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Le goût du Brésil (évocation sommaire)

09 juin 2017  0  À la petite cuillère
 

signature-food-and-sensImaginez que l’aube se lève. Jetlag aidant, vous vous réveillez avec le soleil (il faut vraiment aller jusqu’au Brésil pour parvenir à se lever si tôt — on en profite, ça ne dure pas). Des oiseaux chantent et vous ne reconnaissez aucun de leurs chants. Vous allez à la fenêtre et tout est nimbé de brume. C’est plus fort que vous, il faut que vous sortiez prendre des photos.

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Vous êtes dans l’État de Bahia, à cinq heures de route au sud de Salvador, à deux heures de route d’Ilhéus, en pleine région productrice de cacao. Et par un heureux concours de circonstances, vous avez dormi dans une plantation de cacao. Enfin, j’ai dormi dans une plantation de cacao, disons les choses comme elles sont.

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Si je devais décrire toute la beauté que j’ai rencontrée au Brésil la semaine dernière, cette rubrique n’y suffirait pas. Un livre entier n’y suffirait pas. Alors je choisis de vous raconter comment on prend le petit déjeuner dans l’État de Bahia, car c’est un sujet que je peux circonscrire. Et encore, je ne pourrai pas tout dire.

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En fait, le petit déjeuner, dans ce pays, c’est peut-être le repas le plus important de la journée. Le déjeuner l’est aussi. Le dîner, moins. Parmi les petits déjeuners copieux du monde, on peut citer l’anglais, le nord-américain, le japonais, voire le chinois avec dim sum et congee. Mais je ne me doutais pas qu’un petit déjeuner pouvait être ce qu’il est au Brésil : une sorte de point de convergence de toutes les formes de gourmandise. Ce très court voyage (quatre jours) n’a été qu’une suite ininterrompue de belles surprises : celle-ci n’était pas la moindre. Et elle s’est renouvelée chaque matin.

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Ma première surprise a été cette assiette ton sur ton, ivoire sur blanc. Un cuzcuz de tapioca : pudding de manioc duveteux et léger, consommé tiède, l’impression de manger un nuage. Saupoudré de noix de coco fraîche râpée, arrosé d’une bonne rasade de lait de coco épais et relevé d’un peu de lait concentré sucré. C’était délicieux au-delà de toute description.

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Le manioc est partout : en tapioca, en semoule (farofa), en fines dentelles séchées qu’on peut acheter partout. On en fait des beijou, des « bisous » : fourrés aux haricots, à la viande ou au fromage.

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Lanières de bananes frites au sucre de canne brut et à la cannelle. Ça se mange avec à peu près tout.

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La forme buffet, matin, midi et soir, est très courante. Même à la maison, même au restaurant. On met tout sur une grande assiette : salé, sucré, entrée, plat, salade. Le petit dèj ne fait pas exception : sur cette assiette, à partir de 11 heures et dans le sens horaire : banane frite, œuf brouillé, ricotta, beijou au fromage, cuzcuz de tapioca à la noix de coco.

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Je n’ai pas tardé à constater qu’au Brésil, si l’on veut des fruits, il n’y a jamais à chercher loin. Ici, au Novotel de Salvador.

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Et là, sur la plantation. Je remarque que dans cette région, l’ananas pain-de-sucre à chair blanche est de règle. C’est le même ananas qu’au Bénin. Nul doute que ce fruit exceptionnel, du Nordeste, ait directement gagné les côtes du Dahomey…

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On ne vous laissera pas mourir de soif non plus. La culture des jus de fruits, au Brésil, est fascinante. Le jus est une base de l’alimentation. Il est partout, il va de soi, il coule à flots. Jus de quoi ? De tout ce qu’on peut presser pour en obtenir du liquide. Et même de fruits dont vous n’avez jamais entendu parler. Parfois, comme ce pichet de jus de goyave servi à la plantation, il portera fièrement une voilette empesée de pampilles pour se protéger des mouches.

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Parfois aussi, il sera servi dans une churrasqueria au bord de la route Salvador-Gandu. Ce jus de citron vert était tellement bon qu’il n’avait aucun besoin de sucre.

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Dans cet autre pichet, de l’eau de coco glacée. C’est juste de l’eau, mais son éclat opalescent, voire légèrement fluorescent, indique bien qu’elle vient d’une noix de coco. Je ne connais rien de plus désaltérant.

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Les cabosses de cacao sont aussi des fruits. Fraîches, les fèves qu’elles contiennent sont enrobées d’une pulpe mucilagineuse au goût très fruité tenant du citron, du corossol et de la poire. C’est surprenant.

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Et de ce goût fruité aussi, on tire parti. Après l’écabossage — l’extraction des fèves et de la pulpe —, on rassemble le tout dans un dispositif construit à partir de l’environnement immédiat : deux troncs de bananier, des feuilles de bananier étalées et aboutissant en entonnoir ; un filtre confectionné à base de branches feuillues et de trois bâtons. Par cet entonnoir, on recueille le jus du mucilage, qu’on appelle mel de cacao.

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 C’est un privilège de pouvoir goûter ce « miel de cacao » sur place, au moment de la récolte. Le liquide est blond, d’aspect légèrement laiteux comme l’eau d’un coco mûr. Son goût est très particulier : un peu sucré, un peu acide avec une très fine nuance de fruit exotique et de caramel en fond de bouche. On en boirait des litres. Il ne faut pas : c’est un peu laxatif. Par ailleurs, il faut : c’est réputé aphrodisiaque. Quoi qu’il en soit, on le met en bouteilles, on le fait réduire en gelée, en confiture. Petit dèj’ ? Why not ? Comme j’ai bu ce nectar à 8 heures du matin en pleine Mata atlantica (la forêt primitive, qui ombrage encore les cacaoyères), on va compter ça comme petit déjeuner. Mais si vous vous trouvez un jour (comme moi) devant un gros pichet de mel de cacao tout frais et l’autorisation d’en boire jusqu’à plus soif, attention à l’overdose (dont, d’ailleurs, je n’ai pas fait l’expérience).

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Le cupuaçu est le cousin du cacao : sa grande cabosse couverte d’un duvet brun contient une pulpe acidulée et aromatique dont on fait des glaces, des nectars, des crèmes, des liqueurs, des confitures… Dans certaines régions du Brésil, on en fait même une sorte de chocolat.

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Pitanga, un beau nom pour un très beau fruit. On peut le croquer comme une cerise : en bouche, la première impression est extrêmement acide, juteuse, mais elle cède vite la place à une sensation plus amère, vineuse, prolongée et agréable. La fraîcheur même. C’est aussi bourré de vitamines A et C. Soit dit en passant, pas un seul de ces fruits tropicaux n’a un goût simple, unidimensionnel : tous ont des saveurs complexes, en couches, développées en plusieurs temps.

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Pommes de cajou.

C’est aussi le cas de ces pommes de cajou (la noix est au bout, oui, bravo, vous l’avez reconnue). Leur chair a une texture pas très agréable, un peu spongieuse. Mais leur goût… Une pure merveille : acide sans excès, doux, musqué, fumé, aromatique.

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Cet arôme extraordinaire en fait l’ingrédient idéal pour une caipirinha, encore une chose qu’on a rarement besoin de demander deux fois dans ce pays. On fait des caipirinhas avec tout, sur la base de la cachaça, du sucre et du citron vert, mais une fois que nous avons essayé la caipi-cajou, plus personne n’a été capable de commander autre chose.

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Je m’en doutais un peu, mais au Brésil, le café est bon. Très bon. Partout. En tasse toute simple ou mis en scène de façon plus sophistiquée, tous les cafés qu’on m’a servis étaient délectables.

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Salade servie au restaurant Natureza, Gandu.

Ce n’était là qu’un petit aperçu de tout ce dont on m’a régalée au Brésil. La salade ci-dessus, servie dans un restaurant de bord de route près de Gandu, témoigne bien de la diversité alimentaire et de la fraîcheur des produits que l’on découvre ici à chaque pas : de haut en bas, laitue, poivron, tomate, concombre, carottes râpées, cœur de palmier (frais !), petits piments au vinaigre, courgette râpée, ananas blanc, betterave crue râpée, oignon blanc, mangue et noix de coco fraîche. La prochaine fois qu’on vous servira une « salade tropicale » dans une brasserie française, avec ses trois grains de maïs en boîte et deux cubes d’ananas, s’il vous plaît ne me maudissez pas en vous rappelant cette photo. 

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Textes et photos : Sophie Brissaud

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