ma bosse. Et en 2018 on a enfin ouvert Sodade, où mon but était de m’occuper un peu de tout puisque Serge ne pouvait pas être au relais château et en même temps à Sodade.
Malgré vos parcours respectifs, vous ne vous êtes jamais perdu de vue avec Serge Vieira. Vous avez finalement tissé de forts liens amicaux. Oui effectivement on n’était jamais bien loin l’un de l’autre. J’étais son témoin de mariage, je suis aussi le parrain de son fils né en 2012. C’est une vraie amitié qui va presque jusqu’au statut de famille. On n’a jamais eu de moments où on s’est perdu de vue. Tout ce qui a été fait depuis 25 ans, on l’a quasiment toujours fait ensemble.
C’est donc la suite logique de vous voir prendre sa succession ? Oui, un petit peu. Disons que quand il m’a appelé en 2022 pour m’annoncer qu’il était malade, j’ai laissé en plan tout ce que j’avais entrepris et on a décidé de ne pas ouvrir le gastro, de faire la saison à Sodade. Et au fur et à mesure je suis devenu chef exécutif des deux maisons puisque Serge était malade, mais toujours dans l’optique qu’il revienne après sa maladie. Les choses se sont très vite gâtées pour lui et on a beaucoup parlé, des enfants comme des entreprises. À ce moment-là je lui avais dit que je serais présent, mais que c’était à Marie-Aude* de prendre la décision, car je ne voulais pas m’imposer. On se connaît depuis tellement longtemps qu’on a un peu les mêmes sensibilités culinaires. On se rejoint sur beaucoup de choses.
*Marie-Aude Vieira est la compagne de Serge Vieira. Ils ont monté leurs entreprises ensemble et c’est elle qui a décidé de continuer leurs activités au décès de son mari.
C’était aussi peut-être une manière d’honorer la mémoire de son mari ? Oui certainement, et puis aussi dire que ce qui a été fait n’a pas été fait pour rien. Déjà que ce n’est pas évident pour moi de prendre la suite de Serge, alors ça l’aurait encore moins été pour un chef extérieur au projet. Il y a beaucoup de souvenirs ici, ce n’était qu’une ferme à l’origine. Ce qui a été fait ici c’est quand même magnifique.
Quelle est votre identité culinaire? C’est difficile à dire parce qu’il n’y a que l’assiette qui peut répondre à cette question. Je fais très attention à l’alliance des saveurs, donc on goûte toujours pour garantir l’équilibre. On veut avoir des beaux produits à la base des plats, c’est logique. Essentiellement des producteurs locaux, que l’on connaît et avec qui on a une relation de confiance. Puis, avec Serge on a une façon de travailler identique. Lui n’avait que deux menus, on va garder cette formule. Mais lorsque je suis au marché, je ne suis pas focalisé sur un, seul produit. Si par exemple un producteur me dit qu’il n’a plus tel ou tel produit mais qu’il a quelque chose de qualité à me proposer en substitut, je fais aussi au feeling. En fonction de ce que l’on a en chambre froide, on fait des essais pour travailler les plats. J’aime bien changer aussi. Cela permet de suivre les saisons.
Quelle est la taille de vos effectifs ? Pour le gastronomique nous sommes une bonne vingtaine et entre douze et quinze à Sodade. Pour un total d’une trentaine de personnes à ma charge.
Avez-vous eu peur de ne pas être légitime pour prendre la suite de Serge Vieira Non parce que je n’ai pas eu le temps. Se dire légitime, on se pose la question mais ça ne dure pas longtemps car je fais ce dont j’ai envie, je me fais plaisir. Du moment qu’on prend du plaisir, les clients le ressentent, c’est important pour moi. On continue les projets et on avance parce que tout se fait naturellement.
Le restaurant gastronomique est ouvert du mercredi soir au dimanche midi. Réservations au 04.71.20.73.85.