« Quand on perd le plaisir de manger, on perd une partie de son envie de vivre » – Christian Têtedoie sur les enjeux de a nutrition des Séniors
Sirha Food Forum – La nutrition des séniors
« Quand on perd le plaisir de manger, on perd une partie de son envie de vivre » Cette phrase de Christian Têtedoie résonne particulièrement dans un monde où l’acte de se nourrir est souvent réduit à sa simple fonction biologique. À l’occasion du Sirha Food Forum, une table ronde a été consacrée à un enjeu essentiel mais encore trop sous-estimé : la nutrition des seniors.
Avec l’âge, s’alimenter devient un défi. Perte d’appétit, altération du goût, troubles de la mastication, autant d’obstacles qui transforment chaque repas en épreuve plutôt qu’en plaisir. Pourtant, la gastronomie ne se limite pas à une question de calories ou de textures adaptées : elle est aussi un moment de convivialité, de souvenirs et de transmission.
Face à cette réalité, Christian Têtedoie, chef étoilé lyonnais, et Lucie Borgeon, directrice marketing de NutriSense, ont partagé leur vision et leurs solutions pour réconcilier santé, plaisir et gastronomie dans l’alimentation des seniors. Comment adapter les repas tout en préservant leur attrait sensoriel et leur rôle social ? Quels leviers pour lutter contre la dénutrition et redonner envie de manger ? Autant de questions au cœur des échanges, avec un constat unanime : bien manger, c’est bien vieillir.
Retour sur les échanges qui se sont tenus en marge du SIRHA Food Forum 2025 sur la place des Lumières >>>
L’alimentation, un enjeu de santé publique
Vieillir s’accompagne de changements physiologiques qui influencent directement la manière de s’alimenter. La perte d’appétit, l’altération du goût et les difficultés de déglutition conduisent à une dénutrition progressive, aux conséquences souvent lourdes sur la santé. « Les seniors arrivent en EHPAD dans un état de fragilité avancé. L’enjeu, c’est d’agir bien avant. » explique Lucie Borgeon.
Christian Têtedoie, qui s’est engagé depuis plusieurs années dans la nutrition médicale, met en avant le rôle crucial du goût et de la texture dans la réhabilitation alimentaire. « Quand on perd le plaisir de manger, on perd une partie de son envie de vivre. » Pour pallier ces difficultés, il travaille sur des recettes adaptées, notamment pour les patients atteints de cancer ou souffrant de troubles de la mastication.
Les industriels spécialisés, comme NutriSense, développent des solutions adaptées : aliments enrichis, texturants innovants, plats équilibrés et savoureux pour garantir une alimentation à la fois complète et attrayante. « L’idée, c’est de rendre aux repas leur fonction première : nourrir, bien sûr, mais aussi donner envie. » insiste Lucie Borgeon.
Réconcilier nutrition et plaisir gastronomique
L’un des défis majeurs de l’alimentation des seniors est de redonner envie de manger, malgré les altérations du goût et les restrictions alimentaires. Christian Têtedoie a ainsi mis au point des recettes spécifiques, riches en saveurs et adaptées aux différentes pathologies. « Nous avons créé des desserts sans sucre, des plats aux textures adaptées, tout en conservant des goûts francs et reconnaissables. »
Dans cette quête, l’esthétique du plat joue un rôle clé. « Un aliment mouliné, informe et sans couleur, ne suscite aucune envie. En revanche, si l’on restructure les aliments, si on leur redonne forme et couleur, l’appétit revient naturellement. » À travers des techniques innovantes, certains plats mixés reprennent l’apparence d’un petit pois, d’un morceau de viande ou d’un légume croquant, améliorant ainsi la perception sensorielle du repas.
Les avancées en R&D permettent également de travailler sur les marqueurs gustatifs. Pour compenser la perte de sensibilité des papilles, les aliments doivent être plus intenses en goût. « On force certaines notes, on joue sur les réductions, les épices, les herbes, pour recréer du plaisir. » précise Christian Têtedoie. Cette approche culinaire prouve que nutrition et gastronomie peuvent coexister, même dans des contextes médicaux.
Vers un modèle de restauration plus inclusif
L’alimentation des seniors ne se limite pas aux établissements de santé. Comment maintenir une nutrition adaptée à domicile ? C’est l’un des défis que tente de relever NutriSense, en développant des gammes accessibles aux particuliers. « Nous avons lancé une hotline nutritionnelle, et nos produits sont désormais disponibles en pharmacie et en ligne.» explique Lucie Borgeon.
Au-delà de l’alimentation en elle-même, le moment du repas doit rester un moment de partage. Dans certains établissements, des espaces familiaux sont aménagés pour permettre aux proches de se réunir autour d’un repas. « Quand on mange seul, l’appétit diminue. Il faut recréer du lien autour de la table !» insiste Christian Têtedoie.
Les évolutions en matière de restauration collective pourraient aussi jouer un rôle clé. À l’avenir, pourrait-on imaginer des cartes dédiées aux seniors dans les restaurants traditionnels, avec des plats enrichis et adaptés, sans renier la gourmandise ? La question est posée. Car si l’aliment est le premier des médicaments, encore faut-il qu’il donne envie de le prendre.
Repenser l’alimentation des seniors comme un acte de soin et de plaisir
Face aux défis du vieillissement, l’alimentation ne doit plus être seulement une question de nutrition, mais aussi une expérience sensorielle et sociale. Christian Têtedoie et Lucie Borgeon plaident ainsi pour une approche plus globale : intégrer la gastronomie dans les parcours de soins, proposer des alternatives savoureuses et accessibles et ainsi replacer le repas au centre du bien-être des seniors.
Alors que la population vieillit et que les attentes évoluent, il est temps de réconcilier santé et gourmandise. Car, comme le rappelle Christian Têtedoie, « bien manger, c’est bien vieillir. » Et cela commence dès maintenant !
Guillaume Erblang