Le musée elBulli1846 par Ferran Adrià ouvre ses portes ce 15 juin 2023 : notre reportage sur place à Rosas
Le musée elBulli1846 ouvre ses portes le 15 juin 2023: notre reportage
L’attente a été longue, mais le moment est enfin venu. Demain, le 15 juin 2023, Ferran Adrià rouvrira les porte de son mythique El Bulli, non plus en tant que restaurant, autrefois numéro 1 mondial, mais en tant que musée.
Un espace unique, situé dans la mythique Cala Montjoi, au coeur du Parc Naturel du Cap de Creus, ancien écrin du restaurant 3 étoiles Michelin, berceau de la gastronomie moléculaire. Déjà siège de la elBullifoundation, le lieu a été créé et conçu en 2013 pour sauvegarder l’héritage d’elBulli, promouvoir une pensée innovante et générer des contenus de qualité pour l’éducation et la connaissance gastronomiques.
Près de 12 ans après le fameux dernier service du 30 juillet 2011, le nouveau elBulli1846, qui additionne à son nom le chiffre du nombre de recettes qui y ont été conçues, en vient encore une fois à autre chose. « Il ne s’agira plus de venir manger, il s’agira maintenant de comprendre ce qui s’est passé à elBulli, » avait expliqué Ferran Adrià lors de la présentation du projet.
Avec une superficie de près de quatre mille mètres carrés (2 500 m2 à l’extérieur et 1 300 à l’intérieur), elBulli1846 propose un parcours de deux heures qui a pour but de mener les visiteurs à une réflexion sur la gastronomie et l’innovation. Nous l’avons visité pour vous en avant-première.
La déambulation au sein du musée, qui se fait à l’aide d’un audio-guide que nous avons télécharger à l’entrée du musée directement sur notre portable, permet de découvrir tour à tour plusieurs espaces. Nous débutons notre visite par l’extérieur où les 350 phrases de la suggestive « Forêt de l’innovation » nous invitent à une réflexion profonde sur la gastronomie et nous permettent de découvrir tous les raisonnements sur la cuisine et l’innovation qui ont rendu elBulli le restaurant mythique qu’il a été.
Un grand ouvrage à l’entrée est dédié à la question « ¿Qué es cocinar? » (littéralement «Qu’est-ce-que cuisiner?«), le postulat de départ qui a donné naissance à la méthodologie Sapiens, dont l’application a permis de développer l’encyclopédie Bullipedia sur l’histoire de la gastronomie occidentale. Il est suivi par une installation qui explique la « Théorie de l’évolution culinaire » de Ferran Adria qui a abouti à une collection de cent quatorze dessins réalisés en 2013 sur des différents papiers à en-tête d’elBullirestaurante qui ont été exposés dans différents musées d’art contemporaine au fil des années.
Un troisième espace d’exposition explore l’idee de « La cuisine comme language« . Une approche qui analyse tous les éléments entrant en ligne de compte dans le processus gastronomique, de la cuissons à la dégustation par le convive et qui a donné vie à l’un des fondamentaux d’elBullirestaurante: la systématisation de la création. Un exemple pratique de cette codification peut être observé grâce à un diagramme de flux qui démontre la complexité d’une recette de poulet au curry. Il en ressort que la cuisine est un langage véhiculant des connaissance, des choix rationnels, des émotions et des sentiments, et que l’expérience vécue dans un restaurant gastronomique de haut vol est très complexe. Une merveilleuse installation de Luki Huber, designer industriel appartenu au noyau dur de l’equipe créative d’elBulli au cours des années 2000, ainsi que l’exposition dédiée aux 1846 plats d’elBulli et à ses différents styles culinaires, nous aident à comprendre cela encore plus.
LukiHuber – Sculpture
Deux autres installations, l’une dédié aux Bullinianos qui ont fait l’histoire du restaurant (dont des chefs de renommée internationale tels que José Andrés, Andoni Luis Aduriz, Massimo Bottura et René Redzepi) et l’autre démontrant le projet Bullipedia, clôturent cette première partie de la visite.
Nous rentrons alors dans l’espace qui abritait le restaurant, où sont exposé les étapes majeures de l’histoire d’elBulli, de sa naissance en 1961 à sa fermeture un demi-siècle plus tard, et la manière dont la systématisation de l’innovation à été appliqué à la cuisine. En entrant, nous sommes accueillis par la célèbre phrase de Jacques Maximin, « Créer n’est pas copier« , qui a été le fondement même de la pensée de Ferran Adrià et a forgé son avenir en tant que chef. Un peu plus loin, l’emblématique terrasse qui surplombe la crique nous attend. Ici l’on peut s’assoir à la très convoité table 25 ou découvrir l’histoire des principaux protagoniste d’ElBulli : Marketta Shilling d’un coté, Ferran Adriá et Juli Soler de l’autre.
A l’intérieur du restaurant, le temps semble s’être arrêté. Laissé intact, avec tous les éléments d’origine (nappes, vaisselle, chaises, cartes des vins, verres), il a été réorganisé pour évoquer les souvenirs de ceux qui ont eu la chance d’y dîner et permettre à ceux qui n’y ont jamais été – comme nous – de vivre enfin cette expérience. Un videomapping nous offre la possibilité de nous attabler et d’apprécier la complexité d’une dégustation quelconque chez ElBulli, tandis que sur d’autres tables, les reproductions des plats qui ont fait la réputation du restaurant – réalisées selon la technique japonaise du «shokuhin sampuru» – montrent les différents moments d’un normal service.
Nous rentrons ensuite dans la mythique cuisine du restaurant où un grand écran montre des vidéos d’archive en taille réelle des Bullinianos aux fourneaux. Des milliers d’expériences gastronomiques inoubliables y sont nées et ont changé le cours de la cuisine mondiale et nous pouvons toucher des main la minutie du processus créatif d’elBulliTaller, où pendant les mois de fermeture on développait des nouveaux plats à proposer aux convives.
L’espace dédié aux relations interdisciplinaire qui ont enrichi et alimenté la capacité d’innovation d’elBulli, où l’on peut admirer les 500 couvertures consacrées au restaurant, les 35 ouvrages parues suite à son ouverture, les 15000 croquis et carnets des équipe d’elBulli, les objets de design crée pour le restaurant ou encore les nombreux récompenses gagnés par Adrià, ainsi qu’une zone dédiée à elBulliDNA, dans lequel sont expliqué les projets réalisés depuis la constitution d’elBullifoundation, terminent la visite.
Lluís García, le directeur général de la fondation elBulli qui nous a accompagnés lors de notre visite, a déclaré : « Nous sommes très heureux de rouvrir les portes de ce lieu qui a tant compté pour des millions de personnes. Et pouvoir recommencer à en nourrir, mentalement cette fois, beaucoup plus.«
ElBulli est le premier restaurant au monde à disposer d’un tel espace dédié à sa propre histoire, ce qui prouve son rôle dans les annales de la gastronomie. Dans une première phase de lancement, le musée sera ouvert aux visiteurs uniquement pendant une période de trois mois, du 15 juin au 16 septembre, de 9h30 à 20h00 (avec dernière admission à 18h30) pour ensuite laisser à nouveau les espaces à la disposition des chercheurs. La visite coûte 27,50 €, hors parking. Pour plus d’informations, vous pouvez visiter le site https://tickets.elbulli1846.com/fr
Par Lorena Lombardi