Patrimoine Immatériel de l’Unesco, vrai inventaire mondial de la gastronomie, ou bric-à-brac commercial ?
Le Président Emmanuel Macron a suggéré d’inscrire la baguette française au Patrimoine Immatériel de l’Unesco, après le repas gastronomique français en 2010, on se dit pourquoi pas… mais aussi pourquoi ?
Le député russe Alexander Kurdyumov siégeant de la Douma a proposé suite à ça de faire classifier aussi les crêpes russes (entre crêpe et pancake ) et les Pelmeni, pour lui deux spécialités russes que l’on retrouve dans toutes les maisons.
Après le repas gastronomique des Français, la diète méditerranéenne, ou l’art du pain d’épice en Croatie du Nord, ce fut au tour du Mexique de voir inscrire sa cuisine nationale au patrimoine mondial de l’UNESCO, puis à l’Italie avec sa pizza napolitaine en 2017, l’organisation mondiale reconnaît définitivement la cuisine comme une part immatérielle de l’héritage culturel d’un peuple.
La frite belge, le kimchi coréen, mais ce n’est pas tout, conçue pour être une vitrine des traditions, des arts, des rites et des savoir-faire de l’humanité, cette liste immatérielle regroupe aussi bien la « gastronomie française », le « compagnonnage », « l’équitation de tradition française » ou la « porcelaine de Limoges » que « l’art de la plaisanterie au Niger », « le papier marbré turc » et le « sauna estonien », un vrai bric-à-brac mondial des traditions.
Les places sont chères, mais faute de moyen, l’Unesco valide seulement ( et heureusement ) entre 30 et 50 candidatures par an, alors que des milliers (voire même des centaines de milliers selon certaines sources) sont en attente, la Chine quant à elle près de 200 000 demandes sous le coude. Donc depuis quelques années, le comité d’évaluation tente d’éviter la « marchandisation » de sa liste.
Le Repas français vite oublié pour ne parler que de gastronomie
En 2010, l’entrée de la gastronomie française au patrimoine immatériel de l’humanité avait ainsi suscité une vive polémique dans le milieu du patrimoine mondial, certains parlant même de « lobby » effectué par la France et ses grands chefs. « La France a fait le forcing pour décrocher un label qui n’allait pas de soi« , avec le risque d’usage abusif du label de l’Unesco à des fins commerciales, car le but de la liste du patrimoine immatériel est avant tout de défendre une tradition, pas de faire vendre et privilégier un produit commercial aux dépens d’autres qui ne bénéficieraient pas de l’étiquette Unesco.
La candidature qui défendait une certaine idée du repas français, convivial et ritualisé a vite vu le mot « repas » a disparu de la communication et c’est la gastronomie qui, aux yeux du monde, s’est retrouvée couronnée.
Aussitôt, des ambassades françaises ont organisé des repas de chefs pharaoniques à l’étranger pour promouvoir leur cuisine, le chef d’état Nicolas Sarkozy à l’époque s’est enorgueilli de la décision de l’Unesco, a vanté l’excellence de notre gastronomie. Cette récupération politique, doublée d’une escroquerie intellectuelle, a ouvert la boîte de Pandore. L’Unesco a dû rappeler à l’ordre le gouvernement.
En 2015 Telerama indiquait « Il y a un grand malentendu sur cette liste représentative. C’était juste un outil de communication, pas un classement, mais les Etats se sont précipités pour y apparaître comme s’il s’agissait d’un tableau d’honneur. Aujourd’hui, c’est devenu le concours de Miss Monde. »
… /… » De nombreuses voix se sont élevées contre l’instrumentalisation de l’estampille Unesco, cette « distribution de médailles en chocolat », comme le formule un expert à l’origine du projet, qui parle aujourd’hui d’un « gâchis épouvantable ». Même l’Unesco semble parfois dépassée par le monstre qu’elle a créé. « Le label fait vendre, mais il fait aussi du mal, admet Cécile Duvelle. Certains opérateurs touristiques récupèrent ce patrimoine pour faire de l’art d’aéroport et gagner un maximum d’argent. Nous en sommes conscients. »