Interview de Stéphane Kikel, chef au restaurant Au Cul de Poule de Reims.

20 octobre 2025  0  MADE BY F&S
 
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Questionnaire culinaire à Stéphane Kikel

Food & Sens a revisité à sa sauce le fameux questionnaire de Proust. En version culinaire bien sûr, histoire de cuisiner les chefs avant qu’ils ne passent aux fourneaux…

Passionné de gastronomie depuis toujours – ses premiers souvenirs  de cuisto remontant à la classe de CP, alors qu’il affirmait déjà vouloir tenir son propre restaurant – le chef Stéphane Kikel a pourtant bien failli ne jamais trouver le chemin de ses cuisines. Après deux années rudement achevées à Monampteuil, il frôle l’abandon d’une carrière pourtant prometteuse. C’est aux côtés du chef Vincent Lequeux, au restaurant La Toque Blanche de Chauny, que Stéphane reprend goût à la cuisine. Aujourd’hui encore fort de cette expérience formatrice, il garde d’étroits liens avec le chef, et ne manque jamais de l’appeler pour lui faire part de ses derniers projets culinaires.

Après l’ouverture de son premier restaurant Au Cul de Poule en 2003 – qui nous a tapé à l’œil dans notre quête des meilleurs restaurants de Reims – il inaugure dans une rue adjacente le bouillon Cocottes dès 2007. Un bar à vins ouvert puis revendu depuis, et c’était déjà le projet de la boulangerie Garance qui pointait. Cette fièvre entrepreneuriale rampe au sein même de sa famille, son épouse étant sommelière et son fils reprenant bientôt la pâtisserie. Stéphane Kikel nous a ouvert son univers…

Votre madeleine de Proust Sûrement l’un des plats les plus compliqués de la cuisine française : le lièvre à la royale. Chaque année, on attend impatiemment les premiers lièvres, les premières truffes. Je passe l’après-midi entier en cuisine, après le service du midi. C’est un plat qui cuit des heures, le service sur table n’a besoin de rien d’autre que sa sauce nappante. Même pas un brin de ciboulette. C’est un plat très long à faire, que l’on ne met pas à la carte : on le note simplement sur notre miroir quand nous avons eu le temps d’en faire.

Un légume – La pomme de terre. C’est pour moi le légume le plus noble, si l’on retire la pomme de terre, beaucoup de gens sur cette planète n’auraient plus rien à manger.

Un fruit La framboise. C’est le fruit préféré de ma fille. On a un framboisier devant la fenêtre de notre cuisine “framboisier de Garance”. On peut tout en faire : une tarte, un coulis, un gaspacho.

Une boisson – Bien sûr, le champagne. Je ne suis pas champenois, j’ai connu le champagne comme boisson de tous les jours en rencontrant mon épouse à 20 ans. Je trouve la vie des vignerons intéressante. Le champagne, en Champagne, on en boit tout le temps : ce n’est pas la boisson noble que l’on lui connaît ne serait-ce qu’à quelques kilomètres en dehors de la région. Il est accessible à tout le monde à tous les prix. De jeunes vignerons font des champagnes spécialement pour les dîners dédiés, de l’entrée au dessert.

Un aromate, une épice Je travaille très souvent le romarin, pour son côté mentholé, de verveine. Pour des marinades, des poissons, des viandes… Quand je fais du poulpe, j’apprécie particulièrement faire brûler au chalumeau du romarin séché. Mon fils, pour un examen quand il était à l’école de pâtisserie, a créé un entremet romarin-framboise. C’était un beau clin d’œil à toute la famille. Il y a aussi l’origan séché en branche, que je fais fumer sur un paleron de bœuf cuit pendant 12 heures pour 4 personnes.

Un dessert – Depuis toujours, mon dessert préféré est l’île flottante de ma grand-mère Georgette, qui m’en faisait tous les 15 jours. Je ne le propose pas dans mon restaurant, car c’est pour moi un dessert familial du dimanche. Par contre au restaurant, je sers le riz au lait à la mascarpone de ma grand-mère Reine.

Un produit que vous refusez de cuisiner – Sans avoir d’a priori, je n’aurais pas de plaisir à manger d’autruche, de taureau ou de cheval. Je me dis que certains le font certainement bien, mais cela ne m’inspire rien.

Un geste quotidien pour la planète – On en fait plusieurs au restaurant : on a une poubelle en agricyclage, récoltée deux fois par semaine, qui sert à créer de l’énergie dans les Ardennes, on ne travaille que des légumes cultivés à moins de 100 km, des viandes à moins de 150 km… On diminue également notre utilisation de matière animale mais sans communiquer dessus. On fait simplement les choses.

Le mot d’encouragement à votre brigade – J’aime à penser que seul, on n’est pas grand chose. Souvent, je dis “Merci pour cette belle journée, on a vraiment passé des bons moments”. Nos équipes sont jeunes, elles prennent soin de nous.

Un parfum, une odeur – J’aime les parfums de saison en cuisine. Un céleri au foin qui sort du four, un chou fleur, du panais… J’apprécie de nouveaux parfums quatre fois par an.

Une musique – Je suis de l’époque U2 et du rock en général. On cuisine en musique, tous les jours, l’un de nous met sa playlist sur l’enceinte.

Une exigence – Les gens pas ponctuels m’exaspèrent. Les gens qui arrivent en retard sont partis en retard. Les stagiaires en retard ne sont pas admis. Cela fait partie du respect des uns et des autres.

Un Chef – Impossible de n’en choisir qu’un. À Reims, c’est le chef 3 étoiles Arnaud Lallement. Il tient l’un des cinq meilleurs restaurants du monde, il représente l’image de la Champagne. Pendant la période du COVID, il a écrit à presque tous les restaurateurs un message : “J’espère que tu vas bien et que tes équipes vont bien”. Il a écrit à presque tous les restaurants. C’est un meneur d’Hommes. Les bistrots fonctionnent grâce à de grands chefs, comme le chef Kazu (Racine) ou Philippe Mille (Arbane). Il y a également Alexandre Gauthier (La Grenouillère), c’est un poète de la cuisine. Pour l’amour de ses légumes et sa façon de voir la cuisine comme un tableau, je citerais Alain Passard (l’Arpège). Enfin, Emmanuel Renaut (Flocon de sel) est un autre chef que j’admire.

A qui aimeriez-vous ou auriez-vous aimé faire goûter votre cuisine ? – Au père de mon épouse, Daniel, avec qui j’ai eu un vrai coup de cœur. Il était lui aussi cuisinier.

Propos récoltés par : Pauline Perrin-Béquart

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