Dominique Crenn :  » la cuisine, ce n’est pas la technique. Ça, on peut l’acquérir tous les jours mais apprendre la cuisine, c’est se mettre dans une émotion, dans une histoire… « 

12 mai 2022  0  Non classé
 
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La chef américaine Dominique Crenn participait à l’émission culinaire Top Cef ce mercredi, à cette occasion elle a répondu à l’hebdomadaire TVMagazine. Retrouvez ci dessous quelques extraits … TV Magazine

ENTRETIEN – La cheffe française triplement étoilée à San Francisco a accepté de participer au concours gastronomique de M6. Elle défie les candidats sur les fruits de mer.

À 56 ans, Dominique Crenn fait partie des femmes chefs les plus reconnues dans le monde. Elle est la première à avoir obtenu trois étoiles aux États-Unis avec son restaurant Atelier Crenn situé à San Francisco. Pourtant, la cuisinière française a un parcours atypique. Autodidacte, elle s’envole pour les États-Unis après avoir fait une école de commerce. Sur place, elle réussit à se faire embaucher, au culot, chez un très grand nom de la cuisine. Elle s’y forme avant de partir pour l’Indonésie et de devenir la première femme cheffe dans le pays. Elle revient aux États-Unis où elle ouvre un restaurant qui lui vaudra la reconnaissance de toute la profession. Très connue outre-atlantique – elle est mariée à la comédienne Maria Bello («Urgences») -, celle qui se considère plus comme une artiste que comme une cuisinière, a accepté de revenir dans «Top Chef» (elle avait déjà participé au concours culinaire de M6 en 2015). Elle raconte cette expérience et nous parle de sa philosophie en cuisine et dans la vie.

TV MAGAZINE. – Pourquoi avez-vous accepté de traverser le monde pour participer à «Top Chef»?
Dominique CRENN. –
 J’étais venue en 2015 et j’y retrouve les copains et les copines. Mais surtout, la version française de «Top Chef» est d’une qualité bien supérieure à l’américaine. Je trouve ça intéressant et important pour les jeunes cuisiniers de voir quelque chose de différent de ce que proposent les chefs français dans l’hexagone. Ça leur ouvre d’autres horizons, une vision et une créativité différentes. En venant dans l’émission, j’ai peut-être aidé les candidats à changer leur point de vue et leur manière de faire. La cuisine française est géniale mais c’est un chemin unique or, il faut sortir de ce que l’on fait tous les jours. Un cuisinier doit toujours être curieux. C’est en découvrant des goûts qu’ils ne connaissent pas que les grands chefs avancent et progressent. En cuisine, il y a de la technique mais il n’y a pas de loi, c’est de l’art, de l’émotion.

Vous avez demandé aux candidats de travailler les fruits de mer, pourquoi ce choix?
Ma mère est bretonne et, pour moi, la mer représente le mystère, la beauté, c’est un tout. Ce n’est pas un thème facile parce que je n’attendais pas que des candidats cuisinent juste un poisson ou un coquillage mais qu’ils comprennent aussi l’écosystème et l’histoire de ce produit. Moi, quand il y a un poisson ou un coquillage dans une assiette, je veux le goûter et goûter son histoire. Et puis, ce n’est pas évident de cuisiner les fruits de mer parce que si on les cuit trop, si on ne les assaisonne pas ou qu’on ne leur donne pas le goût qu’il faut, ça peut être difficile.

Qu’avez-vous pensé des candidats?
Ils ont un grand niveau mais j’ai trouvé qu’il y avait un peu trop de classicisme dans leurs assiettes. J’avais besoin d’être étonnée car j’aime surprendre les gens. Il y a un participant qui m’a surprise et dont le plat m’a fait réfléchir. C’était une bombe au niveau des goûts. Quand un cuisinier ou une cuisinière vous étonne, c’est super excitant.

Vous revenez dans «Top Chef» sept ans après la première fois, avez-vous noté une évolution?
La principale évolution, c’est que la production invite désormais des chefs qui viennent de l’étranger et cela apporte quelque chose de différent à l’émission.

Est-ce que vous connaissez les quatre jurés?
Hélène Darroze est une amie et je connais très bien Glenn Viel et Paul Pairet, un peu moins Philippe Etchebest. C’était génial de les voir et l’ambiance est très sympa. « Apprendre la cuisine, c’est se mettre dans une émotion, dans une histoire, regarder et s’intéresser à la nature et à l’écosystème« 

Que vouliez-vous transmettre à ces jeunes cuisiniers?
Je veux leur dire que la cuisine, ce n’est pas la technique. Ça, on peut l’acquérir tous les jours mais apprendre la cuisine, c’est se mettre dans une émotion, dans une histoire, regarder et s’intéresser à la nature et à l’écosystème. Je reviens de la forêt amazonienne colombienne où j’ai travaillé avec les Indiens natifs qui ont leur propre cuisine, leurs fermentations depuis des milliers d’années. La cuisine, c’est l’humain qui regarde la nature et la nature qui donne à l’humain des idées pour cuisiner. Je pense que les chefs ont besoin de ça. Moi je veux que les candidats voient un produit comme une couleur et l’assiette comme un tableau blanc et qu’ils réussissent à faire une peinture harmonieuse. D’une manière générale, je pense que les cuisiniers doivent devenir un peu plus sensibles. J’ai parfois l’impression qu’ils agissent comme des robots.

La nature semble très importante pour vous. Quelle est votre démarche avec les produits?
J’ai une ferme dans laquelle on cultive pas mal de choses. Je travaille aussi avec des plantes originaires de Californie. Je rencontre des fermiers qui ont des produits différents mais aussi des personnes qui vont en forêt ou qui pêchent. J’ai beaucoup d’informations. Si je vous cuisine un ormeau, ça va être une explosion de goût mais ça sera surtout de l’ormeau dans l’assiette. Comme on dit aux États-Unis «less is more». Il faut arrêter de mettre trop de choses dans un plat. En cuisine, on ne couvre pas mais on découvre.

Il ne reste qu’une seule femme dans le concours. Vous avez ouvert la voie en devenant la première cheffe à obtenir deux puis trois étoiles aux États-Unis. Quel message avez-vous envie de faire passer aux jeunes filles qui hésitent à se lancer dans ce métier?
Ce ne sont pas elles le problème mais les chefs. Même si on parle d’une évolution, le discours de ces derniers ne change guère, c’est toujours: «Je ne sais pas si je vais embaucher des femmes parce qu’elles veulent faire une famille»… Je trouve ça horrible! Les chefs doivent changer dans leur tête. Si les femmes souhaitent travailler, elles peuvent venir chez moi, je les accueille (rires). À Djakarta, j’avais une brigade 100% féminine, dans mon restaurant Petit Crenn j’avais 80% de femmes et à l’Atelier Crenn, c’est la parité. Moi, je ne fais pas la différence. Si les jeunes regardent ce qui se passe dans le monde au niveau des droits des femmes, elles vont bien sûr avoir peur de se lancer mais je pense qu’il faut continuer à être forte. Moi, si je fais ce que je fais, ce n’est pas pour les récompenses mais pour mes deux filles. L’important pour moi, ce n’est pas de gagner des étoiles mais d’aider les femmes et de changer les choses. « J’ai le projet d’ouvrir un restaurant à Paris. Je veux faire quelque chose de différent en proposant une cuisine qui représente ma Californie« 

Vous êtes autodidacte, comment est né votre amour pour la cuisine?
J’ai grandi dans une famille qui adore la cuisine. Mon papa travaillait dans la politique mais son meilleur ami était critique culinaire au Télégramme de Brest. …/… pour lire la suite CLIQUEZ ICI

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