Wilfrid Hocquet (Blue by Alain Ducasse) : le talent et l’expertise d’un chef qui a conquis la Thaïlande

19 janvier 2023  0  F&S LIVE
 
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Wilfrid Hocquet (Blue by Alain Ducasse) :  le talent et l’expertise d’un chef qui a conquis la Thaïlande

Le World’s 50 Best vient tout juste d’annoncer la date et le lieu de la 10ème édition des Asia’s 50 Best restaurants. Tout juste dix ans après le lancement de la toute première liste régionale, le classement des 50 meilleurs restaurants d’Asie revient une fois de plus dans la grande ville-État de Singapour pour un retour au bercail post-pandémie. Le classement annuel sera dévoilé lors d’une soirée de gala plus exclusive que jamais, le 28 mars prochain. 

Le chef et Alain Ducasse

F&S a donc saisi l’occasion de visiter il y a quelques mois l’un des restaurants du classement, le Blue by Alain Ducasse à Bangkok, et interviewer le talentueux chef français qui gère ses cuisines et qui s’est fait un nom dans l’univers de la gastronomie : Wilfrid Hocquet. 

C’est donc le bon moment de vous faire découvrir les échanges que notre correspondante italienne Lorena Lombardi avait eu avec le chef à ce moment là.

Né dans le sud de la France, Wilfried Hocquet est un chef à la formation classique qui a grandi dans les rangs des grandes cuisines étoilées françaises. Après avoir obtenu son diplôme d’art culinaire au Lycée Hôtelier du Sacré Coeur à Saint Chély d’Apcher, il a commencé sa carrière au sein des brigades de l’institution cannoise La Palme d’Or et du restaurant Le Jardin des Sens à Montpellier, mais aussi à New York comme chef de partie au restaurant Daniel.

Il a ensuite passé sept ans dans les cuisines d’Alain Ducasse : au Louis XV sous la direction du chef Frank Cerutti à Monaco, mais aussi au Bar & Boeuf où il a travaillé comme sous-chef de Philippe Gollino à Monaco, à la Bastide de Moustiers et au bistrot Benoit, où il a été chef exécutif. 

Après s’être éloigné de son mentor pour devenir chef corporate pour les nombreuses enseignes étrangères des frères Pourcel, et un passage à Los Angeles, il a fait retour au groupe Ducasse pour l’ouverture du restaurant Blue by Alain Ducasse, un merveilleux restaurant français contemporain surplombant la rivière Chao Phraya à Bangkok.  

Et, en effet, notre première réaction en entrant dans le restaurant a été l’émerveillement. En plein milieu d’un incroyable shopping mall dédié aux marques de luxe – ICONSIAM – dans une zone de la ville en plein développement qui sera bientôt desservie par un métro aérien, le restaurant accueille les visiteur dans une très belle salle aux larges baies vitrées qui offrent une très belle vue sur Bangkok, notamment la nuit tombée.  

La décoration intérieure du Blue est un délice sensoriel et s’inscrit dans la conviction du chef Alain Ducasse en une expérience totale créée pour les clients. Conçue par le studio de design parisien Jouin Manku, la décoration intérieure se propose d’exporter la French Touch en Thaïlande, en utilisant notamment le langage classique de la couleur bleu royal et le bois, une matière très chère au chef A. Ducasse, et offrant ainsi un cadre somptueux mais toujours informel qui met les clients à l’aise.

La cuisine proposée par le chef Hocquet essaie de créer une expérience gastronomique plus décontractée par rapport à celles des grandes tables françaises. Ancré dans la cuisine française traditionnelle, et plus proprement celle d’esprit provençal, Wilfried Hocquet – secondé par Valentin Fouache (ci-dessus) – joue la carte de la cuisine française classique, avec des bons produits (qui arrivent de France, mais aussi de Thaïlande et du Japon) et quelques touches asiatiques bien maîtrisées. Le service est aussi soigné que tout le reste, dans la parfaite tradition française. Le chef sommelier, Morgan Daniel (ci-dessous), sait accompagner les plats avec de vrais petits trésors et multiplier avec brio les rendez-vous de découverte.

Après la confirmation de l’étoile Michelin pour la deuxième année consécutive et en attendant de savoir si le restaurant confirmera aussi sa 25ème place dans les 50 meilleurs restaurants d’Asie ( 50Best ), le chef Wilfrid Hocquet s’est entretenu avec nous pour discuter de son aventure au Blue et de ce moment très important de sa carrière, un tournant même.

F&S. Chef Hocquet, comment définiriez vous votre cuisine et plus précisément la cuisine que vous proposez à Blue?

WH. J’aime toujours dire que j’essaye humblement de faire de la cuisine française bien exécutée avec toutes les techniques apprises par A. Ducasse et un maximum de respect pour le produit. Mais vu qu’on est en Thaïlande, j’essaye aussi de m’encrer dans le Pays où je me trouve et faire une cuisine pas trop difficile à comprendre par les Thaïlandais, en apportant des touches d’exotisme à des plats traditionnel comme le Pithiviers ou le soufflé. J’essaye toujours de garder l’ADN Ducasse mais en y ajoutant ma personnalité, notamment sur les dressages qui sont très épurés et un peu japonisants.  

F&S. Quels sont les avantages et les inconvénients de cuisiner dans cette ville ?

WH. Les avantages sont multiples. On est très inspiré par tout ce qui nous entoure. En plus les Thaïlandais adorent manger. À chaque coin de rue et à n’importe quelle heure on peut trouver de la nourriture et voir des gens manger. Il y a juste un problème de terroir en ce qui concerne ma cuisine. Il faut qu’on s’adapte beaucoup car on ne trouve pas forcement les bons légumes et les bonnes herbes auxquels on est habitué en France. Si on fait de la cuisine thaïlandaise on n’a aucun problème à repérer des ingrédients, il y en a même beaucoup! Pour faire de la cuisine française, c’est un peu plus compliqué….

F&S. Pourquoi avez-vous choisi Bangkok?

WH. Ce n’était pas vraiment un choix. J’avais découvert cette ville d’abord en vacances, puis en y travaillant en tant que chef corporate pour les frères Pourcel. Ça a été plutôt une question d’opportunité. Après 7 ans loin du groupe Ducasse, le chef m’a proposé de revenir pour m’occuper de Blue. J’ai tout de suite pensé que c’était une très belle opportunité, ainsi que la progression naturelle de ma carrière. En plus, Bangkok est une ville qui bouge énormément qui affiche déjà de nombreuses tables étoilés, comme celle des frères Suhring, LeDu, Sorn, Le Normandie et bien sûr Jay Fai, le seul restaurant street food étoilé au monde, qui reflète si bien la grande offre de cuisine de rue de la ville. Il y a de plus en plus de compétition, ce qui est très bien, et malgré cela le climat dans les grosses brigade est beaucoup plus agréable à vivre qu’en France. J’aime beaucoup travailler ici. Certe, des fois cela demande beaucoup de travail en amont, car le personnel n’a pas la même formation qu’on peut retrouver chez nous, mais une fois qu’on prend le rythme c’est très simple à gérer.

F&S. Quels ont été les plus grosses difficultés que vous avez dû affronter?

WH. Tout d’abord la pandémie, qui nous a frappé juste après l‘ouverture. Ici en Thaïlande les restaurants ont été fermé pendant plus de 12 mois et le Pays a été fermée aux touristes pendant très longtemps. Nous, nous ne sommes jamais arrêté, on a essayé de garder le moral même si des fois cela a été compliqué. Cependant, je pense que ça nous ait rendu plus forts et qu’on n’a jamais cuisiné aussi bien qu’après la pandémie.  Puis, il y a le problème de la localisation, car en plus d’être dans un shopping mall (ce qui n’est pas inusuel ici en Asie, où même les plus grands restaurants sont intégré dans le décor urbain), on est dans un quartier de la ville qui est d’accès plus difficile par rapport aux autres restaurants qui sont de l’autre coté de la rivière. Je ne craint pas de ne pas rentrer un jour dans la liste des grandes tables du monde pour ça, mais je suis sûr qu’on aurait beaucoup plus de clientèle si on étais ailleurs dans la ville. Malgré cela, je ne changerais ce restaurant, son décor et sa vue avec aucun autre au monde. 

F&S. Comment est organisé le flux de travail entre vous et le groupe Ducasse?

WH. Je fais tout simplement des propositions et j’attend la confirmation de Paris. C’est une question de confiance et il m’en font beaucoup. D’ailleurs c’est l’état d’esprit du Groupe Ducasse: on laisse les chefs s’exprimer. Je fais la même chose dans ma cuisine où je laisse mes chefs s’exprimer eux aussi. Saviez-vous qu’au début le projet, malgré le décor magnifique, n’était pas prévu pour faire du fine dining ? On ne pensait même pas aux étoiles. Cela est arrivé très naturellement mais sans la confiance qui m’a été accordée par M. Ducasse ce n’aurait pas pu être possible. 

F&S. Parlons justement étoiles. Êtes-vous satisfait? Aimeriez-vous en avoir d’autres?

WH. Bien sûr, je suis très content du palmarès. Je pense qu’il n’y a pas un chef dans le monde qui ne voudrait pas encore plus d’étoiles. Quand je suis arrivé à Bangkok, l’étoile Michelin et l’entrée dans les Asia’s 50 Best étaient deux de mes trois objectifs principaux. Le troisième était d’avoir un profil Instagram certifié, mais ça c’est une autre histoire (il rigole, ndr)! Je suis déjà très satisfait. Bien sûr, j’adorerai décrocher une deuxième étoile dans les prochaines années. On travaillera davantage pour y arriver. C’est un beau prestige même si je me dit qu’il ne faut pas se fixer là dessus. Le Michelin est un mécanisme dur comme le sport de haut niveau. Il faut toujours être au max. Par contre, je trouve que le mécanisme devrait changer un peu. Des fois il y a des deux étoiles qui en mériteraient trois et des trois étoiles qui pourraient en perdre une mais qui justement n’en perdent pas car c’est des enseignes qui ont écrit l’histoire de la cuisine française. J’aimerais que l’ont donne plus d’étoiles aux jeunes qui le méritent (surtout en France où les inspecteurs sont très stricts) et qu’on pense par exemple à une troisième étoile dorée – un peu comme ça arrive aux gagnants des 50 Best – à donner à ceux qui ont su garder les trois étoiles pendant très longtemps mais qui, à cause de raisons que seuls les inspecteurs du guide Michelin connaissent, perdent leur troisième. Je ne sais pas si ce serait le bon mécanisme mais ce serait un mécanisme que j’apprécierais. 

F&S. Quels sont vos projets futurs?

WH. J’en ai beaucoup mais j’aime me laisser transporter par les événements. Je sais que j’aime beaucoup voyager et que c’est cette passion qui m’a porté jusqu’ici. Peut-être qu’elle va m’amener ailleurs un jour ou que je me sente nostalgique de ma France natale et que je décide de rentrer. Pour l’instant ma vie est ici. Je sais que dans le futur proche les investisseurs de Blue et M. Ducasse aimeraient bien dupliquer la marque mais en neo-bistrot (style Benoit 2.0). J’aimerais bien m’occuper aussi de ça. En tout cas, pour le prochaines années vous me retrouverez ici, à Bangkok.

Par Lorena Lombardi

Crédits photos : Blue by Alain Ducasse et Lorena Lombardi

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