Cyril Lignac – » une journée, pour moi, c’est 9 heures – minuit «
Cyril Lignac garde un regard d’enfant, sensible et émotif, il fonctionne au coup de coeur, aux sentiments…
Retrouvez le sur cette interview qu’il a accordé à La Dépêche – Cliquez sur le LINK pour retrouver l’interview en Intégralité.
EXTRAITS
Le chef est un fonceur. Il adore s’embarquer dans de nouvelles aventures, se passionner pour un projet. Mais, entre le croquant et le fondant, il garde son âme d’enfant naturellement doué pour le bonheur avec une inextinguible envie de le faire partager. En feuilletant son dernier livre, le plaisir est immédiat. Entretien gourmand
Une bonne pâtisserie, c’est quoi selon vous ?
C’est d’abord une pâtisserie qui fait plaisir. Après, ce n’est pas la difficulté de la préparation de la pâtisserie qui est signe de plaisir. Je m’explique : j’ai toujours le souvenir du gâteau roulé de ma mère. Elle le faisait souvent pour Noël, c’était tout simple et il n’y a aucune pâtisserie qui me régale plus que celle-là. Pour moi, une bonne pâtisserie, c’est quelque chose qui te touche, qui te réconforte, quelque chose qui te donne du plaisir. Et ce n’est pas forcément une pâtisserie de grand pâtissier !
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Est-ce que vous imaginez un repas sans dessert ?
Non ! (rires) ! Non parce que j’aime bien terminer sur une note sucrée, c’est difficile pour moi de ne pas manger un dessert. Pour tout vous dire, parce que maintenant il faut quand même que je fasse attention à ma ligne, si je fais l’impasse sur le dessert au déjeuner, à quatre heures, je descends à La Chocolaterie (mes bureaux sont au-dessus) prendre un cake marbré au chocolat, enrobé de noisette.
C’est votre pâtisserie préférée ?
Ah oui, le marbré qu’on fait là, c’est terrible. C’est aussi un souvenir d’enfance avec ma sœur. Pour faire un marbré il y a deux pâtes : la pâte chocolat et la pâte vanille. Ma sœur s’occupait de l’une et moi de l’autre, et on changeait. Et ce qui était top, c’est qu’on adorait manger la pâte après, celle qui restait dans le pot. Aujourd’hui, je l’ai customisé en y mettant cet enrobage de lait-noisettes, avec des noisettes tout autour.
Vous customisez les desserts d’antan, comment trouvez-vous l’inspiration ?
Je pars de la base de ce que j’aime. Mais je ne customise pas tout. Quand je fais un éclair, un baba, les gâteaux classiques, je ne les travaille pas, mis à part le goût et les crèmes à l’intérieur. Forcément, on ne fait pas un éclair à la crème pâtissière comme je mangeais quand j’étais plus jeune. On les customise mais je pense qu’aujourd’hui, une de mes forces, c’est de poser un regard sur le temps, sur mon époque. Ma pâtisserie a cette force de porter un regard sur son époque.
Sur l’époque justement, qu’est ce qui vous fait fondre et qu’est ce qui vous fait craquer ?
Oh… Beaucoup de choses, et pas forcément que la pâtisserie ou la cuisine, je suis un garçon assez sensible. Et ça peut être le regard d’un enfant, une œuvre d’art, un joli paysage, un moment avec mes amis, avec ma famille. ça peut être le travail tellement bien réalisé par mes équipes, qui m’apporte cette émotion, et qui me touche. Il y a plein de choses en fait qui me font fondre et craquer.
Une journée type de Cyril Lignac, qu’est ce que c’est ?
Je commence à 9 heures et quand je rentre à la maison, il est minuit. Et entre, vous y mettez tout ce que vous voulez. Une heure de sport, les réunions avec mes collaborateurs, les réunions sur la pâtisserie, le service au restaurant étoilé, des essais sur la nouvelle carte, une dégustation des nouvelles pâtisseries à 17 heures, une séance photo pour un magazine, le soir le tour de mes restaurants, un briefing avec mes chefs… c’est très varié, il n’y a pas une journée qui se ressemble. Je peux aller faire un cours de pâtisserie avec des jeunes à Nice et rentrer à Paris. Il n’y a pas de journée type, mais une journée, pour moi, c’est 9 heures – minuit.
Avec toujours cette envie de transmettre ?
Oui, c’est pour ça que de temps en temps je vais faire des cours de cuisine, des cours de pâtisserie, des démonstrations. C’est aussi la transmission avec mes équipes, le partage de la création. Je pense que si aujourd’hui je suis à cette place, c’est parce que tous les collaborateurs apportent leur pierre à l’édifice, c’est ça qui fait que ça fonctionne. Je suis à l’écoute de tout le monde.
Vos racines sont importantes ?
Je vais avoir 40 ans et je pense qu’aujourd’hui elles n’ont jamais été aussi fortes et aussi présentes. Je suis arrivé à Paris à 25 ans, et de 25 ans à aujourd’hui, j’ai eu la tête dans le guidon, j’ai entrepris tout ce que j’avais à entreprendre, j’ai appris beaucoup, j’ai partagé beaucoup, et je me suis beaucoup remis en question. Aujourd’hui, j’ai envie de dire que je sors un peu de l’adolescence. Mais je reste quand même un grand enfant, avec toujours cet œil admiratif, curieux, joyeux, et c’est tout ça qui fait ma force.
Qu’est ce qui a le plus changé sur les 20 dernières années ?
Je pense que ce sont les réseaux sociaux. La façon de vivre, notre mode de consommation de création, une nouvelle manière de communiquer aussi.
Des projets pour 2018 ?
Je n’en ai jamais à l’avance. Je ne suis pas dans le plan, je suis dans la vie. C’est-à-dire que je vis au jour le jour, je ne sais pas ce que je vais faire demain, je n’ai pas prévu d’ouvrir de nouveau restaurant à ce jour, mais si ça se trouve, dans un mois, on va me proposer un projet qui va me plaire et que je vais avoir envie de faire. Vous voyez, je fonctionne un peu comme ça, au coup de cœur.
Quelle est votre définition du bonheur ?
Pour moi, c’est la vie que j’ai aujourd’hui, je suis un homme heureux. Voilà, je nage dans le bonheur.